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Mamans et business-women: un défi quotidien

Portrait de cinq femmes qui ont monté leur propre entreprise tout en jonglant avec brio avec leur rôle de maman. Un exploit au quotidien dans lequel elles s’épanouissent totalement, faisant rimer passion avec organisation.

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Elles sont mamans et business-women

Allier amour maternel et épanouissement personnel, c'est possible. La preuve avec Déborah Hofer, Miryam Scholders, Pauline Stephan, Mai-Thu Bui et Natacha Jaquier.

Blaise Kormann

Avocate ou artisane, coach de vie, comptable, réflexothérapeute, sage-femme, organisatrice de mariages ou photographe, chacune des quelque 80 mamans ayant adhéré à l’Association suisse des Mampreneures a créé, ou parfois repris, une entreprise. Qu’elles travaillent dans leur boutique, leur centre d’esthétique, leur cabinet ou chez elles, elles ne font pas passer leur carrière avant leurs enfants, mais créent un nouvel équilibre entre vie de famille et vie professionnelle, afin de s’épanouir pleinement. Mot clé: flexibilité. Là où certaines femmes se sentent obligées d’escamoter leur progéniture dans un CV pour ne pas être dévalorisées, voire discriminées, les «mampreneures» assument avec fierté leur double statut.

L’association et ses membres sont là pour les aider et les soutenir, pour encourager et conseiller celles souhaitant sauter le pas. Pour la présidente, Natacha Jaquier, qui a elle-même fondé deux sociétés, les mères tentées par l’entrepreneuriat doivent avoir confiance en elles, surmonter leur peur de se lancer et, surtout, oser demander de l’aide, ne pas essayer de tout faire toutes seules. Parmi les écueils à éviter, celui que l’entourage, bienveillant mais sceptique, peut dresser devant l’idée même. En résumé: «Osez et entourez-vous bien!»

La passion pour moteur


Le livre «Maman & entrepreneure», que vient de publier l’association, regorge également de témoignages et de conseils pour «se créer une réalité professionnelle sur mesure», car si la passion est le moteur principal de celles qui se jettent à l’eau, il n’est pas inutile d’apprendre à nager auparavant. Trouver le financement, se perfectionner, se créer un réseau, être au point avec les démarches administratives et déterminer ses tarifs, mais aussi fixer des limites entre famille et boulot sont autant d’étapes indispensables que d’autres mamans ont traversées avant.

Lumière sur cinq femmes ayant choisi de ne plus être de simples salariées, mais d’entamer une nouvelle vie en tant que cheffes de leur entreprise, ciselée à leur image. Leur point commun? Elles font toutes rimer passion et organisation, amour maternel et épanouissement personnel.

«On doit décider de ce qu’on veut privilégier, et à quel moment»

Natacha Jaquier, 47 ans, deux enfants de 16 et 18 ans
Natacha Jaquier

Natacha Jaquier, à la tête d’une agence immobilière active en gestion et en courtage et d’une école d’éducation canine, avec sa fille Orlane et Legend of Sakura.

Blaise Kormann

Quel est le point commun entre une agence immobilière et une école proposant des cours d’éducation canine? La passion, celle que Natacha Jaquier instille dans tout ce qu’elle entreprend. Et dire que, au départ, elle aspirait à devenir infirmière! Mais comme le gymnase ne lui convient pas et qu’elle a besoin d’un CFC pour accéder à la formation qui l’intéresse, elle s’initie à l’immobilier dans une agence. Elle s’y plaît et, une chose en entraînant une autre, elle poursuit sur la voie de son apprentissage jusqu’à son brevet fédéral de gérant d’immeubles. En 2005, après la naissance de sa fille Orlane, elle se met à son compte. Kelvin naît deux ans plus tard.

Désormais, au sein de Natimmo, Natacha Jaquier accompagne ses clients pour les soulager du stress qu’impliquent un achat, une vente ou la gérance d’un bien. Des prestations à la carte avec, en plus, un service réservé aux seniors, qu’elle va voir une fois par mois pour les tenir au courant de ce qui se passe dans l’immeuble qu’ils lui confient. Et les chiens dans tout ça? «Ça a toujours été une passion», assure celle qui a trois toutous à la maison: Oban, 15 ans, Cookie, 13 ans, le chien de sa grand-mère décédée, et Legend of Sakura, 3 ans, qui appartient à sa fille. Educatrice canine diplômée, Natacha Jaquier donne donc aussi des cours au sein de Nat Education canine toutes races.

