Croiser une voiture avec une plaque d’immatriculation zurichoise n’a rien de particulier en soi. Sauf peut-être si l’on se rend avec un van zurichois sur un lac isolé dans un parc national canadien et que le seul véhicule déjà garé là porte aussi la plaque ZH. C’est ainsi que le couple Judith et Arthur et la famille Staub se sont rencontrés lors de leur voyage, le long de la légendaire Panamericana. Ils ont rapidement remarqué qu’ils étaient sur la même longueur d’onde et sont restés ensemble. En ce moment, leurs deux vans, Yoda et Oncle Benz, sont garés dans le sud du Mexique, avant de gagner le Guatemala. Ils emportent tous leurs biens dans leurs bagages: c’est la vie en van.
Voyager ainsi n’a jamais été aussi populaire, notamment à cause de la pandémie. Mais Judith et Arthur ont commencé à vivre leur rêve avant que les prix, y compris ceux des véhicules d’occasion, ne s’envolent. Ils ont signé le contrat d’achat de leur ancien camion militaire autrichien Steyr début 2020 et ont transformé leur véhicule, baptisé Yoda, pendant un an et demi.
Lors du choix de leur future maison sur roues, il était important pour le couple qu’elle ne soit pas trop moderne. Ceux qui voyagent dans des régions reculées du monde doivent pouvoir réparer eux-mêmes leur véhicule, même sans ordinateur. De plus, le Steyr devait être immatriculé au bon moment en Suisse et équipé du moteur adéquat pour pouvoir être labellisé Euro 1. «Nous avons dû faire face à la bureaucratie et à la technique. Cela dit, les vieux camions sont relativement faciles à obtenir et bon marché. Il faut surtout investir dans la restauration. Yoda offre beaucoup d’espace, une cabine aménagée et agréable à vivre, même par des températures extrêmes.» Le médecin de Graz (Autriche) et la mathématicienne de Spreewald (Allemagne) ont financé eux-mêmes la transformation de leur camion. Ils ont économisé longtemps pour cela et y ont même habité par moments quand ils travaillaient encore.
Ils voulaient parcourir la Route de la soie, mais la guerre en Ukraine est arrivée. Ils ont donc changé leurs plans et expédié Yoda au Canada. Là-bas, ils ont exploré les villages et les parcs nationaux. Dans le Yukon, une route a été fermée peu après leur passage: un barrage de castors avait cédé. Devant eux, des incendies de forêt faisaient rage. Cela aussi, c’est le Canada.
Certains jours, on ne vit presque rien, on conduit pendant des heures. On passe aussi certaines nuits sur des parkings de Walmart et on dort à peine à cause du bruit. Une dimension tout à fait acceptable pour le couple. «Nous ne sommes pas en vacances. C’est notre quotidien, qui est aussi fatigant par moments, raconte Judith. Les voyages nous rendent reconnaissants.»
C’est exactement ce que pensent Marco et Steffi Staub. Ils voyageaient déjà en van lorsqu’ils avaient une vingtaine d’années. Quand ils sont devenus parents, ils pensaient ne plus pouvoir vivre cette passion avant leurs 50 ans. Mais non: après un premier voyage d’essai de trois semaines à travers l’Allemagne avec leur bébé de 6 mois, ils se sont rendu compte que cela allait très bien et ont commencé à économiser. Depuis, leur fille les a rejoints et c’est à quatre qu’ils explorent la Panamericana.
Aujourd’hui, avec Judith et Arthur, ils savourent une fondue au Guatemala, et Steffi se souvient de moments inoubliables: «Nos enfants se sont déshabillés discrètement pour prendre une douche avec un tuyau d’arrosage dans le jardin d’un Mexicain accueillant. Une fois, nous étions sur la place d’un village au Mexique, quand on a frappé à notre voiture. J’ai cru que nous allions nous faire agresser. Au lieu de cela, une gentille Mexicaine nous avait préparé un dîner.» Depuis plus d’un an, la famille Staub voyage à quatre dans l’Oncle Benz. Steffi n’hésite pas à encourager d’autres familles intéressées par une telle aventure mobile: «Ayez juste de la patience et ne vous mettez pas la pression.» Peut-être que Judith et Arthur prendront ce conseil à cœur dans quelque temps. Ils ont déjà préparé leur Yoda à une future vie en famille. Et le grand rêve d’Arthur, voyager un jour en Mongolie, les attend toujours.