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Championnes du monde de tchoukball, un sport d’ici

Six semaines après leur titre, les 12 joueuses de l’équipe suisse féminine se sont réunies à Lausanne. Des retrouvailles dans les rires et la fierté de brandir ce trophée. Histoire et explication des règles de ce sport inventé en Suisse, qui se dit mixte mais qui a une équipe féminine...

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L'équipe suisse féminine de tchoukball

Un cri de victoire pour les championnes du monde de tchoukball. L’équipe s’est réunie pour la photo à la Vallée de la Jeunesse, à Lausanne.

Darrin Vanselow

Prague. 5 août 2023. Le match se termine sur un score serré: 42 à 36. C’est fait! L’équipe suisse féminine de tchoukball bat l’Italie et devient championne du monde pour la première fois de son histoire. «La finale a été d’une intensité incroyable et d’un spectacle extraordinaire, car nous avons pu assister au duel des meilleures défenseuses féminines du monde, toutes habituées à défendre sur les tirs puissants des hommes lors de tournois mixtes», s’enthousiasme Erika Mesmer, 50 ans, vice-championne du monde avec l’équipe suisse en 2004 et actuellement présidente du club de tchoukball de Genève.

Selon elle, la mixité des équipes, qui fait partie des règles du tchouk, est un avantage pour les joueuses évoluant au niveau international non mixte. Mais pourquoi les Championnats du monde se jouent-ils avec des tournois féminins et masculins séparés? «Culturellement, dans certains pays, surtout en Asie, il était impensable de faire jouer les hommes et les femmes ensemble, reprend Erika Mesmer. En Suisse, et dans la plupart des pays européens, le tchoukball s’est toujours joué en mixte. Le Championnat suisse, par exemple, exige un représentant de chaque sexe sur le terrain.» 

Erika Mesmer, vice-championne du monde de tchoukball en 2004 et présidente du club de Genève

Vice-championne du monde en 2004, Erika Mesmer est présidente du club de Genève, le plus grand de Suisse.

Darrin Vanselow

Le choix d’évoluer entre femmes ou avec des hommes


Dans son club, à Genève, où il existe des entraînements mixtes pour tous les âges, l’ancienne internationale remarque toutefois que, à partir de la puberté, de nombreuses joueuses préfèrent s’entraîner sans les garçons. «Certaines adolescentes sont plus introverties par rapport à leur corps. Donc on propose aussi des entraînements non mixtes. Les filles apprécient d’avoir ce choix.» Gaël Sieber, 32 ans, ancien joueur et aujourd’hui coach de l’équipe nationale masculine, indique que la majorité des femmes ne jouent pas dans des équipes mixtes. Lui-même a disputé le dernier tournoi international junior mixte en 2008. «Il n’y a pas que les matchs, les joueuses doivent aussi passer beaucoup de temps dans une ambiance surtout masculine, car il y a en général huit hommes et deux femmes dans l’équipe.»

Gaël Sieber, ancien joueur de tchoukball

Ancien joueur, Gaël Sieber a disputé le dernier tournoi juniors international mixte.

Darrin Vanselow

Et certaines se voient même obligées de changer de poste sur le terrain, les positions d’attaque étant d’ordinaire réservées aux hommes, car elles nécessitent de sauter haut et de tirer fort. «J’ai dû faire face au fait que je ne peux pas rivaliser avec des hommes à mon poste», témoigne Nastasia Civitillo, ailière de l’équipe nationale, qui n’envisage pas pour autant de passer à la défense. «C’est vrai que j’ai peu de temps de jeu sur les gros matchs. Ça m’a un peu démotivée parfois, mais, d’un autre côté, ça me pousse aussi à m’entraîner plus et à me surpasser.» La joueuse de 27 ans souligne que la mixité des tournois «crée aussi une cohésion qu’il n’y a pas dans les autres sports». Samantha Urbina, centre-cadre en équipe de Suisse, en sait quelque chose. Avant de choisir le tchoukball, elle s’est essayée à d’autres jeux de balle, notamment le volley-ball. A 34 ans, celle qui est aujourd’hui présidente du club de Meyrin et vice-présidente de la Fédération européenne de tchoukball l’avoue volontiers: «Je pense que si ça n’avait pas été mixte, je n’aurais pas tenu aussi longtemps.»