Le principal défi dans le fait d’être une maman tout en gérant deux entreprises? Bien s’organiser et comprendre qu’on ne peut pas tout faire. «On doit décider de ce qu’on veut privilégier, et à quel moment.» Mais être une mère accentue le côté humain, ce qui peut se révéler un atout dans une relation professionnelle.

>> Une agence immobilière (VD), www.natimmo.ch et une école d’éducation canine (VD), www.nateducanin.ch


«Je peux être avec mes enfants, vivre tous les moments essentiels avec eux»

Déborah Hofer, 40 ans, deux garçons de 5 et 10 ans
Déborah Hofer

Déborah Hofer et ses fils, Cyril et Milo, dans la boutique Je Te Porte, à Romont. Tous deux ont expérimenté le portage physiologique dès leur naissance.

Blaise Kormann

«A la naissance de mon fils Cyril, nous avons acheté une poussette d’occasion, mais, au moment de le mettre dedans, cela a été physiquement impossible, il était trop loin de moi.» Déborah Hofer s’intéresse alors aux techniques de portage, mais a du mal à trouver des conseils éclairés et les bons accessoires. Pourtant, une fois que tout se met en place, c’est une révélation. «Avec ce bout de tissu, on peut absolument tout faire: consoler bébé, le promener, tout lui faire découvrir…»

Alors éducatrice de la petite enfance, elle montre la technique à une amie qui lui demande si elle n’a jamais pensé à l’enseigner à d’autres parents. L’idée fait son chemin, la jeune maman suit une formation spécialisée et commence, en parallèle à son métier, à donner des cours de portage physiologique (celui qui respecte au maximum la posture naturelle de l’enfant) et à vendre des écharpes de portage chez elle.

La naissance de Milo, en 2018, sert de déclic. Faute de moyens de garde pour ses deux garçons, Déborah Hofer se lance à 100% dans Je Te Porte. Elle installe Milo en portage et peut travailler simultanément, toujours chez elle. En 2021, un local se libère au cœur de Romont et elle ouvre sa propre boutique.

Etre mère tout en étant sa propre patronne crée des difficultés, mais offre des bénéfices. «Quand l’espace privé et l’espace professionnel sont réunis dans le même lieu, on ne parvient que rarement à aller au bout d’une tâche. C’est frustrant. Je dois «switcher» en permanence entre les besoins de la famille, avec de multiples interruptions, et le travail. Mais l’avantage, c’est que je peux être avec mes enfants, vivre tous les moments essentiels avec eux.»

>> Une boutique dédiée au portage physiologique à Romont (FR), www.jeteporte.ch


«Mon fils est ma priorité absolue»

Mai-Thu Bui, 45 ans, un fils de 10 ans
Mai-Thu Bui

Mai-Thu Bui et son fils, Louis, dans lʼun de ses trois instituts BuiCil dédiés à la beauté du regard. Son entreprise et son fils ont le même âge.

Blaise Kormann

Les étoiles sont parfaitement alignées en ce jour de printemps 2012 lorsque Mai-Thu Bui déniche l’arcade idéale qu’elle cherche depuis six mois pour installer son bar à cils et sourcils à Genève et découvre simultanément qu’elle attend un heureux événement. Mauvais timing, pense-t-elle sur le moment. Mais, avec le recul, elle réalise qu’il n’en est rien: «Si j’avais eu mon fils avant de monter BuiCil, je ne l’aurais probablement jamais créé. Et si j’avais démarré mon entreprise avant d’être enceinte, je m’y serais totalement investie et je n’aurais sans doute jamais été maman.»

Après des études à la HEC de Lausanne, elle débute dans le marketing chez Cartier et travaille pendant des années dans le domaine du luxe à Shanghai, à Hongkong, puis à Londres, où elle découvre les établissements spécialisés dans l’épilation des sourcils à l’aide d’un fil au lieu d’une pince. Ayant l’envie de créer sa propre entreprise, elle réalise qu’il lui faut importer un concept ayant du succès quelque part, dans un pays où il n’est pas encore implanté. Elle rentre donc en Suisse pour ouvrir un bar à sourcils, persuadée que «des sourcils bien dessinés, c’est un petit rien qui change la vie, qui peut transformer une personne».

Les débuts sont compliqués avec le petit Louis qui rend ses nuits difficiles alors que, chaque matin, elle se doit d’être tout sourire pour ses clientes. «J’adapte mon travail en fonction de mon fils, il est ma priorité absolue et aussi mon moteur», assure-t-elle. Désormais, Mai-Thu Bui possède deux instituts à Genève et un à Lausanne, et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Le secret de cette maman volontaire: «Il faut croire en soi. Et accepter que, si la vie vous met des bâtons dans les roues, c’est que vous avez quelque chose à apprendre.»

