Thomas Koechlin (canoe gauche) et  Martin Dougoud (kayak droite) le 7 avril 2021 à Ivrea
Photo: Valentin Flauraud/vflpix.com
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Ces Romands qui rêvent de médailles

Parmi les 116 Suisses qui s’envoleront pour les JO au Japon, 29 défendront l’honneur romand. Nous en avons rencontré 13 qui, à quelques semaines de la cérémonie d’ouverture, ont accepté de jouer le jeu de la séance photo et de raconter leur histoire, leurs rêves, leurs combats. Ils l’ont promis, chacun ira au bout de l’effort.

L’espoir de la sprinteuse

Nous avons haleté avec elle jusqu’au bout. Partira, partira pas? Fin du suspense le samedi 3 juillet dernier: l’équipe suisse d’athlétisme s’envolera bien avec la Lausannoise Sarah Atcho, retenue pour le relais 4 x 100 m à Tokyo. Cela n’était pourtant pas gagné. La sprinteuse le confesse, elle vit la pire saison de sa carrière depuis ses débuts en professionnel. Si l’année dernière est chaotique pour tout le monde, elle est particulièrement harassante pour la Lausannoise. En janvier, elle se fait enlever une partie du ménisque, mais l’opération apporte son lot de complications et l’athlète ne peut plus plier le genou à cause d’un kyste logé dans l’articulation. Sarah Atcho est réopérée quatre mois plus tard. Après un confinement passé près de sa famille et de son compagnon à Lausanne, la carrière de la sprinteuse prend un nouveau tournant puisqu’elle annonce en octobre son déménagement pour Louvain en Belgique. Là-bas, elle rejoint Jacques Borlée (le père des sprinteurs belges Jonathan et Kevin Borlée) et met de ce fait un terme à une expérience saint-galloise infructueuse qui n’aura finalement duré qu’un an. Les semaines qui précèdent l’annonce des sélectionnés pour la délégation suisse d’athlétisme sont donc particulièrement stressantes pour la jeune femme. «J’étais extrêmement tendue, mais finalement mon expérience dans le relais (elle fait partie de l’équipe suisse depuis 2015, ndlr) m’a sauvée », nous explique Sarah Atcho depuis le taxi qui l’amène à l’aéroport de Bruxelles, d’où elle rejoindra la Suisse avant le Japon. «Honnêtement, pour moi, c’est du pur plaisir aujourd’hui, du bonus. Je ne pensais plus partir et je suis très contente d’avoir la confiance de la fédération. C’est maintenant à moi de montrer au coach national ce que je vaux et pourquoi j’ai ma place sur la piste plus qu’une autre!» En espérant retrouver la joie sur son visage, la même que celle d’un soir d’octobre 2019. A Doha, Sarah Atcho avait été l’une des artisanes de la quatrième place du relais suisse aux Championnats du monde d’athlétisme, juste derrière la Jamaïque, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Rien que ça

Sarah Atcho
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Des céistes genevois au coeur des Pyrénées

Ces deux-là partagent tout ou presque. Meilleurs amis dans la vie, coéquipiers dans le sport, Thomas Koechlin, 29 ans, et Martin Dougoud, 30 ans, représenteront la Suisse respectivement en canoë slalom et en kayak slalom. L’année, ils la passent principalement à Pau, au coeur des Pyrénées, où ils vivent et s’entraînent depuis onze et cinq ans dans des infrastructures dédiées et assez techniques pour progresser. La Fédération de canoë-kayak rassemble les deux disciplines mais dans l’eau, Martin, 12e mondial, est assis dans son embarcation et rame avec une pagaie double; Thomas, 21e dans sa catégorie, lui, est à genoux et alterne les coups de rame avec une pagaie simple. Après la grimpeuse zurichoise Petra Klingler, ils étaient les premiers Suisses à obtenir leur qualification, en septembre 2019 déjà. Un soulagement et du temps, contrairement à beaucoup d’autres athlètes qualifiés à quelques jours de la cérémonie d’ouverture, pour analyser et s’entraîner sur leur parcours en eau libre japonaise. Thomas Koechlin avait même remporté l’épreuve test, à la fin de 2019, sur ce qui était alors le futur parcours olympique situé dans la baie de la capitale nipponne. Ces Jeux, il les voulait tant. Né à Singapour d’un père suisse, Thomas Koechlin arrive à 5 ans à Ferney-Voltaire, près de la frontière suisse, puis grandit à Annecy. Il y a quelques années, le jeune homme loupe la qualification pour Londres 2012 pour deux dixièmes de seconde et celle de Rio pour pas beaucoup plus; alors, cette année, le jeune papa laisse exploser sa joie quelques heures avant d’embarquer pour Tokyo. «Nous sommes super excités de vivre ces Jeux; dans nos disciplines, c’est la compétition la plus valorisée et la plus valorisante.» Au Japon, Thomas et Martin s’entraîneront deux fois par jour de manière assez rapprochée. Et le reste du temps? «A cause des mesures sanitaires, on ne sait pas vraiment à quelle sauce nous serons mangés; alors j’ai pris une montagne de livres et une petite quinzaine de plaques de chocolat!»