La mixité, un souhait historique


Il est un homme qui, lui aussi, tient depuis très longtemps à ce que ce sport soit mixte. «C’était notre souhait depuis le début», murmure avec nostalgie celui qui est aujourd’hui la véritable mémoire vivante du tchoukball. Ancien enseignant de mathématiques, Michel Favre, 80 ans, s’est impliqué pour cela dès le départ et poursuit ses efforts en partageant son savoir avec qui lui tend l’oreille. En 1967, il découvre la recherche de celui qu’il appelle aujourd’hui encore respectueusement «Monsieur Brandt». Le livre «Education physique, sports, biologie: de l’éducation physique aux sports par la biologie» regroupe les réflexions d’un Suisse, le Dr Hermann Brandt, sur les possibilités pédagogiques d’un sport non agressif. Cette étude aboutit à l’invention du tchoukball. 

Une année plus tard, Michel Favre rencontre l’auteur lors d’une démonstration. Grâce à eux deux, la Fédération suisse de Tchoukball voit le jour en avril 1971. Hermann Brandt décède le 15 novembre 1972, alors que son sport n’en est qu’à ses balbutiements. D’une voix émue, Michel Favre se remémore: «Après la mort de M. Brandt, ça tenait à peu de chose. S’il n’y avait pas eu mon oncle, on n’aurait pas pu continuer.» Son oncle, Charles Tschachtli, a construit les premiers cadres et, surtout, a avancé l’argent pour la construction des suivants. «Je m’entendais bien avec lui et il adhérait à la philosophie du sport.»

Michel Favre, ancien joueur de tchoukball

Michel Favre, 80 ans, est retraité mais toujours très attaché au tchoukball. Il garde sur lui le livre de Hermann Brandt, étude qui a inspiré le sport. 

Darrin Vanselow

Un sport de paix


La règle fondamentale du tchouk est l’absence d’obstruction. «Quand un joueur a la balle, les autres joueurs doivent le laisser jouer. C’est lui qui choisit s’il tire ou s’il passe, il apprend à s’autogérer», indique Michel Favre. Cette particularité du tchoukball en fait un sport où la mixité hommes-femmes au sein d’une équipe est encouragée. «C’était notre souhait depuis le début, mais, en fonction des mentalités de différents pays, ce n’est pas possible partout et les Championnats du monde ne sont pas mixtes.» Il insiste actuellement pour que les différentes équipes et les tournois nationaux continuent de favoriser la participation d’hommes et de femmes ensemble.

«On a créé ce sport pour apprendre à se rencontrer», souligne-t-il avec une conviction contagieuse. «C’est un sport de paix. D’ailleurs, on ne dit pas jouer contre, mais jouer avec.»

Deux cadres et une balle: les règles du tchouk

Le tchoukball est un sport suisse non agressif où toute obstruction pendant le jeu est interdite, les joueurs et joueuses ayant l’obligation de respecter leurs adversaires. Il a été conçu pour pouvoir être joué par tout individu, quels que soient son âge, son sexe ou ses capacités athlétiques. Les équipes, constituées de six ou sept personnes, évoluent sur un terrain équipé de deux cadres faits d’élastiques tendus à la manière d’un trampoline. Pour marquer un point, l’équipe doit lancer la balle sur l’un des cadres sans que celle-ci, après le rebond, soit réceptionnée par un adversaire. La balle ne peut ni sortir du terrain, ni rebondir sur le tireur ou dans la zone interdite: un demi-cercle de 3 mètres devant le cadre. Lorsqu’il est en possession de la balle, un joueur n’est pas autorisé à se déplacer, il ne peut effectuer que trois pas avant de passer la balle ou de tirer sur le cadre. Seules trois passes sont autorisées avant un tir. Une partie se joue en trois périodes de quinze minutes chacune.

Par Sandrine Spycher publié le 22 septembre 2023 - 06:25