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Dossier médiumnité

Notre journaliste a parlé avec les morts

Christian Rappaz est allé rendre visite à deux médiums qui entrent en contact avec les morts. «Je suis allé là-bas en sifflotant, j’en suis ressorti bouleversé.» Témoignage.

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Notre journaliste Christian Rappaz est entré en communication avec ses parents et son frère par l’intermédiaire de Nicole Coudray. © sedrik nemeth

Pour être tout à fait franc, je n’avais jamais imaginé m’installer un jour sur le divan d’une médium, et encore moins pour communiquer avec mes chers disparus. Je me suis prêté à l’expérience pour satisfaire ma curiosité de journaliste et, surtout, avec le souci d’en rendre compte avec l’objectivité nécessaire. Le 9 et le 11 octobre dernier, j’ai donc successivement rendu visite à Nicole Coudray puis à Sarah d’Urso-Dobrovodsky. J’y suis allé sans attente ni appréhension particulières mais, je le concède, avec le scepticisme de celui à qui on ne la fait pas.

Avant de dérouler le récit, il n’est pas inutile de préciser deux choses. Vous pensez peut-être qu’en acceptant de nous recevoir pour le compte de L’illustré, les deux médiums valaisannes en question bénéficient d’un joli coup de pub. Oubliez cette hypothèse. Elles n’ont nul besoin de ce coup de pouce. Toutes les deux possèdent un carnet de rendez-vous rempli à ras bord pour les… dix-huit prochains mois. Restent les plus incrédules, qui s’imaginent peut-être qu’avant de me recevoir, l’une et l’autre se sont renseignées sur ma vie, mon passé, ma famille. Impossible, faute de temps et parce que leur don, si développé soit-il, ne leur permet tout de même pas d’aller fouiller dans mon cœur et ma mémoire, les seuls réceptacles où sont enfouis certains événements et autres «détails» de mon existence.

«L’au-delà est à portée de main»

Côté décor et mise en scène, R. A. S. Pas de lumière tamisée, pas de bougies contre les murs, ni de boule de cristal sur la table. La pièce est sobre, presque banale. Des chaises et une petite table à Réchy, des fauteuils à Vétroz. Et dans leur apparence, rien ne distingue les deux thérapeutes de l’âme d’une quadragénaire que vous pourriez croiser dans le train. Bien qu’elles aient une vision personnelle du sujet, ces «intermédiaires» qui disent communiquer avec les défunts répondent d’une seule voix et sans ambiguïté à l’énigme qui taraude l’être humain depuis toujours: oui, il y a une vie après la mort, oui, des forces invisibles existent.

Pour Nicole Coudray, l’au-delà est même à portée de main. «Les âmes de nos défunts nous entourent, à quelques centimètres.» Pour elle, mourir équivaut simplement à «rentrer à la maison», en reprenant en sens inverse le chemin qui nous a amenés à la vie. Mais en douceur. «Vous partez après avoir expiré une dernière fois. Tout le contraire des douleurs, voire de la rudesse d’une naissance.» La médium et écrivaine vaudoise Denise Kikou Gilliand explique que le contact médiumnique est une communication sensorielle. Le médium voit des images, entend une voix, repère une présence et sent des odeurs. Il arrive que le défunt se mette dans sa peau pour le faire écrire ou délivrer un message oral.

Paralysé par l’émotion

A ce stade, vous êtes sans doute un certain nombre à penser que tout cela n’est, au mieux, qu’une supercherie ou, au pire, un gros délire. A la seconde où j’ai pénétré dans le premier salon, je vous confesse que cette thèse m’a traversé l’esprit. Et puis tout a très vite basculé. Bien sûr, je ne vais pas vous dévoiler les détails intimes de ma vie. Ce que je peux affirmer néanmoins, c’est que je suis entré dans ces lieux en sifflotant et que j’en suis ressorti bouleversé.

Une heure durant, à quelques nuances près, les deux médiums m’ont décrit et parlé de deux hommes qui se sont vite révélés être mon père et mon frère, et d’une femme, ma mère, que j’ai d’emblée reconnue. Plus bouleversant encore, leurs messages passés au travers des deux médiums, leurs commentaires sur les petites comme sur les grandes choses de notre vie commune, l’évocation de souvenirs que je suis le seul à posséder, m’ont littéralement paralysé d’émotion. Comme si les deux femmes lisaient par instants un livre grand ouvert. Evidemment, tout ne correspond pas à la réalité ou alors échappe à la mémoire. «Peut-être comprendrez-vous plus tard», justifient-elles. Mais globalement, l’expérience s’est révélée d’une troublante réalité. Emouvante mais jamais traumatisante. Car d’un bout à l’autre de l’échange, le discours et la posture restent bienveillants.

Hautement sensible, le sujet fait débat depuis la nuit des temps. Aujourd’hui encore, ça parle sec dans les laboratoires de recherche et dans les chaumières mais peu dans les médias, pas du tout même en Suisse. «Ma grand-mère m’a raconté qu’un de mes aïeux, qui possédait les mêmes facultés que moi, a vu ses écrits brûlés par le curé et le maire du village», raconte Nicole Coudray. Comme Denise Kikou Gilliand pour son livre, nous aurions souhaité entendre un psychiatre ou un spécialiste de physique quantique. Hélas, personne ne veut prendre ce risque. «Pourtant, des scientifiques, des médecins et des professeurs de haut vol viennent me consulter», s’étonne Nicole Coudray.

En France, un physicien indépendant, Emmanuel Ransford, se répand sans tabou. «Pour un croyant, aucune preuve n’est nécessaire mais, pour un sceptique, aucune n’est suffisante», aime-t-il répéter. Pour lui, il ne fait aucun doute que la médiumnité fait partie des phénomènes paranormaux, au même titre que la télépathie ou la psychokinèse et que, s’ils sont qualifiés d’inexplicables, c’est simplement parce que les théories scientifiques sont trop étroites. «Nous sommes tous connectés, nous pouvons échanger des énergies d’amour, les guérisseurs à distance le prouvent.»

Sur des blogs, certains de ses collègues se montrent beaucoup plus prosaïques. C’est de la validation subjective, dit l’un d’eux, avant d’étayer: «C’est une tendance que nous avons tous d’accepter comme des révélations personnelles des informations qui peuvent en fait s’appliquer à tout le monde.» Expérience faite, et plutôt deux fois qu’une, ce n’est pas mon avis…


Par Rappaz Christian publié le 31 octobre 2017 - 00:00, modifié 15 mai 2018 - 14:16