Thomas Koechlin (canoe gauche) et  Martin Dougoud (kayak droite) le 7 avril 2021 à Ivrea
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L’ivresse du grand saut

Parmi les qualifiés, c’est peut-être la plus Romande des Alémaniques. Michelle Heimberg, 21 ans, est la seule qualifiée suisse pour l’épreuve de plongeon. A Tokyo, dans le Centre aquatique olympique, qui abritera aussi les épreuves de nage et de natation synchronisée, la Carougeoise d’adoption née à Zurich s’élancera du plongeoir des 3 mètres avec l’objectif d’accrocher au moins une place en demi-finale. La petite Michelle a 7 ans lorsque, les yeux écarquillés devant sa télévision, elle découvre le monde de l’olympisme. Ce sont les Jeux de Pékin, nous sommes en 2008. «Je me souviens des gymnastes Nastia Liukin et Shawn Johnson et du moment où je me suis dit que moi aussi, je voulais y être, je voulais faire les Jeux.» Michelle commence donc la gymnastique artistique à Zurich. Malheureusement, des blessures à répétition l’éloignent des tapis. Elle ne se décourage pas et se tourne alors vers le plongeon, une discipline qui emprunte des mouvements à la gymnastique. Elle a alors tout juste 12 ans. Après quelques années d’entraînements à Aarau, elle rejoint Genève et son Club de natation en 2016 où les infrastructures dédiées au plongeon sont un cran au-dessus. Puis, comme une suite logique, arrivent les médailles aux Championnats d’Europe: d’argent depuis les 3 mètres en 2017, de bronze en synchro mixte deux ans plus tard et la dernière, d’argent, cette année au 1 mètre. Mais la réalité des plongeurs peut être terrible et chacun a déjà vu ses rêves de médaille s’envoler après un saut raté. En plongeon, pas de rattrapage, «dès le premier saut d’élan sur la planche, je sais si j’y arriverai ou pas». Ces plongeons, elle les a donc répétés inlassablement dans la piscine de Varembé, à Genève, où elle s’entraîne. A l’aube de ses sauts, à Tokyo, Michelle rentrera dans sa bulle comme elle le fait avant toute compétition. Dès le réveil, musique entraînante dans les oreilles, elle sait que tout ne se jouera que sur sa concentration. «Ces sauts-là, on sait tous les faire parfaitement, on les a réussis à l’entraînement. Celui qui gagnera, c’est celui qui aura le meilleur mental.»

Michelle Heimberg
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Au revoir championne

C'est décidé, à la mi-septembre, l’athlète vaudoise raccrochera les pointes. Tokyo 2020 devait être suivi d’une année «pour se faire plaisir», mais l’annulation puis le report des Jeux olympiques ont bousculé la fin de carrière de Lea Sprunger. «Par la force des choses, ces Jeux sont devenus mon dernier objectif, le dernier grand rendez- vous. Il y aura ensuite quelques compétitions en Suisse comme Athletissima, Zurich, Berne ou Bellinzone, mais avant, dans ma tête, il y a ces Jeux, je veux en profiter, j’aimerais briller.» Nous rencontrons la championne d’Europe du 400 mètres haies de passage en Suisse (elle s’entraîne habituellement aux Pays-Bas), un mois pile avant son départ. Blessée au tendon d’Achille à la fin d’avril, sa préparation est devenue une course contre la montre et elle remet tout juste ses pointes pour recommencer à courir à fond. «Cette année a été dure pour moi sur le plan physique; mon objectif pour les Jeux a donc un peu évolué. Si je visais la médaille en novembre, aujourd’hui, j’espère plutôt accrocher une place en finale.» Défaitiste, Lea Sprunger? Pas pour un sou et, comme pour le prouver à tous, elle s’impose quelques semaines plus tard sur 400 mètres haies aux Championnats de Suisse à Langenthal. A 31 ans, la sportive aborde ses troisièmes Jeux olympiques avec sérénité malgré la situation sanitaire tendue. «Je rêve de stades pleins, mais nous savons que ce ne sera pas le cas, nous y avons été préparés maintenant, cela fait près d’un an que nos compétitions se déroulent dans des conditions particulières. Le plus important, c’est que ces Jeux aient lieu, que l’on puisse performer là-bas.» Et après? «Après, on verra, c’est encore assez vague, j’ai des idées et des envies. Je resterai dans le monde de l’athlétisme.» En Suisse? «Tout ce que je peux vous dire, c’est que je suis en discussion avec une célèbre compétition vaudoise que j’aime particulièrement. J’en ai été la fan, l’athlète, pourquoi ne pas voir l’envers du décor et se lancer dans l’organisation?» Elle sourit.

