Vision d'une hydre.
Photo: Université de Genève
Photo: Université de Genève
Regarde-moi, je ne meurs pas

Chez Brigitte Galliot et son équipe du Département de génétique et évolution à l’Université de Genève, la fascination pour les hydres dure. Cette experte est tombée sous le charme de ces organismes «immortels» cachés dans nos étangs. Elle dévoile les secrets de régénération de ce cnidaire au système nerveux rudimentaire mais à la durée de vie quasi illimitée.


L’hydre est perçue comme immortelle.
En deux jours, quand on lui coupe
sa tête tentaculaire
ou son pied, elle se régénère.
Elle engloutit 25 petits invertébrés par repas.
Sensible à la lumière, elle habite
dans les étangs.
Si l’eau oscille entre 18 et 20°C,
elle y danse éternellement.
Dans la mythologie grecque, l’Hydre
de Lerne est vaincue par Héraclès.
Le demi-dieu tue celle qui ne meurt pas,
avant de la rejoindre fatalement
dans le trépas.


«Quand j’ai découvert les hydres, j’ai voulu les comprendre et disséquer leurs mécanismes autour de leur régénération», commence Brigitte Galliot, professeure en biologie moléculaire à la Faculté des sciences de l’Université de Genève, qui étudie ces animaux minuscules depuis trente-trois ans. Alors que ces petits organismes peuplent nos étangs, ils subjuguent la science parce qu’ils ne vieilliraient pas... enfin, lorsqu’ils sont maintenus dans des conditions spécifiques. «Une eau entre 18 et 20°C. Elles restent aussi fragiles aux polluants», confie l’experte.

Celle qui a aussi obtenu un doctorat en médecine a rapidement saisi l’impact des recherches dans son domaine pour l’humain, avec lequel les cnidaires partagent certains mécanismes, comme l’embryogenèse. «Jusqu’à 7 ans, un enfant qui perd la dernière phalange de son doigt peut, comme l’hydre, la faire repousser. Mais avec l’âge, cette faculté disparaît. Alors que l’hydre se régénère, nous, on cicatrise», résume la spécialiste. La chercheuse décrit le processus qui diffère entre notre espèce et cet animal étonnant. «Leurs tissus interprètent le monde très vite après une coupe, que ce soit sur leur tête ou leur pied. Ils activent les signaux liés à la blessure et induisent ceux de la mort cellulaire. Ces signaux lancent alors le début de la régénération, qui va prendre plusieurs jours.» Ensuite, l’hydre est comme neuve.

Brigitte Galliot, professeure en biologie moléculaire à la Faculté des sciences de l’Université de Genève, qui étudie les hydres depuis trente-trois ans.

Brigitte Galliot, professeure en biologie moléculaire à la Faculté des sciences de l’Université de Genève, qui étudie les hydres depuis trente-trois ans.

Blaise Kormann

L’autophagie, soit le fait que l’hydre recycle des éléments cellulaires, s’avère quant à elle utile pour mieux comprendre certaines pathologies qui font dysfonctionner les connexions neuronales. Alors que la professeure de biologie moléculaire prend sa retraite à la fin du semestre, Brigitte Galliot part le cœur léger, sachant que toutes ces expérimentations inspireront d’autres laboratoires. «Il y a des points communs entre la sénescence de l’hydre, le processus de vieillissement qui s’enclenche malgré tout dans certains environnements inadéquats, et celle des mammifères. On peut vraiment en apprendre sur notre déclin», assure-t-elle.

Et pourrait-on se baser sur ces petites créatures transparentes pour toucher à l’immortalité? «Non, elles peuvent nous aider à comprendre le vieillissement cellulaire mais pas à l’inverser. On ne peut pas changer l’inévitable», conclut-elle. 

Texte: Jade Albasini

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