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Alexia Paganini, épanouie sur et hors de la glace

L’athlète américano-suisse Alexia Paganini a retenu l’attention par sa double nationalité avant les Jeux olympiques de 2018. Elle souhaite aujourd’hui conquérir les cœurs grâce à ses talents de patineuse. Elle s’entraîne à cet effet auprès d’une légende valaisanne.

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De longs bras, de longues jambes et une taille de 169 centimètres sont des caractéristiques inhabituelles pour une patineuse artistique. Alexia Paganini ne s’écarte pas de la norme seulement par ses origines. Elle fait de ses spécificités un atout. Sébastien Agnetti

Au début, ce n'est qu'un jeu, mais l’intensité s’accroît progressivement. «Je me sens blessée, sans en connaître précisément la raison.» Le vague à l’âme et la mélancolie cèdent peu à peu place à un flirt avec un jeune homme. «Un incroyable mélange d’émotions», déclare Alexia Paganini. L’athlète n’évoque pas sa vie amoureuse, mais les sentiments qu’elle exprime lors de son programme court articulé autour du blues «Caught out in the rain» de Beth Hart. «J’aimerais montrer que je suis devenue plus féminine et que j’ai gagné en maturité», précise la double nationale américano-suisse, car son père est natif de Brusio, dans les Grisons. Elle porte depuis 2017 les couleurs de la Suisse.

Classée quatrième lors des derniers Championnats d’Europe, elle le sait: l’expression, soit cet ensemble complexe de technique et de performances artistiques, représente son plus bel atout pour continuer de figurer parmi les espoirs de sa discipline à l’échelle internationale. A 18 ans à peine, la triple championne suisse fait partie des patineuses les plus expérimentées. Elle a en effet déjà pris part aux Championnats du monde et aux Jeux olympiques, ainsi qu’aux Championnats d’Europe à trois reprises. Ses principales adversaires sont des adolescentes venues de Russie, de Corée du Sud ou du Japon.

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Pour imprimer son nom dans la tête des juges et rester concurrentielle face aux jeunes athlètes venues d’Extrême-Orient, Alexia Paganini mise sur l’expression technique et artistique. Sébastien Agnetti

Naturellement, sa préparation pour la saison actuelle a été perturbée par le coronavirus. Fin mai, alors que la ville de New York, où elle vit, est totalement confinée, elle ne peut plus s’entraîner. Elle contacte donc la fédération suisse et demande s’il lui serait possible de suivre un stage en Suisse. Le moment est favorable, car la patinoire de Champéry rouvre ses portes à fin mai et Alexia Paganini peut s’entraîner avec le double champion olympique Stéphane Lambiel. Il a fondé sa Skating School of Switzerland dans le village valaisan et coache l’équipe nationale suisse depuis cette année. Alexia boucle ses valises et s’envole vers l’Europe. Elle emporte des patins, des tenues d’entraînement, quelques vêtements d’été et un maillot de bain, convaincue qu’elle rentrera aux Etats-Unis quelques semaines plus tard.

Cinq mois après, elle est toujours à Champéry. Son nouvel environnement sportif lui plaît tellement qu’elle décide rapidement de rester en Suisse. «Je sentais qu’un changement m’était nécessaire», déclare Alexia Paganini. Elle se rend bientôt compte que la collaboration avec Stéphane Lambiel fonctionne parfaitement et que l’atmosphère est positive. «Auparavant, je devais gérer moi-même de nombreux aspects. Ici, le programme est strict, mais je n’ai pas peur de commettre des erreurs. Pourquoi ne pas persévérer si j’ai trouvé la formule qui me convient?» Des paroles fortes qui démontrent qu’Alexia Paganini prend sa carrière en main et qu’elle n’hésite pas à exprimer sa pensée. Ainsi, elle ne dissimule pas son irritation quand on lui demande si elle se sent désormais Suisse. «Comment donc une Suissesse doit-elle se sentir?» interroge-t-elle à son tour.

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Lors des Jeux de 2018, à Pyeongchang, en Corée du Sud, Alexia s’est classée au 21e rang. Sergei Grits / AP

Les parents d'Alexia Paganini sont Suisses. Sa mère a des origines néerlandaises et ils ont tous deux longtemps vécu à Saint-Moritz. Il y a une vingtaine d’années, la famille s’est installée aux Etats-Unis, car son père préparait un MBA à l’Université Columbia. Alexia naît aux Etats-Unis et découvre le patinage grâce à ses frères, passionnés de hockey. Si les enfants sont tous binationaux, les parents ne possèdent pas encore le passeport américain. Ils ne peuvent rendre visite à leur fille en Suisse, sous peine de ne pas pouvoir retourner ensuite aux Etats-Unis.

Il n’a pas été simple pour Alexia Paganini de passer de la métropole new-yorkaise, avec ses millions d’habitants, à Champéry, village de montagne qui ne compte qu’un millier d’âmes. Elle ne peut plus commander de la nourriture à toute heure du jour ou de la nuit et doit désormais se contenter des produits proposés par la supérette de la localité. «En plus, elle ferme entre midi et 14 heures», dit-elle en riant. Habituée à une vie trépidante et riche en événements, elle a dû apprivoiser le silence et ne pas le considérer comme un vide. «Maintenant, j’aime me retrouver dans la nature, où je fais de longues promenades.»

Stéphane Lambiel l’a aidée à s’accoutumer à sa nouvelle vie. Pour ses athlètes, il est aussi organisateur, consolateur et coach en nutrition. Un soutien dans les circonstances les plus diverses. «La responsabilité et la discipline composent la base de tout entraînement. Alexia possède ces qualités», dit-il. A Champéry, dans son autre pays, Alexia Paganini prend son envol et s’épanouit, sur et hors de la glace.


«Tous les éléments fonctionnent. Alexia est sur le bon chemin»

Entretien avec le Valaisan double champion olympique Stéphane Lambiel sur les qualités de sa protégée, Alexia Paganini.

- Comment évaluez-vous les capacités d’Alexia?
- Stéphane Lambiel: Chez elle, tous les éléments fonctionnent. Elle possède une excellente coordination et une bonne vitesse de fond dans les rotations. Avec sa taille de 169 cm, elle est plutôt grande pour une patineuse artistique, mais elle fait de cette spécificité un atout, car elle maîtrise parfaitement son corps, ses longues jambes, ses bras. Son expression est harmonieuse et ses mouvements sont tout simplement agréables à regarder.

- Les quadruples sauts font aussi partie du registre chez les dames. Alexia en est-elle capable?
- Je suis convaincu qu’elle réalisera des quadruples sauts dans quelques années. Elle en est déjà très proche. Cependant, ce n’est pas notre but actuellement, car le risque de blessure est élevé. Aujourd’hui, notre objectif consiste à lui permettre d’effectuer son programme avec constance et précision afin que son nom s’imprime dans l’esprit des juges. C’est ainsi que les notes augmentent peu à peu.

- Qu’avez-vous découvert sur sa personnalité au cours des derniers mois?
- C’est intéressant. De prime abord, elle semble plutôt timide. Cependant, plus elle se sent en confiance, plus sa personnalité s’exprime. Elle possède un caractère affirmé et sait ce qu’elle veut. Elle plaisante souvent, manie parfois l’ironie et le sarcasme. Elle est en bon chemin pour montrer sur la glace son assurance et son côté espiègle.


Par Sarah van Berkel publié le 30 octobre 2020 - 08:53, modifié 18 janvier 2021 - 21:15