Lea Sprunger
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Vent de fraîcheur

C'est à l’âge de 7 ans, lors d’un camp d’été, que Maud Jayet découvre la voile. Presque vingt ans plus tard, la Vaudoise s’envole direction Tokyo pour ses premiers Jeux olympiques où elle n’aura «pas peur de [se] mouiller». Un rêve pour la jeune femme qui, à bord de son Laser, a terminé cinquième aux Championnats d’Europe à Gdansk en octobre dernier. Pourtant, cette saison, tout n’a pas été simple. Covid-19 oblige, Maud Jayet loupe plusieurs camps d’entraînement à l’étranger. Début juin, c’est donc sur un lac Léman plutôt calme et certainement assez loin de ce qui l’attendra à Enoshima, la petite île de la baie de Sagami qui accueillera les épreuves de voile comme lors des Jeux de 1964, que s’entraîne la jeune femme sur son monocoque dériveur de 4,2 mètres. Les jeunes du Club nautique de Pully la scrutent. Oui, c’est elle qui part aux Jeux, elle qui était à la même place qu’eux. «C’est ici que tout a commencé», nous lancet- elle, un sourire aux lèvres. Dans quelques jours, Maud Jayet rejoindra sa coach, la navigatrice fribourgeoise Nathalie Brugger (qui comptabilise deux participations olympiques), au Portugal. Là-bas, où la mer est plus agitée, elle effectuera ses dernières semaines de préparation avant de s’envoler pour le Japon. Sur place, personne ne saura à quoi s’attendre au niveau de la météo, qui peut se révéler aussi clémente que dantesque. «D’ailleurs, la seule fois où j’ai vraiment eu peur en naviguant, c’était juste après le passage d’un typhon au Japon, une vague m’a surprise et je peux dire que c’était mon plus gros moment de stress.» Pour Tokyo, Maud embarquera sans son bateau, puisque le Laser radial est la seule discipline de voile où les navigateurs n’utilisent pas leur propre matériel. Si la jeune femme est une passionnée, elle prépare tout de même «l’aprèsvoile ». Depuis 2014, elle est inscrite à l’Université de Lausanne en droit. «Après mon bachelor, j’ai commencé mon master cette année en sport-études. C’est un programme allégé qui me permet de me concentrer sur ma préparation olympique.» Alors, pour parfaire cette préparation, Maud fait de la musculation et mange. Pâté, fondue, tout est bon pour que la jeune femme puisse prendre les 5 kilos qui lui manquent et qui l’aideront à maîtriser son embarcation au mieux face aux bourrasques venant du nord, le vent typique d’Enoshima.

Maud Jayet
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Pour celles qui suivront

