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«Si tu perds encore du poids, Céline, tu vas mourir...»

Passée par le concours Miss Suisse, popularisée par l’émission de téléréalité «Les anges» saison 11, la Genevoise Céline Morel, 27 ans, gagne sa vie en tant que mannequin et influenceuse. Dans cet univers de faux-semblants, elle a choisi de parler, avec sincérité, de son combat contre l’anorexie involontaire.

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Julie de Tribolet

Pour de nombreux jeunes gens d’aujourd’hui, l’influenceuse genevoise Céline Morel (27 ans) incarne la réussite. Une réussite accessible. Avant même sa participation au concours Miss Suisse, en 2014, cette inconditionnelle d’Angelina Jolie comptait déjà un demi-million d’abonnés sur Facebook. Grâce à ses photos. Sur Instagram, ils sont aujourd’hui 211 000 à la suivre. Des ados surtout, ses «sucrés» comme elle les nomme affectueusement, «bienveillants à 98%», souligne-t-elle, reconnaissante.

Le 10 septembre dernier, sur les réseaux sociaux, c’est à eux qu’elle a choisi de révéler, en termes choisis, son combat contre la maigreur extrême, «parce qu’on parle trop de surpoids et pas assez d’anorexie».

Fille aînée d’un menuisier-ébéniste et d’une artiste-peintre, parents «très protecteurs» aujourd’hui séparés, Céline Morel a vécu en petite princesse jusqu’à l’âge de 12 ans et la naissance de son frère. Ses problèmes de poids remontent, selon elle, à un voyage effectué avec sa mère à l’âge de 5 ans, lors duquel elle a été victime d’une fièvre de cheval la forçant à rentrer d’urgence en Suisse. Se nourrir ne sera plus jamais simple, en particulier durant l’adolescence. «J’avais bon appétit, je mangeais normalement mais, à la moindre contrariété, je maigrissais», se souvient-elle. Céline perd plus de poids qu’elle n’en gagne. «On appelle cela de l’anorexie involontaire, explique-t-elle de sa voix posée et douce, parce que je n’ai aucun plaisir à me voir maigre. Je ne le cherche pas. Il suffit que j’éprouve une frustration pour que mon estomac s’atrophie. A la puberté, je suis devenue si maigre que cela a stoppé ma croissance. A 16 ans, j’étais apprentie et pourtant j’avais l’air d’une petite fille, je ne pesais que 26 kilos!»

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Très présente sur les réseaux sociaux, Céline Morel vit de son activité d’influenceuse. Sur Instagram, elle est suivie par plus de 211 000 abonnés. Julie de Tribolet

Elle est mignonne mais, bien que sollicité, son père refuse de la laisser poser pour des photos avant l’obtention de ses diplômes – et rétrospectivement, elle l’en remercie. Céline est engagée comme apprentie joaillière chez Piaget. La pilule contraceptive lui fait prendre 13 kilos en un mois (!), mais elle reste frêle. Vers 17-18 ans, «tardivement», souligne-t-elle, son corps se transforme.

La Genevoise complète sa formation durant deux ans et acquiert le statut de designer joaillier-horloger. Début 2014, à son insu, un collègue de travail l’inscrit au concours Miss Suisse. Elle ira en finale. «Poser pour des photos m’a donné confiance en moi et permis de ne plus me voir en petite fille», souligne-t-elle. Céline Morel sillonne l’Europe en tant que modèle. Sous le blush, la fragilité est pourtant palpable. Après une rupture amoureuse, de retour dans l’atelier d’un horloger genevois, elle fait le point. «Je n’étais pas épanouie. Que disait-on de moi? Qu’apparemment je ne laissais pas indifférent, mais soit on m’adorait, soit on me détestait. Y avait-il moyen d’en tirer avantage? Oui, à travers la téléréalité. J’ai foncé tête baissée.» Elle est bien née sous le signe du Taureau…

Céline Morel se retrouve au générique des «Anges» saison 11, diffusé sur NRJ 12 au début de cette année. Plutôt sympa pour l’ego, mais sa bienveillance naturelle détonne. En vraie Suissesse, la Genevoise s’efforce de calmer le jeu. Mission périlleuse. «Les candidats ne font que hurler et s’insulter, raconte-t-elle. Au début, j’en avais des fous rires, convaincue qu’ils jouaient la comédie, mais en fait non.» La production voudrait la voir changer, mais Céline Morel, qui participe sous son vrai nom, refuse de trahir sa personnalité. L’émission se poursuivra sans elle.

