Il aurait pu continuer à bosser chez PayPal après avoir passé par l’Ecole polytechnique, une des plus prestigieuses grandes écoles françaises. Rien ne prédestinait a priori Benjamin Blasco à la méditation. En 2013, pourtant, il lance, avec son camarade Ludovic Dujardin, Petit BamBou, la première application française de méditation avec le logo de ce petit bonze souriant devenu iconique. En 2022, Petit BamBou, c’est 8,5 millions d’utilisateurs dans plus de 40 pays, des méditations en six langues et des programmes variant de dix à trente minutes. C’est aussi 3 millions d’utilisateurs de plus venus à lui juste durant la crise du Covid-19.
Au téléphone, Benjamin Blasco se dit toujours le premier étonné du succès de cette entreprise qui n’avait pourtant pas de plan marketing et est devenue rentable au bout de neuf mois. FeelVeryBien, la maison mère de Petit BamBou, emploie aujourd’hui une vingtaine de salariés. «Et on n’a toujours pas de business plan, ni d’objectifs de croissance. On essaie d’aider les gens qui en ont besoin. On choisit de se développer dans tel ou tel pays en fonction de l’intérêt qui croît pour la méditation», explique le boss.
Le succès de l’application? S’appuyer sur un solide réseau de formateurs, psychologues pour la plupart, offrir une palette large de programmes autour notamment de la réduction du stress, de l’insomnie, travailler sur sa cohérence cardiaque, sa gestion des émotions. «Nous créons des programmes en fonction des pays, en respectant la culture et même les accents, notamment québécois», explique ce quadragénaire décontracté. En Suisse romande, Petit BamBou a collaboré avec les HUG pour offrir une méditation destinée plus spécialement aux couples en traitement pour l’infertilité. De nouveaux programmes vont arriver, conçus notamment par un expert en neurosciences sur l’attention et un autre sur la sexualité en conscience.
Benjamin Blasco réfute la critique qui voudrait qu’une application payante ne peut viser l’autonomie du méditant, le but recherché après avoir suivi un programme de méditation de pleine conscience de type MBSR. «Nous sommes complémentaires. Les formations MBSR sont formidables, on en a tous fait une dans l’entreprise, mais on s’est aussi rendu compte que beaucoup de participants laissent tomber la pratique au bout d’un certain temps. Petit BamBou intervient alors comme une piqûre de rappel. Notre but n’est pas de garder les gens captifs. Nous sommes d’ailleurs assez contents quand ils nous quittent et nous le disent, ce qui veut dire qu’ils ont acquis assez d’autonomie pour méditer seuls. Souvent, ils reviennent un ou deux ans plus tard, pour explorer de nouveaux programmes.»
Quel est le profil des utilisateurs de l’application? Soixante-six pour cent sont des femmes. Mais 34% d’hommes, cela montre que le digital est un bon moyen, pour ceux qui ont la méditation un peu honteuse, de le faire avec leur smartphone», sourit Benjamin. Soixante-cinq pour cent ont plus de 35 ans. «Des gens un peu comme moi, dans la quarantaine, qui commencent à s’interroger sur le sens de la vie, leur équilibre. Et en même temps, c’est assez formidable de se dire que 45% de nos utilisateurs ont moins de 35 ans. Ce sont des jeunes qui anticipent ce qui va se passer plus tard et prennent le temps dans leur vie trépidante d’entraîner leur mental. Histoire d’apprendre à nager non pas au milieu de la tempête mais quand la mer est plus calme.»
Méditer à la carte trois minutes par jour suffit-il à obtenir cet apaisement du mental et ce recentrage sur soi tant souhaités? Certains en doutent, prônant une discipline plus ascétique. Il n’est pas d’accord. «Méditer exige une discipline douce, mais cela ne doit pas être un effort, il ne faut pas essayer d’atteindre ou de réussir quelque chose. C’est plus une invitation à se reconnecter avec son humanité. Si on n’a pas envie de méditer un jour, il ne faut pas le faire, mais plutôt observer d’où vient cette résistance. (Il sourit.) Ce qui est déjà en soi un bon support pour la méditation.»
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