Nous sommes à la fin du mois de juin. Dans la salle de tennis de table flambant neuve au sol rouge carmin de la Vaudoise Arena, Rachel Moret enchaîne les rencontres… avec les médias. Voilà plusieurs mois que la Morgienne n’avait pas mis un pied en Suisse. Son temps, elle le passe à Nîmes, où elle est sociétaire du club de la ville, «et, comme l’Occitanie s’est retrouvée sur la liste rouge de l’OFSP pendant un bon moment, je n’ai pas pu rentrer». Cela fait vingt-cinq ans, depuis les Jeux d’Atlanta, que la Confédération n’a pas été représentée en tennis de table. Un rêve se réalise donc pour la pongiste, 87e au classement mondial, qui a dû passer par des épreuves de qualification particulièrement compliquées cette année. «Lorsque tout s’est arrêté en mars 2020, nous étions à deux semaines des qualifications, tout a été annulé, reporté et jusqu’au dernier moment nous n’étions pas au courant de comment allaient se passer ces épreuves.» Outre l’organisation, la difficulté d’une qualification en individuel pour les JO réside aussi dans les quotas imposés par continent, soit six ou sept places seulement pour l’Europe. «Mais c’est fait, et aujourd’hui je suis particulièrement heureuse de représenter la Suisse. C’est aussi quelque chose que je fais pour les filles, nous sommes trop peu nombreuses à faire du ping-pong, il y a un trou générationnel immense. Celles qui me suivent au classement en Suisse ont 12 ans, les autres arrêtent car le niveau est assez bas en Suisse et, dès qu’elles commencent des matchs à l’international, elles enchaînent les défaites.» C’est aussi l’histoire de Rachel Moret qui, après avoir tout raflé en Suisse, perd «pendant des années» mais ne se décourage pas. «J’étais tellement passionnée!» explique-t-elle. Cette passion, c’est celle qui a commencé tout à fait par hasard un jour d’été alors que la native de Préverenges, 13 ans à l’époque, était à la piscine avec sa mère. «Un tournoi était organisé, je n’en avais jamais vraiment fait à part dans mon jardin avec mon petit frère, j’ai voulu y participer et je l’ai gagné.» Récompense? Un abonnement d’un an au club de ping-pong de Morges!

Rachel Moret le 28 juin 2021 à Lausanne
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Pour l’amour des Jeux

A Nice, où il s’entraîne sous les ordres de Fabrice Pellerin, son quotidien est réglé comme du papier à musique. Lever, premier entraînement à 7 h 30, repos, déjeuner (des pâtes, souvent), sieste, deuxième entraînement, fin à 18 h 30. Chaque jour, inlassablement, le Genevois de 26 ans enchaîne les longueurs dans le bassin olympique de Nice. Nous le retrouvons pendant un temps mort, quelques minutes après son entraînement matinal et quelques semaines avant qu’il ne s’envole pour Tokyo. Le soleil du Sud est déjà bien haut dans le ciel, il est écrasant et, sous le bonnet de bain, c’est la fournaise, mais cela n’entache en rien la gentillesse et la disponibilité de l’athlète qui répète plongeon, papillon et crawl face à l’objectif du photographe. Jérémy Desplanches est celui qui fait briller la Suisse en natation. En août 2018, il devient champion d’Europe du 200 mètres quatre nages, dix ans après la dernière médaille suisse, et un an plus tard, il est médaillé d’argent dans la même discipline aux Championnats du monde en écrasant son propre record de Suisse de 13 centièmes. A Tokyo, le nageur regrettera tout de même l’ambiance qu’il a pu connaître lors de ses premiers Jeux à Rio en 2016. «C’est un événement sportif mais aussi très social, avec beaucoup d’entraide, de partage, d’encouragements, de rencontres. Cette année, ce sera comme un championnat, avec un niveau dingue, certes, mais sans tous les à-côtés, malheureusement.» L’année 2020 a été compliquée pour le champion. «Les premières semaines de confinement ont été un calvaire car nous pensions que les Jeux auraient bien lieu en 2020, mais nous n’avions pas le droit de nous entraîner; puis, après l’annonce du report, j’ai pu prendre du temps pour penser à autre chose et récupérer, mais malgré tout, cette saison olympique est extrêmement longue et éprouvante.» Dans le bassin du Centre aquatique olympique de la capitale nipponne, Jérémy Desplanches n’aura qu’un seul objectif: «Un podium en 200 mètres quatre nages. Mais le niveau sera très élevé et les huit nageurs qui arriveront en finale auront une chance de médaille, cela se jouera beaucoup sur le mental et la préparation.» Et à Tokyo, celui qui a fait ses premières brasses pour Genève Natation 1885 espère bien «sortir la nage de [sa] vie».

