Image produite par le microscope à feuilles de lumière au Wyss Center
Photo: Wyss Center
Photo: Wyss Center
Qui dit cerveau réparé dit longévité

A la pointe des neurotechnologies, le Wyss Center, à Genève, spécialisé dans les recherches liées au cerveau, fait des percées scientifiques inédites pour lutter contre les maladies neurodégénératives comme l’alzheimer ou le parkinson. L’implant ABILITY, en phase de recherche, permet de lire les signaux neuronaux des patients dans plusieurs zones du cerveau, notamment celles qui activent le langage ou génèrent le mouvement. 


A l’intérieur du Campus Biotech à Genève, une pluie fine d’eau en cascade accueille les scientifiques qui, entre l’entrée sécurisée et l’ascenseur, peuvent méditer devant le symbole de cette source de vie. Continue. Régénérante. Au Wyss Center, fondation de recherche en neurotechnologie à but non lucratif, ce dernier adjectif prend tout son sens. Ralentir la dégénération neuronale de patients atteints de maladies comme l’alzheimer ou le parkinson, c’est l’une de leurs missions. Réparer les connexions perdues de celles et ceux souffrant du syndrome de l’enfermement aussi. Tout comme redonner de l’autonomie motrice à des personnes tétraplégiques. Depuis sa création en 2013 par Hansjörg Wyss, un mécène suisse, le centre de recherche décrypte les mystères du cerveau. «Dressons un parallèle avec l’astronomie. Le cerveau est comme l’univers, un grand inconnu que l’on découvre petit à petit. Le télescope James Webb nous montre aujourd’hui les galaxies de façon inédite. Nous, grâce à la neuro-imagerie issue de microscopes innovants, nous voyons un organe du corps humain comme il n’a jamais été analysé», raconte Johanna Bowler, responsable communication du Wyss Center.

A la cafétéria, on admire en boucle une vidéo hypnotisante, rappelant les images d’une Voie lactée. Il s’agit de l’exploration des circuits électriques d’un cerveau de souris, imagé grâce à leur microscope fétiche mesoSPIM à feuilles de lumière. A la pause, des scientifiques en blouse blanche boivent un café devant une vitrine où des cerveaux humains sont exposés. Des vrais… donnés à la science et durcis par un procédé. Ils trônent comme des oeuvres d’art, habillés des derniers implants utilisés par les chercheurs. En les touchant, on réalise leur densité. Ils pèsent plus de 1,3 kilo.

Le Wyss Center à Genève est spécialisé dans les recherches liées au cerveau

Donné à la science, le cerveau de cette patiente a été plastiné pour être conservé.

Blaise Kormann

L’humain «restauré»


Leurs avancées scientifiques permettraient-elles d’effleurer l’immortalité en contrecarrant le déclin de nos facultés cognitives? Quand on aborde le sujet sur place, la réponse est unanime: «Notre but, c’est d’aider les gens dans le présent, pas d’augmenter leurs capacités pour qu’ils vivent éternellement.» Les projets ont tous comme quête la réparation. L’avancée du savoir est bienvenue mais, contrairement à la recherche fondamentale, c’est le bien-être de la patientèle qui prime. Bienvenue dans la recherche dite translationnelle! «Les technologies augmentent aujourd’hui les visibilités de l’anatomie. On trouve alors des points d’accroche pour élaborer des thérapies afin de ralentir les maladies neurodégénératives, mais aussi attaquer certaines formes de cancer», explique Stéphane Pagès, directeur de la neuro-imagerie.

Sur le fond d’écran de son smartphone, il nous montre une photo d’une peinture multicolore abstraite inspirée d’une BD de science-fiction. «Vous voyez ici une tumeur de manière unique! C’est terrifiant et esthétique en même temps. Jamais le corps humain n’a été observé ainsi» Ces clichés très haute définition sont ensuite transmis à des équipes médicales comme celle du service de neurochirurgie aux Hôpitaux universitaires de Genève. Collaborer est essentiel. Partager les savoirs pour innover fait partie de la philosophie du Wyss Center. «J’aime dire qu’on ajoute de l’innovation sur l’innovation», souligne le directeur de la neuro-imagerie, qui prône le partage de savoirs.

Stéphane Pagès, directeur de la neuro-imagerie au Wyss Center, pose devant le microscope mesoSPIM.

Stéphane Pagès, directeur de la neuro-imagerie au Wyss Center, pose devant le microscope mesoSPIM.

Blaise Kormann

Interaction corps-machine


Le projet BCI – pour «brain computer interface» dans la neuroprosthétique – fait partie de leurs success-stories. L’implant ABILITY, en phase de recherche, permet de lire les signaux neuronaux des patients dans plusieurs zones du cerveau, notamment celles qui activent le langage ou génèrent le mouvement. «On a aussi la possibilité de faire reparler des gens atteints d’un locked-in syndrome, comme l’était Stephen Hawking», précise Sébastien Pernecker, ingénieur au Wyss Center.

Un autre département, celui de neurobiologie, est en train de prendre de l’ampleur. «Dans les laboratoires, ils profilent avec plus de précision des caractéristiques comme le génome, les protéines, la vascularisation ou le contenu immunologique. Avec cette nouvelle connaissance, nous développons des outils biomoléculaires qui n’existent pas encore et aideraient à lutter contre certaines maladies », conclut Stéphane Pagès en se projetant dans un avenir peut-être pas si éloigné que ça.

A ce jour, l’ensemble du travail réalisé derrière les vitres du bâtiment genevois a pour objectif l’amélioration de la santé du cerveau. Et, de facto, sa durée de vie. Et si, dans le futur, ces recherches participaient à l’accès à un corps immortel? L’avenir nous le dira. 

Texte: Jade Albasini

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