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Culture 

Balthus, le temps suspendu

A Genève, à Berne, à Rossinière, le peintre Balthus a plusieurs fois trouvé refuge et inspiration en Suisse. Cet automne à Bâle, une grande rétrospective salue l’un des peintres les plus singuliers du XXe siècle.

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«La jupe blanche», 1937. Un portrait d’Antoinette de Watteville, sa première épouse. ©Balthus - Photo ©Courtesy of Thomas Ammann Fine Art AG

Au centre de l’exposition rétrospective, le Passage du Commerce-Saint-André, une toile monumentale (294 x 330 cm), un chef-d’œuvre, réalisée en France entre 1952 et 1954. Dans cette rue du quartier de la Monnaie, dans le VIe arrondissement de Paris, où Balthus avait son atelier et son domicile, le peintre a réuni tous les composants de son théâtre imaginaire: le décor dépouillé, mystérieux, éclairé d’une lumière un peu fanée, et dans lequel des personnages de tous les âges sont statufiés, dans une scène à la fois banale et fantastique. Il y a là une enfant et sa poupée, une jeune fille prenant la pose comme dans l’atelier, un adulte prostré dans le caniveau, et cet homme qui s’en va, une baguette de pain à la main, discret, secret, le peintre peut-être?

Balthasar Klossowski naît à Paris le 29 février 1908. Son père Erich, Germano-Polonais, est historien de l’art, sa mère, Else, une artiste juive allemande. Lorsque éclate la Première Guerre mondiale, la famille doit quitter la France et s’installe à Berlin. En 1916, après la séparation du couple, Balthus et son frère aîné Pierre suivent leur mère qui vient vivre à Berne puis à Genève. Elle est alors la muse, la maîtresse du poète Rainer Maria Rilke, qui, parmi les premiers, remarque et encourage les talents artistiques du jeune Balthus, qui racontera plus tard: «Je pense que ma voie a été tracée dès mon enfance. Mes parents y ont contribué par leur relation artistique, par les peintres qu’ils invitaient chez eux (Maurice Denis, Pierre Bonnard) et qui m’ont pour ainsi dire mis la main au chevalet…»

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«Le passage du Commerce-Saint-André», (1952-1954). Un tableau monumental de 294 x 330 cm. ©Balthus – Photo Robert Bayer

Ces premiers séjours en Suisse marqueront profondément l’artiste: «J’ai avec cette terre des liens invisibles et affectifs… Terre de vacances lorsque, jeune enfant et plus tard adolescent, le Beatenberg était le lieu de villégiature de mes parents puis de ma mère, terre de mes premiers travaux de peintre, terre qui me fit prendre conscience du sentiment spirituel qui habite la montagne (…) Ces paysages me furent des révélateurs, de forts ancrages, ils ont élaboré ce que j’ai pu appeler ma géométrie secrète, ma mythologie intérieure.»

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«Le salon». Au milieu duquel joue Thérèse Blanchard. ©Balthus – Photo Bridgeman Images

En 1977, à 69 ans, Balthus reviendra en Suisse pour s’établir à Rossinière, dans le «Grand Chalet», l’un des plus extraordinaires du monde avec ses 113 fenêtres ouvertes sur le Pays-d’Enhaut. Toujours dans ses mémoires, il note: «Les mœurs villageoises et naïves qui demeurent encore dans ces montagnes du Pays de Vaud me vont bien, j’y éprouve une complicité, une sorte de reliement.»

Balthus était revenu de Rome, où Malraux l’avait nommé en 1961 directeur de l’Académie de France installée dans la Villa Médicis. Durant les seize années qu’il passa à ce poste, il fit la connaissance de Setsuko Ideta qui devient son modèle et sa femme en 1967.

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«Le roi des chats», 1935. L’un de ses rares autoportraits. ©Balthus – Photo Etienne Malapert Musée cantonal des beaux-arts de lausanne

Retiré dans les Préalpes, «le roi des chats», comme il s’était nommé dans un rare autoportrait, ne vivait pas isolé. Des amis du monde entier étaient régulièrement ses hôtes. Fellini et Sharon Stone, «Richard Gere dont j’admire le travail photographique et ses clichés des monastères tibétains, Tony Curtis ou encore mon grand ami Philippe Noiret». Et lui qui n’écoutait que Mozart reçut aussi des musiciens, David Bowie ou encore Bono, qui revint une dernière fois chanter à la cérémonie ayant suivi sa mort, le 18 février 2001 dans son «Grand Chalet» de Rossinière, à presque 93 ans.

Mémoires de Balthus, recueillis par Alain Vircondelet, Ed. du Rocher/Le Rocher poche. Balthus, portraits privés, Ed. Noir sur Blanc.

Par Jean-blaise Besencon publié le 18 septembre 2018 - 09:55, modifié 18 janvier 2021 - 21:00