Jeremy Desplanches
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Deux athlètes pour un titre

A une quarantaine de kilomètres à l’est de Zurich, Steve Guerdat se prépare pour ses derniers concours. De retour de Windsor, il enchaînera ensuite avec Chantilly et Deauville. Ce n’est qu’après que le cavalier embarquera direction Tokyo pour ses cinquièmes Jeux olympiques. Si le Jurassien est un habitué de ces grandes compétitions internationales, ce sera en revanche les premiers Jeux de Venard de Cerisy, le cheval qui l’accompagne. Le selle français de 12 ans, 1 m 65 au garrot, devra d’abord passer par la case quarantaine avant de pouvoir prendre l’avion. Contrôles sanitaires, prises de sang, pendant sept jours, l’athlète à quatre pattes ainsi qu’une monture de réserve resteront confinés près de Berne pour attester de leur bonne santé, cachet obligatoire pour embarquer dans leur vol long-courrier à destination du Japon. Dans ces écuries spécialisées, seules quelques personnes seront autorisées à aller le voir, dont Steve Guerdat qui pourra monter. «Certains centres de quarantaine demandent que les chevaux ne soient en contact avec aucun animal, ni même des insectes; c’est pour cela que nous avons choisi celui de Berne, qui laisse de grands espaces pour pouvoir s’entraîner », détaille le cavalier qui, lui aussi, devra respecter une quarantaine de trois heures à son arrivée à Tokyo après avoir été testé pour le Covid-19 afin de pouvoir rejoindre le village olympique. La logistique pour envoyer les chevaux au Japon est devenue un vrai casse-tête chinois. Le foin, par exemple, ne pourra pas être importé de Suisse. Le Japon, qui ne dispose pas de réserves suffisantes, accepte cependant qu’il le soit des Etats-Unis. Un détail qui a son importance puisque sa composition diffère légèrement de celui utilisé en Europe. Il sera donc livré un peu en avance pour que les chevaux aient le temps de s’y habituer. De retour près de Zurich, le médaillé d’or en individuel aux Jeux de Londres nous confie une certaine appréhension. «Ces Jeux sont tellement spéciaux! Normalement, six mois avant l’euphorie commence, mais cette année, on ne savait même pas s’ils auraient lieu... J’imagine que la tension montera doucement une fois sur place!»

Steve Guerdat
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Chercher l’or au bout de l’épée

Le petit Lucas a tout juste 8 ans lorsqu’il passe avec sa mère devant la salle d’escrime du centreville de Sion où de larges baies vitrées lui permettent d’apercevoir des jeunes, casqués, épée à la main, se battre en duel. Voilà comment commence l’histoire d’amour entre l’escrime et Lucas Malcotti, 26 ans aujourd’hui, dont dix-huit passés à tenir une épée dans sa main droite. A côté, Lucas décide quand même de continuer ses études et passe un CFC de géomaticien. Aujourd’hui, il travaille encore à un petit pourcentage pour «assurer le côté financier». Mais sa priorité, c’est l’escrime. Tous les jours, au moins une fois, il s’entraîne. En 2020, lorsque l’annonce du report des Jeux tombe, Lucas et l’équipe suisse sont en bon chemin pour une qualification olympique. Cette équipe, Lucas l’a intégrée en janvier 2018 et en est le benjamin. Sur la piste, il est associé au Lucernois Max Heinzer (dont ce sera la troisième participation olympique après Londres et Rio), au Bâlois Benjamin Steffen et à Michele Niggeler, Italo-Suisse et sociétaire du club de Lugano. Son plus beau souvenir en compétition? «L’entrée sur la piste en finale des Championnats du monde en juillet 2018 à Wuxi, en Chine. J’étais le premier à tirer, l’ambiance était magique.» Cette finale, ils l’ont gagnée, comme beaucoup d’autres. Lors des huit dernières compétitions, l’équipe suisse grimpe quatre fois sur le podium, «et les autres, nous étions très bien placés». Les épéistes suisses sont aujourd’hui quatrièmes au classement mondial. L’objectif est donc clair et assumé: ramener une médaille de Tokyo. «Même si les différents confinements ont un peu rebattu les cartes au niveau mondial, la chance de médaille est là, à nous d’aller la chercher.» Au début du mois de juin, Lucas Malcotti apprend que la Fédération suisse d’escrime le désigne finalement remplaçant. Le Sédunois accuse le coup, «c’est une petite déception, le seul bémol à ces Jeux». S’il sera bien du voyage pour Tokyo, Lucas Malcotti ne prendra pas part à l’épreuve individuelle et devra se contenter de ne tirer que pendant l’épreuve par équipe. «Mais ce sont mes premiers JO; quoi qu’il arrive et malgré la situation sanitaire, je compte bien en profiter à 200%!»