Sa participation aux «Anges» a dopé son audience en ligne. «Cela m’a permis de me mettre à mon compte, d’engager une assistante à temps partiel ainsi qu’un webmaster plus récemment.» L’influenceuse est à la tête d’une vraie petite PME. Gagne-t-elle bien sa vie? Sans se défiler, elle révèle que, pour un placement de produit, elle peut toucher de 500 à 1200 euros pour un seul post Instagram. C’est loin d’être négligeable.

Niveau stress, en revanche, la Suissesse a dégusté. «J’étais déjà très mince à mon arrivée, reconnaît-elle, mais pour ne pas avoir l’air malade, je faisais tout pour dissimuler ma maigreur.» Cela ne l’a pas empêchée de fondre encore. Revoir ses prestations sera une épreuve. «Je me suis fait peur en voyant ma maigreur, mais pas encore assez… Comme les gens continuaient de me faire des compliments, j’acceptais mon sort. Est-ce que j’étais dans le déni? Non, plutôt résignée, en fait.»

Le divorce de ses parents, courant juin, ne va rien arranger. Sa maman, inquiète, l’accompagne chez différents médecins. Un chemin de croix. «J’appelais à l’aide, mais personne ne m’entendait. Un jour, un généraliste m’a même dit que ma maigreur m’allait bien… alors que je pesais 42 kilos! Moi, je ne m’acceptais pas. J’avais honte, mais tout le monde semblait penser que je le faisais exprès. Là, j’ai pensé: «Céline, si tu perds encore du poids, tu vas mourir.» Et c’est très exactement ce qu’on m’a dit à l’hôpital quand je suis tombée à 40 kilos. On m’a avertie que si je passais sous cette barre, je serais hospitalisée d’urgence et on me poserait une sonde.» Sa panique sera salutaire.

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Dans le réfrigérateur de Céline Morel, au milieu, on aperçoit les barquettes pré-cuisinées qu’elle avale par deux, chaque midi, pour consolider sa prise de poids. Julie de Tribolet

Grâce à un programme de six semaines supervisé par une spécialiste du CHUV, Céline Morel enraie le processus. On lui prescrit des antiallergiques ayant pour effet secondaire de stimuler la faim… Son corps se métamorphose. Elle reprend des cuisses. Des kilos, surtout. Un, deux, puis cinq. Elle est à neuf aujourd’hui. Epanouie dans ce corps qu’elle reconnaît enfin comme le sien, elle doit maintenant se stabiliser: «C’est une lutte permanente. Auparavant, je ne me pesais jamais. Je n’avais même pas de balance. Là, je suis tombée dans l’excès inverse. Je me pèse sans arrêt! J’angoisse à l’idée de perdre ce que j’ai si durement repris.»

En vraie pro des calories, elle détaille son régime de combat. Son petit-déjeuner est constitué de pain accompagné soit de fromage, soit de confiture, de céréales et d’un jus de fruits. A midi, elle ne mange pas une, mais deux barquettes (!) de 460 grammes d’un plat précuisiné où l’on retrouve une saucisse de veau, de la purée et des carottes. Elle enchaîne avec une salade de tomates et avocat, une salade de pâtes et, enfin, un fruit ou un yogourt. Le soir, elle privilégie des pâtes ou une recette maison avec pommes de terre et légumes.

A ces trois repas, il faut ajouter deux collations, à 10 et 16 heures, type fruits secs ou yogourt. Céline Morel se bat. Elle n’est plus en détresse, mais pas question de se relâcher. En témoignant, elle franchit un nouveau palier. Et de conclure, généreuse: «Si cela peut inspirer certains jeunes et leur donner du courage, je serai comblée.» 


Par Blaise Calame publié le 4 décembre 2019 - 08:28, modifié 18 janvier 2021 - 21:07