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Thomas Wiesel: «2020, année de surprises, toutes mauvaises...»

L'année 2020 est quasi terminée, et s’il est vrai que les mauvais souvenirs tiennent plus longtemps que les bons, on va s’en rappeler toute notre vie, de cette année maudite.

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Thomas Wiesel, année sans... ou presque. En tout cas esseulé au SwissTech Convention Center à l’occasion d’un tournage pour l’EPFL en septembre. Nathaniel Michel

Un jour, il faudra qu’on explique aux générations futures ce qu’il s’est passé ces douze derniers mois, dans ce pays où il ne se passe d’ordinaire pas grand-chose. Et je voudrais bien voir leur gueule, aux générations futures, quand on leur expliquera tout ça, parce que mis bout à bout, ça ressemble quand même un peu à un roman de science-fiction (sauf que même la science-fiction ne se passe jamais en Suisse romande). Mais c’est normal, comment aurions-nous réagi si quelqu’un avait débarqué en février pour nous dire les choses suivantes?

• D’ici à un mois et demi, quasi toute la population suisse sera bloquée chez elle et se retrouvera tous les soirs au balcon pour applaudir, parce qu’on ne saura pas trop quoi faire d’autre. Le problème, c’est que le gouvernement ne saura pas trop quoi faire non plus.

• Alors oui, on pourra encore aller faire les courses, mais les rayons PQ et pâtes seront le théâtre d’affrontements que ne renieraient pas les combattants de Morgarten.

• RHT et APG ne seront plus seulement de mauvais tirages au scrabble, mais surtout des dizaines de pages de formulaires obscurs pour tenter de grappiller quelques francs et limiter la casse.

• On entendra même des gens dire une phrase jamais prononcée auparavant: «Je crois que j’ai vu tout ce que je voulais sur Netflix, y a quoi sur la RTS ce soir?»

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L’humoriste a réalisé, en 2020, quelque 600 petits visuels, directement sur Instagram. «Ça m’occupe bien», dit-il.

• On regardera même le programme télé, pour connaître l’horaire de notre nouvelle émission favorite dont personne ne voudra rater un épisode: les conférences de presse du Conseil fédéral.

• On enverra même des messages aux potes pour ne pas qu’ils oublient de se mettre devant leur écran, rituel d’ordinaire réservé au jour de mise en vente des billets du Paléo.

• Ah oui, on n’aura pas de festivals cette année, ni de champion suisse de hockey, et quasi aucun spectacle, concert ou événement populaire. Nos agendas seront aussi vides que la section LGBT de l’UDC.

• Le Français le plus présent dans les médias internationaux ne sera pas Kylian Mbappé, Omar Sy ou David Guetta, mais un infectiologue marseillais à mi-chemin entre Panoramix et Jean Rochefort, dont la seule prononciation du nom pourra transformer en foire d’empoigne n’importe quel statut Facebook.

• Des gens achèteront des t-shirts avec une phrase d’un politicien suisse dessus, et le porteront non seulement volontairement, mais en plus fièrement.

• Ah, et toutes ces réunions interminables entre collègues? La mauvaise nouvelle, c’est qu’elles existeront toujours, elles seront sans doute encore plus longues à cause des bugs de connexion de Jean-Daniel, mais au moins il n’y aura pas besoin de mettre de pantalons. Vous allez tellement peu voir vos collègues en dessous des épaules cette année que ça va vous faire un choc de redécouvrir qu’ils avaient des jambes.

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• Des activités telles que le jass ou le chant choral seront jugées dangereuses, faisant immédiatement basculer des milliers de grands-parents dans la catégorie du crime organisé.

• Au début de l’été, quand vous pourrez enfin vous retrouver en famille et entre amis, le sujet qui pourra mettre le feu aux discussions, ce ne sera plus pour ou contre Greta, le féminisme, le véganisme, mais pour ou contre le masque. Ce bout de tissu sur la tronche va focaliser les efforts d’une partie des scientifiques, d’une gymnastique argumentative des dirigeants digne du Cirque de Pékin, et de l’intégralité de la complosphère.

