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Le CIO persiste et signe sur la tenue des JO de Tokyo

Alors que l'allumage de la flamme olympique censée brûler à Tokyo entre le 23 juillet et le 8 août prochain se tiendra exceptionnellement à huit clos, Covid oblige, la polémique liée à l'incertitude que la pandémie fait peser sur l'organisation de ces joutes s'enflamme. Explications et entretien avec le directeur exécutif du CIO, Christophe Dubi.

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Les cinq anneaux symboles de l'olympisme sont toujours bien présents à Tokyo, comme ici le 19 janvier 2021.

Yoshio Tsunoda via www.imago-images.de

Quelques heures seulement après que le directeur exécutif du CIO, Christophe Dubi, ait confirmé à L'illustré que «le report ou l'annulation de cette 32e olympiade n'était pas une option» (lire entretien ci-dessous), le Times de Londres publiait une information sur Twitter faisant état du renoncement du gouvernement et du comité d'organisation japonais. Selon le quotidien britannique, qui ne cite pas nommément ses sources, les organisateurs nippons travailleraient déjà pour l'édition 2032, prochaine date de «libre» pour des JO d'été.

Une nouvelle que le bureau exécutif du CIO dément formellement tout comme d'ailleurs le comité d'organisation japonais à en croire l'institution. «Compte tenu de la situation actuelle et de la proximité des Jeux olympiques, ce genre d'information ne nous surprend pas», nous a fait savoir ce dernier dans la matinée, en précisant que le président Thomas Bach apportera par vidéo les clarifications nécessaires en fin d'après-midi le 22 janvier. (Christian Rappaz)


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Christophe Dubi, ici lors d'une conférence de presse en 2018 à Paris sur l'organisation des JO 2024 dans la capitale française.

Christophe Morin/IP3

«Annuler ou reporter les JO de Tokyo et de Pékin n’est pas une option»

Le directeur exécutif du CIO, Christophe Dubi, est catégorique: le virus n’aura pas la peau des Jeux d’été qui se dérouleront, quoi qu’il arrive, du 23 juillet au 8 août à Tokyo, ni celle des JO d’hiver de Pékin, agendés six mois plus tard. Le Vaudois réfute l’accusation de jouer à des Jeux dangereux…

- En affirmant, en septembre dernier, que les JO de Tokyo se disputeront avec ou sans le covid, le Comité international olympique (CIO) n'est-il pas allé trop vite en besogne?
- Christophe Dubi: Pas du tout. Le président du comité de coordination des JO et vice-président du CIO, John Coates, n’a fait que traduire la détermination de tous les acteurs de cette organisation. Entendez, du gouvernement japonais, de son premier ministre et du CIO bien sûr. Un second report ou une annulation n’est pas une option et ne l’a jamais été. C’est encore moins le cas pour Pékin 2022, puisque les Jeux d’hiver concernent moins de nations, moins d’athlètes, (ndlr: 2800 contre 11 000), et que la campagne de vaccination comptera six mois supplémentaires.

- Au vu de la crise sanitaire qui frappe la planète, est-ce bien raisonnable de maintenir à tout prix ces éditions? Le 19 janvier, le coprésident du comité d’organisation des JO de Londres 2012 appelait les Japonais à annuler leur rendez-vous…
- J’ai écouté attentivement l’interview de Keith Mills sur la BBC. Il a été beaucoup plus mesuré dans ses propos que les médias ne l’ont rapporté. Nous avons défini une ligne de conduite claire avec les autorités nippones, et nous n’en dévierons pas. La crise sanitaire rend évidemment l’organisation de ces Jeux très complexe. Concrètement, nous nous préparons à deux scénarios possibles. L’un, optimiste, d’un retour progressif à la normale, avec quelques poches de contamination, et l’autre, avec la prévalence que l’on connaît aujourd’hui. A ce propos, il faut préciser que malgré l’état d’urgence sanitaire décrété par le gouvernement, le taux actuel de reproduction du virus au Japon est dix fois moins élevé qu’en Suisse par exemple. 

- N’est-ce pas plutôt les énormes enjeux financiers qui poussent à maintenir ces événements?
- Aucunement. Ces Jeux sont certes très importants pour le Japon, mais ils le sont tout aussi pour le monde entier. Dans leur message respectif, tant l’ONU que le G20 ont souligné l’importance de maintenir ces joutes à l’heure où le monde a besoin de solidarité, de respect, de tolérance. Dans un même élan, les deux entités estiment que les JO de Tokyo représenteront quelque chose de fondamental pour l’année 2021. Nous allons démontrer qu’ensemble nous pouvons réussir des choses phénoménales. 

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- Sauf que, selon les derniers sondages, une majorité de Japonais n’adhèrent pas au projet…
- Les sondages reflètent l’état d’esprit du moment. Les gens souffrent et ne savent pas de quoi demain sera fait. Ils se demandent comment, dans ces conditions, ils pourraient se projeter six mois en avant de manière positive. Je pense que, grâce à la vaccination, le Japon commencera en février, la pression va peu à peu retomber. D’autant que nous nous sommes engagés à faire de la sécurité des citoyens japonais l’élément clé de l’organisation. Nous ne transigerons pas là-dessus. 