Lucas Malcotti le 10 mai 2021 à Sion.
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Les recordmen genevois

Ces deux-là se connaissent bien et caracolent souvent ensemble en tête de la course de l’Escalade, course fétiche de leur ville, natale pour Julien, d’adoption pour Tadesse. A Tokyo, Julien Wanders se mesurera au reste du monde sur 10 000 mètres, Tadesse Abraham, lui, courra le marathon, tout comme les Alémaniques Martina Strähl et Fabienne Schlumpf. Né en Erythrée, il y a trente-huit ans, Tadesse Abraham est celui que son père voulait emmener voir un psy «parce qu’il courait partout sans cesse». Le coureur, qui détient le record de Suisse du marathon (en 2 heures, 6 minutes et 40 secondes), décide de quitter son pays d’origine alors que son service militaire s’éternise. Après les Mondiaux de cross de Bruxelles en 2004, il part de son hôtel une valise à la main et arrive en Suisse. Le champion d’Europe 2016 de semi- marathon et vice-champion d’Europe de marathon en 2018, qui court désormais pour son pays d’adoption, s’envole pour ses deuxièmes Jeux olympiques après une septième place à Rio, il y a cinq ans. Nous le retrouvons à Genève, en compagnie de Julien Wanders, de passage en Suisse. Car ce dernier vit désormais au Kenya, à Iten, où il s’entraîne inlassablement, deux fois par jour, depuis sept ans. Une discipline qui paie puisque le Genevois détient deux records européens sur 10 kilomètres et en semi-marathon. Son objectif sur 10 000 mètres à Tokyo? «Un top 10, au moins!» Pourtant, la préparation de Julien Wanders n’a pas été des plus simples. Début avril, il a le souffle court et le diagnostic tombe sans attendre: le coureur de fond souffre d’une pneumonie. «Pendant une semaine, je n’ai pas pu courir, puis j’ai recommencé, doucement. Mais il m’a fallu plus de six semaines pour retrouver toutes mes capacités pulmonaires», nous explique-t-il. Aujourd’hui, il a «la forme», se sent prêt et est motivé à bloc malgré l’annonce d’une compétition à huis clos. «J’essaie de ne pas trop penser à ça, nous n’avons de toute façon pas d’autres choix que de faire avec.»

Julien Wanders (gauche) et Tadesse Abraham (droite)
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L’étoile montante

Chez les Claessens, le BMX, c’est une histoire de famille. Il y a d’abord le père, Vincent, fondateur du club de BMX d’Echichens, les frères Arthur et Bastien, ceux que Zoé Claessens a regardés rouler, qui lui ont donné envie de se lancer, et aujourd’hui ses soeurs Ines et Jade qui se sont, elles aussi, aventurées dans le bicross. «Nous faisons tous du BMX à part ma mère et une de mes soeurs qui fait de la danse», nous explique-t-elle, sourire aux lèvres. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Zoé s’est toujours promenée en BMX, son premier vélo, elle avait 3 ans. «Chez nous, ils sont sur des vélos presque avant de savoir marcher», glisse son père. A 7 ans, la native de Villars-sous-Yens commence l’entraînement dans le club de son père puis enchaîne les petites compétitions. L’année 2018 sera celle de la confirmation: elle décroche une médaille d’argent aux JO de la jeunesse à Buenos Aires avant de devenir vice-championne du monde juniors et championne d’Europe, toujours en juniors. La rideuse vaudoise décide alors de mettre ses études gymnasiales en pause pour se consacrer uniquement au BMX et rentrer dans l’élite. Aujourd’hui, elle passe trois heures par jour six fois par semaine sur son vélo au Centre mondial du cyclisme d’Aigle, où elle vit désormais. Les bosses, elle en connaît le moindre recoin, elle est d’ailleurs l’une des seules femmes à effectuer quelques sauts du parcours. «Pendant la course, tout se passe en quelques secondes», nous explique la championne. Car le BMX Race, en plus d’être spectaculaire, est un sport fulgurant: les huit concurrents s’affrontent sur un parcours semé de bosses de 340 à 400 mètres maximum. Sur le Chablais, la pluie commence à s’abattre. «Pas de souci pour moi, ce qui est le plus dangereux en BMX, c’est surtout le vent», assure la championne de bicross, qui passe et repasse devant nos yeux inquiets. Ces derniers mois, Zoé Claessens a démontré que la catégorie élite devrait désormais compter avec elle en montant notamment sur la deuxième marche du podium à Vérone pour la Coupe du monde et en s’emparant du maillot de championne d’Europe début juillet à Zolder en Belgique. Chapeau et, pas de doutes, avec Zoé Claessens au guidon, tous les rêves sont permis.

Zoe Claessens
Valentin Flauraud/vflpix.com

Textes: Camille Pagella