Parce qu’on me dit que plus je vieillis, plus je deviens séduisant avec mes rides et mes cheveux gris,
parce qu’en général je n’ai pas besoin de me mettre en temps partiel pour élever les enfants,
parce qu’elle fait trois plus de travaux non rémunérés que moi,
parce que je n’ai pas besoin de réfléchir au milieu de l’après-midi aux courses que je dois faire en sortant du boulot,
parce que mon organe sexuel est le symbole de ma force et de ma puissance,
parce que, statistiquement, je n’assume que 20% des tâches ménagères,
parce que je peux avoir un chat sans passer pour une vieille fille,
parce que je peux étaler mes jambes dans les transports publics,
parce qu’aller chez le coiffeur ou acheter un rasoir jetable me coûtent moins cher,
parce que personne ne me juge si je garde mes poils,
parce que je peux siéger au Conseil d’Etat valaisan,
parce que je ne suis pas le seul chauffeur de bus de mon genre dans le canton de Fribourg,
parce que je gagne 20% de plus bien que l’égalité salariale soit inscrite dans la loi,
parce qu’on m’interrompra moins qu’elle quand je cause,
parce que, quand j’amène ma voiture au garage, on ne me prend pas pour une cruche à qui on peut saler la facture,
parce que je ne me fais pas siffler dans la rue,
parce que, quand je monte les tours, on dit que j’affirme mon caractère, pas que je suis hystérique,
parce que, lorsque je rentre en retard, ça n’a rien de louche puisque c’est forcément à cause du boulot ou des bouchons,
parce que, lorsque je bois un verre seul au bar, ça ne fait pas bizarre,
parce que mes diplômes suscitent plus d’admiration et de considération
parce que, quand je me vante de mes conquêtes, je passe pour un don Juan ou au pire un gigolo, pas pour une salope,
parce que, quand je rentre chez moi à 1 heure du matin, personne ne me poursuit dans la rue,
parce que mes rapports sexuels sont une priorité pour mon équilibre psychique,
parce qu’on ne me traitera jamais d’«andropausé» – parce que, quand je m’énerve, ce n’est ni mes hormones ni mes règles qui me jouent des tours,
parce que, derrière l’expression «Il faut que jeunesse se passe», je peux faire les pires âneries qui feront rire,
parce que je ne me fais pas harceler quand je vais sur internet, dans les transports en commun et dans les espaces publics,
parce qu’avoir du gras au bide et ailleurs, ça fait protecteur, pas moche,
parce que je suis moins critiqué ou moqué à cause de mes tenues vestimentaires,
parce que les insultes se résument à être un connard ou un sale con, pas une pute ou une salope,
parce que me faire traiter de fillette dit combien c’est la honte d’être une fille,
parce qu’être trop bavard, c’est pas mon genre,
parce que je n’ai pas besoin de ressembler à George Clooney pour me dire que je suis plutôt pas mal,
parce que le choix des jeux ne se limite pas au coffret de maquillage, aux habits de princesse et à la valise d’infirmière,
parce que, quand papa et maman ne sont pas là, c’est toujours moi qui gagne contre ma sœur,
parce que la littérature raconte beaucoup plus d’histoires de héros que d’héroïnes,
parce qu’on ne me jette pas un regard accusateur quand notre fils se ramasse à l’école,
parce qu’on ne m’impose pas de dire si je suis marié ou pas en disant «monsieur»,
parce que si je dis un gros mot, ça choque moins,
parce qu’on n’attend pas de moi que je sourie pour décréter que je suis sympa,
parce que mes vêtements ont de vraies poches,
parce que je peux faire du foot sans qu’on me dise que je suis un garçon manqué,
parce qu’on ne me met pas un chapeau et une étiquette si je ne suis pas marié à 25 ans,
parce que, quand je suis dépensier, on dit que je suis généreux,
parce que si je ne désire pas d’enfant, on ne me dit pas que j’agis contre nature,
parce que j’ai beaucoup plus de chances de toucher l’AVS et le 2e pilier plein pot,
parce que je n’ai aucun risque qu’on me tienne responsable d’avoir été agressé sexuellement en fonction de ce que je portais,
parce que je peux boire un verre à une fête sans craindre que quelqu’un ait mis quelque chose dedans,
parce que si je viole, je peux toujours dire qu’elle m’a allumé et qu’elle était consentante,
parce que mes problèmes psychologiques ne sont pas tout de suite assimilés à de la sensiblerie,
parce que, quand je me présente en politique, je ne suis pas pénalisé par l’idée de ne pas pouvoir équilibrer vie privée et vie publique,
parce qu’on se souviendra de moi pour mon travail et mes réussites, pas à cause de mes seins et de mes robes,
et parce qu’après avoir étudié la question de près, justice a été rendue en féminisant le mot «covid»…
Image d'illustration.
Amina BelkasmiPar Christian Rappaz publié le 4 mars 2021 - 08:55