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5G: «On nous ment sur les conséquences»

Ingénieur EPFL en génie électrique et spécialiste de l’électrosmog, Olivier Bodenmann est l’un des initiateurs du mouvement Stop 5G. Il explique pourquoi la résistance à la cinquième génération des standards de la téléphonie mobile ne faiblit pas.

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Olivier Bodenmann, ingénieur en génie électrique, membre du collectif «Stop 5G». Alain Wicht / La Liberté

- Les opérateurs, l’économie et une partie du monde politique présentent la 5G comme une avancée majeure pour la Suisse. N’êtes-vous pas en train de freiner ce développement?
- Olivier Bodenmann: On se précipite sur la 5G sans avoir réfléchi aux conséquences. Ou, plus grave encore, on y a réfléchi et on a décidé d’y aller malgré tout, sans égard pour les personnes, ni pour l’environnement. D’un côté, on fait des efforts pour diminuer notre empreinte carbone, on compte même sur la 5G pour cela. De l’autre, on va induire une pollution effarante avec une centaine de milliards d’objets connectés à construire puis à recycler, on ne sait pas encore comment. Sans compter d’innombrables data centers ultra-gourmands en énergie. C’est une démarche totalement schizophrène.

- Les opérateurs vous accusent d’entraver le progrès…
- Il ne s’agit pas d’aller à contre-courant mais d’être réaliste, d’aller dans le sens du respect de l’humain et de la planète. On veut imposer une nouvelle technologie sans tenir compte du principe de précaution. Cela relève à mon sens de l’inconscience pure et constitue une violation flagrante du droit international. C’est de l’expérimentation humaine sur des humains non consentants. De plus, on prétend que la 5G est indispensable pour la numérisation, mais c’est faux. L’argument selon lequel il faut anticiper la saturation du réseau mobile à cause de l’augmentation continue de la consommation de données ne tient pas non plus. Le nombre de smartphones a cessé d’augmenter et ceux-ci sont déjà utilisés presque au maximum. Il existe des solutions pour déployer une telle technologie de manière respectueuse, moins invasive, mais on préfère les ignorer pour des raisons financières et d’agenda.

- Il y a tout de même des perspectives intéressantes, notamment sur le plan médical et économique…
- On entend en effet que la 5G est capitale pour beaucoup d’applications. Télétravail, télémédecine, communication machine-machine, gestion de l’énergie... Mais ce sont des applications fixes et non mobiles. Elles sont très performantes sans 5G, avec la fibre optique. Le déploiement de cette dernière par Swisscom couvre le 90% de notre territoire.

- Vos mots sont très forts…
- Ils sont à la mesure de la gravité de ce qui est en train de se passer. La 5G, c’est construire des autoroutes à dix pistes en faisant croire aux riverains qu’elles n’occasionneront pas plus de désagréments qu’une route cantonale. Il est nécessaire de mettre des garde-fous. Car le poids des effets négatifs est beaucoup plus grand que les avantages tant vantés par l’industrie des télécoms. Il est temps de dire stop à cette folie irraisonnée du «toujours plus»!

- Lors du récent Consumer Electronics Show, à Las Vegas, il s’est pourtant dit que les équipements 5G consommeront 10% de l’énergie de leurs équivalents 4G…

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Olivier Bodenmann, ingénieur en génie électrique, membre du collectif «Stop 5G». Alain Wicht / La Liberté

- Selon l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers), je cite: «Une station de base 5G devrait généralement consommer environ trois fois plus d’énergie qu’une station de base 4G. Et il faut davantage de stations de base 5G pour couvrir la même zone.» Quant au cloud, il est déjà le cinquième dévoreur de ressources énergétiques de la planète.

- A vous entendre, on s’étonne que Greta Thunberg et les activistes pro-climat n’évoquent jamais la 5G…
- Je m’étonne également. A Lausanne, nous étions pourtant à quelques mètres de Greta avec une grande banderole «Stop 5G». Mais rendez-vous est pris avec les activistes locaux pour en parler.

- L’Office fédéral de l’environnement a rendu ses conclusions fin novembre à propos de la 5G. Qu’en pensez-vous?
- Elles ne contiennent aucune prise de position quant à la façon de déployer la 5G de manière sécurisée. Cinq options ont été listées, du statu quo jusqu’à celle émanant de la ComCom ou des opérateurs, qui requiert une augmentation des puissances des antennes jusqu’à un facteur 16. Si elle était choisie, cette dernière option autoriserait des émissions jusqu’à 20 volts par mètre au lieu de 6 actuellement. Mais quelle que soit l’option, le problème est totalement biaisé.

- C’est-à-dire?
- Tout repose sur la façon dont les émissions seront calculées. Au lieu de prendre en compte les valeurs maximales, on fera une moyenne sur 24 heures, réduite d’un facteur 2,5 pour tenir compte du fait que l’antenne n’émet pas toujours à pleine puissance. Cela permettra de prétendre que l’on respecte les valeurs limites alors qu’elles seront très largement dépassées par moments, comme le montre notre diagramme. C’est comme si on limitait la vitesse moyenne sur une autoroute mais pas la vitesse maximale. On pourrait ainsi circuler à 300 km/h du moment qu’on ne dépasse pas 120 km/h en vitesse moyenne.

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  Olivier Bo

- Malgré un moratoire de plusieurs cantons, les opérateurs annoncent une couverture du territoire de 90%. Comment est-ce possible?
- Dans les cantons sous moratoire, les opérateurs ne peuvent plus construire de nouveaux mâts, mais ils peuvent bénéficier des permis de construire déjà alloués. Ils peuvent aussi modifier des antennes existantes, y compris y ajouter des antennes 5G et opérer des mises à jour logicielles à distance qui permettent de transformer en un clin d’œil une antenne 3G en 5G, dite de base. Malgré cela, la prétendue couverture sur 90% du territoire n’est pour l’instant pas de la vraie 5G.

- Le politique a-t-il réellement une emprise sur un sujet si global et qui semble si lucratif pour l’économie? Et ce, d’autant plus que les licences ont déjà été attribuées?
- En effet, on a mis la charrue avant les bœufs en vendant les licences avant de se préoccuper des problèmes. Néanmoins, des mesures politiques pourraient s’avérer pertinentes pour éviter une possible catastrophe sanitaire. En imposant par exemple des valeurs limites plus basses, comme le demande la résolution 1815 du Conseil de l’Europe: 0,2 volt par mètre. En obligeant à séparer les réseaux intérieurs et extérieurs, ce qui permettrait de réduire énormément l’irradiation des appareils mobiles en intérieur. La situation actuelle est absurde. En se connectant sur de puissantes antennes extérieures, c’est comme si on voulait éclairer son appartement avec la lumière des lampadaires de la rue.


Par Rappaz Christian publié le 6 février 2020 - 08:47, modifié 18 janvier 2021 - 21:07