- Comment les choses se dérouleront-elles concrètement? 
- Les tests représenteront la pierre angulaire de l’édifice. Cela peut paraître prétentieux, mais nous voulons faire du village olympique l’endroit le plus sûr de la planète. Chaque athlète, chaque journaliste, chaque citoyen japonais doit avoir la conviction que la personne qu’il croise ou qu’il rencontre a été testée et ne représente aucun risque. On peut d’ailleurs imaginer qu’une très grande partie des athlètes seront vaccinés en juillet. 

- Tout de même, il y aura les transports publics, des spectateurs peut-être, en un mot le flux propre à ce type d’événement…
- Les problèmes et les efforts à consentir pour les régler seront en effet colossaux. D’autant qu’il faudra sans doute attendre la fin du mois de mai pour avoir une idée précise en matière de capacité et ce, dans tous les domaines. Combien de spectateurs au stade, combien de bus ou de métros pour les transporter, quel catering mettre en place, etc. Toutes les hypothèses font et feront jusqu’au dernier moment l’objet de modélisations précises. Rien ne sera laissé au hasard et rien ne sera négligé pour assurer la sécurité. Y compris pour les compétitions.

- Aucune d’entre elles ne sera écartée?
- Aucune. Mais toutes seront spécifiquement réglementées. On n’organise pas de la même manière un combat de boxe, une passe de lutte ou un concours de tir à l’arc. A cet effet, nous édicterons dans un délai raisonnable un playbook, qu’on pourrait intituler «JO Tokyo 2021 mode d’emploi», à l’intention de tous les acteurs de ce rassemblement. 

- Le premier ministre japonais a évoqué l’idée de disputer des JO à huis clos. Un événement aussi populaire a-t-il encore du sens dans ce cas de figure?
- Il ne s’agit que d’un cas de figure, comme vous le dites. Une décision définitive interviendra dans le courant du printemps. Quoi qu’il en soit, nous nous adapterons aux conditions du moment. Même à un huis clos si nécessaire. Quand je vois la créativité et la résilience dont fait preuve le monde du sport, je ne m’inquiète pas plus que ça. Souvenez-vous de l’ambiance et du décor que la dernière finale de la Ligue des champions de football a réussi à présenter. C’était fascinant. Le cas échéant, nous saurons offrir aux athlètes le cadre propice à exceller et aux téléspectateurs les meilleures conditions pour en profiter. 

- La prévente des billets a-t-elle commencé?
- Elle commencera, ou pas, lorsque nous connaîtrons le nombre de spectateurs que les stades pourront accueillir. Avant le report, 4,5 millions de billets avaient été vendus et un peu plus de 800 000 ont été remboursés.

- Selon une étude de l'Université d'Oxofrd, le report a coûté près de 2,3 milliards d'euros supplémentaires pour l'organisation, ce qui a fait bondir la facture totale à 14,5 milliards d'euros. Faire baisser le coût des JO, comme le promet le CIO depuis des années, n’est-il pas un vœu pieux?
- Les auteurs de cette étude n'ont demandé aucune donnée au CIO ces dernières années, affirmant qu'ils ne pouvaient pas se fier aux chiffres fournis par les organisateurs, le CIO ou les gouvernements. On peut dès lors se demander d'où proviennent les chiffres utilisés dans cette étude et comment ils ont été validés. Le budget de Tokyo 2020 a été communiqué de manière transparente. Il s’élève actuellement à 5,9 milliards de dollars pour le comité d'organisation, et à 12,6 milliards de dollars au total lorsque l’on ajoute l’investissement dans les infrastructures, dont les Japonais bénéficieront pendant des années. Mais ces deux budgets ne sont tout simplement pas additionnables. Il n'y a pas de citation ou de méthodologie claire dans cette étude, ce qui est très surprenant pour un article scientifique et rend sa compréhension impossible.

- Votre credo est de marteler que des JO sont globalement bénéficiaires…
- Ce n’est ni moi, ni le CIO qui le martelons. Une étude récente, sérieuse celle-là, réalisée en collaboration entre l'Université de Mainz et la Sorbonne, intitulée «Dépassements de coûts et de recettes des Jeux olympiques 2000-2018», conclut que tous les comités d'organisation pour lesquels des données sont disponibles ont soit atteint l'équilibre, soit dégagé un excédent. S’agissant de Tokyo, on considère que l’impact économique total des JO sera de l’ordre de 30 milliards de dollars. Tout n’est pas mesurable. A combien estimer la valeur que génèrent des Jeux olympiques pour l’image d’une ville ou d’une région? Pourquoi croyez-vous que Milan et Cortina ont revendiqué l’organisation des JO d’hiver 2026, vingt ans seulement après Turin? Parce que les deux cités ont bien compris ce que les JO de 2006 ont apporté à Turin. 

- Comment le CIO gère-t-il cette période d'incertitude? Des réductions de personnel sont-elles envisagées?
- Non, tous les emplois sont sauvegardés. Comme beaucoup d’entreprises, nous avons été contraints de réduire certains budgets dans l’opérationnel, mais nous avons la chance d’évoluer au sein d’une société qui offre des conditions exceptionnelles et propose de relever des défis hyper-motivants. Cette période n’est pas facile, je pense notamment aux personnes étrangères, séparées de leur famille et qui souffrent de solitude. Mais le travail est tellement captivant et gratifiant que chacun trouve malgré tout des satisfactions. Tout le monde en a marre de cette pandémie, mais nous ne sommes pas les plus à plaindre, loin de là…

 

Par Christian Rappaz publié le 21 janvier 2021 - 14:42