• Le seul autre bout de tissu qui va créer la polémique, ça sera l’oreiller de paresse, coussin moelleux et légendaire cher à Guy Parmelin, et que de nombreux Helvètes rêvent de découvrir, au lieu de découvrir chaque semaine des mesures sanitaires auxquelles il faut adapter leur entreprise et de nouveaux cheveux blancs en lisant le bilan comptable.

• Mais l’été, c’est aussi les vacances, et bonne nouvelle si vous aimez le casino, car choisir une destination sera une partie de roulette géante. Il ne faut pas éviter les destinations qui sont sur liste rouge au moment de votre départ, mais celles qui le seront au moment de votre retour. Les perdants feront dix jours de quarantaine à domicile, sans passer par le «go».

• Il sera aussi possible de partir en vacances en Suisse, et là, au moins, il y a moins de suspense qu’au casino, mais il faut compter le même budget journalier qu’à Monte-Carlo.

• Avec le retour des jours plus frais, les règles ne sont plus nationales mais deviennent cantonales. Tous ceux qui avaient de lointains souvenirs scolaires de ce que voulait dire «fédéralisme» pourront désormais en donner une définition précise et en lister avantages et inconvénients.

• Il y a même un canton dont les habitants devront s’expatrier pour se faire couper les cheveux (et contrairement à ce que pourraient suggérer les coupes de cheveux de leurs contrôleurs CFF, ce ne sera pas le Valais).

• Chaque week-end, des milliers de Romands franchiront volontairement le Röstigraben, pas à cause du service militaire ou d’un concert de Beyoncé, mais simplement pour pouvoir boire un verre dans un bar ou s’asseoir dans un restaurant.

• On découvrira la définition d’un «cas de rigueur» avec un nombre de critères à remplir pour se faire aider à rendre jaloux les fonctionnaires des «12 travaux d’Astérix». Et on démontrera une fois de plus le génie de l’innovation suisse avec une aide d’urgence qui arrive l’année d’après l’urgence.

• Au bout d’un moment, juste pour pouvoir parler d’autre chose que d’un virus, on sera tout heureux d’apprendre les règles électorales de la Géorgie, de la Pennsylvanie ou du Nevada, et de se moquer du manque de logique du système américain. Trois semaines après, on découvrira qu’Uri, Glaris et Schaffhouse, en fait, ce n’est pas si différent.

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• La Nati remportera son seul match de l’année sans mettre un pied sur le terrain, par forfait contre une Ukraine mise en quarantaine par le médecin cantonal lucernois. L’élément le plus efficace pour Vladimir Petkovic en 2020? Xhaka, Shaqiri, Sommer? Non, le Dr Roger Harstall.

• En décembre, les 70 ans d’un conseiller fédéral au Palais fédéral avec huit ballons et trois couplets de chanson en suisse-allemand seront la fête la plus folle de tout le pays, et le pays entier se demandera quels sorts magiques protègent la coupole fédérale pour repousser le virus et permettre à ses occupants de s’affranchir des règles qui prévalent pour tout le monde.

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• Avec l’arrivée de la neige, «On fait une fondue?», «On va skier?» «On invite mamie à Noël?» ne seront pas juste des questions envoyées dans des groupes WhatsApp familiaux, mais de véritables débats nationaux qui méritent les honneurs de Forum ou d’Infrarouge.

• Pendant les repas de fête, alors qu’on est incapable de dire si on a bien fait notre rappel contre la rougeole ou le tétanos, on pourra entendre ce genre de phrases voler au-dessus de la dinde: «Non, mais le problème du vaccin Pfizer, c’est qu’il faut le conserver à -70°C, tandis que celui de Moderna, c’est que -20°C pour une efficacité identique. Tu reprends du rouge?»

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Non, définitivement, on n’aurait pas cru la personne qui nous aurait prédit une telle année. Mais je crois qu’on peut croire celle qui nous dira que 2021, ça ne pourra pas être pire. Et même si elle est pourrie aussi, elle durera de toute façon un jour de moins que 2020. Ces temps plus que jamais, il faut célébrer les petites victoires.

>> Lire: la dernière chronique de Thomas Wiesel pour L'illustré (septembre)


Par Thomas Wiesel publié le 23 décembre 2020 - 08:45, modifié 18 janvier 2021 - 21:17