>> Trois bars à sourcils à Genève et à Lausanne, www.buicil.ch


«Je suis peu à la maison, mais mes filles savent que je suis toujours disponible pour elles»

Miryam Scholders, 54 ans, trois enfants de 13, 21 et 29 ans
Miryam Scholders

Miryam Scholders, entourée d’Eléonore et d’Isaline, dans le premier magasin de chaussures qu’elle a repris, celui de ses parents, à Oron-la-Ville.

Blaise Kormann

Les bonnes fées qui se sont penchées sur son berceau s’appelaient Bottine et Ballerine. L’odeur du cuir, Miryam Scholders a baigné dedans depuis l’enfance puisque, pour rentrer à la maison après l’école, elle devait passer par le magasin de chaussures de ses parents, à Oron-la-Ville (VD). Après treize ans passés à travailler dans l’administration au CHUV, lorsque sa maman, qui veut prendre sa retraite, lui propose de reprendre Chausseurs Scholders, l’envie de changement l’incite à accepter. Un peu à la légère. Sans imaginer toute la paperasse, les angoisses au moment de devoir payer les factures alors que le nombre de clients n’est pas à la hauteur de ses espérances, et même une certaine solitude. Mais elle s’accroche, découvre la façon dont les souliers sont fabriqués, s’intéresse à des produits durables et éthiques.

Puis, en 2019, la maman de Joaquim, Eléonore et Isaline reprend un second magasin, à Lausanne, Chausseurs de Grancy, déjà spécialisé dans les souliers respectueux de la planète, et se partage désormais entre les deux. Si le fait d’être maman a été un plus pour gérer ses commerces, car elle avait appris à bien s’organiser, s’occuper de la vente implique aussi des horaires contraignants: «Je suis peu à la maison, je travaille tous les samedis, mais mes filles savent que je suis toujours disponible, qu’elles peuvent venir en tout temps au magasin.» Avec cette seconde boutique, à son image, cette femme bienveillante a trouvé chaussure à son pied. Elle y propose même un bar à cirages, où chacun peut aller gratuitement bichonner ses mocassins ou ses brodequins.

>> Un magasin de chaussures à Oron-la-Ville (VD), www.scholders-chaussures.ch et un magasin de chaussures à Lausanne, www.chausseurs-de-grancy.ch


«J’ai toujours voulu façonner un métier qui réponde pleinement à mes valeurs»

Pauline Stephan, 33 ans, une fille de 3 ans
Pauline Stephan

Pauline Stephan, la ravissante Naomi et Lady Morrison, le camion anglais des années 1970 qu’elle a retapé pour en faire un salon de thé itinérant.

Blaise Kormann

De ses études en langue et civilisation anglophone à la création de The Tea Truck, son salon de thé mobile offrant des scones, ces brioches traditionnelles anglaises à la crème et à la confiture, il y a un grand écart, mais aussi une certaine logique.

Prof d’anglais en France – ce qui s’est révélé ne pas être sa tasse de thé –, puis assistante administrative tout en se formant à l’herboristerie, elle déménage en Suisse, travaille chez un horticulteur en plantes médicinales, devient cogérante d’un magasin bio et, enfin, décroche un emploi d’herboriste: voilà le parcours peu ordinaire de Pauline Stephan. «Pourtant, au fond de moi, j’ai toujours voulu façonner un métier qui réponde pleinement à mes valeurs, à mon besoin de créativité», confie celle qui, jusque-là, avait toujours cru désirer un travail lui assurant une sécurité financière, celle qui avait manqué à ses parents, des artisans. «Mais j’ai d’abord dû apprivoiser mes peurs et comprendre que ce n’est pas de l’égoïsme de vouloir se réaliser.»

Aujourd’hui maman d’une petite Naomi, cette passionnée crée des thés sur mesure pour des mariages, des lieux ou des marques. Et propose, trois fois par semaine dans son «food truck», ses assemblages de thés, ses infusions, des cafés et des chocolats chauds, le tout garanti bio, tout comme ses scones maison et son plat du jour, une déclinaison salée de ce délice typiquement britannique.

Etre maman et entrepreneuse demande un subtil équilibre: «J’estime que je ne suis pas une mauvaise mère si je choisis de travailler un dimanche pour un projet qui m’enthousiasme, mais que je ne suis pas non plus une mauvaise cheffe d’entreprise si je refuse un événement qui me ferait rater un moment important pour ma fille.»

>> Un salon de thé itinérant à découvrir à Neuchâtel, à Saint-Aubin-Sauges (NE) ou à Lausanne www.theteatruck.ch

Par Olaya Gonzalez publié le 31 mai 2023 - 09:50