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Éric Denzler: «Qui nous écoute, nous les séniors?»

A quel âge est-on vieux? Cette question n'est plus vraiment d'actualité. Aujourd'hui, est vieux celui qui s'y résigne. Témoignage d' Éric Denzler 87 ans, retraité, à Begnins (VD)

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Éric Denzler

Éric Denzler: «Qui nous écoute?»

Julie de Tribolet

Eric Denzler est un éternel jeune homme. A 87 ans, il a une énergie qui ne se dément pas et reste alerte sur tous les sujets de l’économie comme de l’évolution de la société. Denzler Partners a longtemps été une adresse incontournable. Ce chasseur de têtes a recruté bon nombre de grands dirigeants qui ont compté dans l’histoire des entreprises suisses. Eternel curieux, Eric Denzler était de toutes les réunions économiques, tables rondes, séminaires et conférences. On le voit moins maintenant, la faute au covid et aussi à l’âge, que son état civil indique mais qu’il ne ressent pas.

«Je vais mieux mais les trois dernières années ont été difficiles.» Remarié à une femme de dix-sept ans plus jeune que lui, rien n’indiquait que cette dernière partirait avant lui. Un cancer lui aura pourtant été fatal dans la soixantaine et, alors qu’il avait pris toutes les dispositions en envisageant sa propre fin, rien n’avait été entrepris pour sa moitié. «Il faut absolument prévenir les gens de l’importance de remplir ces dispositions de fin de vie», nous explique celui qui a été consultant et dirigeant d’entreprise avant de s’établir à son compte.

Ce qui l’enrage aujourd’hui, c’est l’infantilisation que doit endurer sa classe d’âge: «Le discours sur la fin de vie est accaparé par des gens qui ont souvent tout au plus la quarantaine. Je peux vous assurer que, passé 80 ans, vous voyez les choses différemment. L’idée de l’acharnement thérapeutique par exemple est quelque chose qui m’est insupportable.» Notre interlocuteur relève qu’un quart de la population a désormais plus de 65 ans en Suisse: «Qui nous écoute?»

Eric Denzler n’est-il pas hors norme, lui qui a vendu sa société à 80 ans et qui continue d’être consulté («Gratuitement!») pour son expertise? «La retraite à 65 ans, cela ne tient pas debout. En 1947, quand notre système de retraite a été mis en place, l’espérance de vie était de 67 ans. Nous étions supposés bénéficier de ces prestations pendant deux ans, pas vingt ans comme maintenant!»

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La préoccupation de l’octogénaire tient désormais dans la perception du quatrième âge dans la société. Eric Denzler a publié un livre blanc dont il défend les idées dans différents cénacles, «avec un succès très relatif». Parmi ses idées fortes: mettre en place dans les entreprises des conseils de sages constitués d’aînés. «Pour apporter une autre vision que les gens qui dirigent ces mêmes entreprises, en train de grimper dans l’échelle sociale, et qui n’ont pas de vision à long terme.»

Autre approche originale: permettre à des retraités de se transformer en animateurs bénévoles de crèches. «Il y a de la demande et nous le faisons tous pour nos petits-enfants, pourquoi ne pas étendre le principe?» Enfin, pourquoi ne pas confier l’assistance aux personnes de 90 ans à des gens de 70 ans? «Un fort sentiment de mission crée du lien.»


- La pire chose qu’on vous ait dite par rapport à votre âge?
-
On ne m’a pas encore dit une vraie méchanceté.

- La plus belle citation sur le temps qui passe?
- Carpe diem, c’est ma devise depuis que j’ai vendu ma société. Quand j’étais dans la vie active, je planifiais mon avenir. Ensuite, j’ai profité.

- Le plus bel âge dans la vie?
- C’est de 40 à 60 ans. C’est là qu’il faut mettre le paquet! D’un point de vue professionnel, j’ai pu faire de plus en plus ce que je savais vraiment bien faire, sans avoir de soucis de santé. J’ai eu de très beaux moments avec ma deuxième femme. Ensuite viennent les bobos, les chagrins...


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Par Stéphane Benoit-Godet publié le 14 avril 2022 - 08:55