1. Home
  2. Actu
  3. Alain Berset: «Aucun compromis avec le vaccin!»

L'interview

Alain Berset: «Aucun compromis avec le vaccin!»

Après une semaine tumultueuse, marquée par une levée de boucliers qui a contraint le Conseil fédéral à rétropédaler en matière de mesures anti-covid, le ministre de la Santé, Alain Berset, particulièrement chahuté, répond aux critiques et jure que personne ne sera abandonné. Interview marathon.

Partager

Conserver

Partager cet article

file7dmxrrgl301xgsz1wz
Kurt Reichenbach

-Comment allez-vous, Monsieur le ministre, après dix mois passés au front de la pandémie?
- Alain Berset: Ça va. C’est long et très éprouvant. Rien n’est stable. Un nouveau problème surgit chaque matin, qu’il faut essayer de régler. Mais je ne vais pas me plaindre. C’est pour tout le monde pareil.

- Le Conseil fédéral a fini par céder à la pression des cantons romands en leur accordant, entre autres et sous condition, le droit d’ouvrir les bars et les restaurants jusqu’à 23 heures…
- Non, ce n’est pas correct. Accorder un régime plus libéral aux cantons dans lesquels le nombre de cas décroît est une option que nous avions déjà évoquée en séance, le mardi d’avant. Mais attention, je crains que cela ne soit malheureusement que de courte durée. La plupart des cantons concernés sont déjà proches de la limite. Le nombre d’infections pourrait rapidement reprendre l’ascenseur. J’ai senti les représentants des cantons très tendus durant le processus de consultation.

Préserver le système de santé doit rester la priorité

- Vous êtes pessimiste…
- Non, réaliste. Quand les cantons romands m’ont fait part il y a quelques semaines de leur intention de rouvrir les activités, je leur ai dit que c’était probablement prématuré. N’oubliez pas que début novembre, ils étaient proches du record mondial du taux de contamination par rapport au nombre d’habitants! Avec le froid, les Fêtes et les rencontres, je redoute que la situation se péjore à nouveau. On peut bien sûr fermer les yeux et dire «ça va aller, on a fait le travail». Mais préserver le système de santé doit rester la priorité. Et je rappelle que, depuis le début, on essaie de trouver un équilibre avec des mesures les moins douloureuses possible, permettant au plus grand nombre de travailler.

file7dmxrr63sdg1h60829lx
Alain Berset: «Je ne dis pas que nous avons fait tout juste tout le temps. Vraiment pas.» Kurt Reichenbach

- Vous avez été fortement sous pression à la suite de l’annonce du projet de fermeture des restaurants à 19 heures…
- La pression fait partie de mon travail. Ce n’est pas ce qui me pose le plus de difficultés. Au contraire, la confrontation nourrit la réflexion. Nous ne sommes ni sourds ni fermés à tout ce que nous entendons, à ce que nous lisons, à ce que les gens nous écrivent. C’est difficile. Il y a toujours beaucoup d’incertitude et d’insécurité.

- Les attaques ont été virulentes. Le vice-président du PLR, Philippe Nantermod, a par exemple tweeté que, sous votre influence, le Conseil fédéral perdait les pédales, réagissait de manière tardive, désordonnée, scandaleuse…
- Je ne lis pas tout. Je choisis ce qui est constructif et m’aide à avancer. Et ce genre de formulation, vous en conviendrez, n’éclaire pas vraiment sur ce qu’il faudrait faire… C’est une décision du Conseil fédéral. Je ne dis pas que nous avons fait tout juste tout le temps. Vraiment pas. Mais le gouvernement est contraint de tenir compte de la situation globale. Après, quelqu’un doit porter la décision.

- Franchement, cette annonce faite à 48 heures de la réouverture des commerces et des restaurants, c’était au mieux une maladresse, au pire une provocation…
- Ecoutez, nous n’avons pas annoncé ces mesures parce que les cantons romands s’apprêtaient à rouvrir mais parce que la situation s’est brutalement dégradée. Jusqu’au vendredi précédent, le nombre de cas avait diminué de moitié tous les dix-sept jours. On se disait «OK, ça va dans le bon sens». Puis soudain, cette tendance s’est inversée. Nous avons alors décidé de faire une nouvelle évaluation, et une séance a été fixée au mardi 8 décembre. Et là, on a dû constater qu’un rebond à ce niveau pouvait être catastrophique. On ne pouvait pas se permettre d’attendre. Sur le plan épidémiologique, nous stagnons à un niveau dix fois supérieur à celui qu’on estimait être un plafond il y a seulement quelques mois encore.

Nous devons éviter de faire le yoyo

- Malgré cela, vous avez autorisé l’ouverture des stations de ski, une décision qui scandalise une partie de l’opinion…
- Ce n’est pas le Conseil fédéral qui ouvre ou ferme les stations de ski. Nous avons posé les conditions dans lesquelles il nous paraît possible de les faire fonctionner. Mais soyons honnêtes: l’évolution actuelle n’est pas bonne. Les milieux qui s’indignent des mesures prises par le Conseil fédéral devraient bien réfléchir à la situation. A ce jour, le niveau de contamination est trop élevé. Et s’il progresse encore, très vite, la situation ne sera plus tenable. Nous devons éviter de faire le yoyo entre un régime où tout est ouvert, puis tout fermé, et ainsi de suite. Il faut chercher la stabilité.

- A propos, on se demande pourquoi vous limitez l’affluence dans les téléphériques mais pas dans les trains, les bus ou les métros.
- Etes-vous déjà monté dans une cabine de 80 places qui est pleine à craquer? Et avez-vous déjà vécu la même situation dans un train? Cela peut éventuellement arriver dans un métro ou dans un bus, pour deux-trois minutes. Je fais beaucoup de ski, j’adore ça, et ce qui se passe ne me laisse pas indifférent. Mais quinze minutes debout, serrés comme des sardines, n’est actuellement pas concevable. La limitation à deux tiers de l’espace paraît donc raisonnable. Les milieux concernés l’ont très bien compris et ne sont pas fâchés. Au contraire, ils sont contents de pouvoir travailler.

- Votre image en a pris un sérieux coup dans l’aventure. De héros au printemps, vous voilà aujourd’hui sous le feu des critiques. Affecté?
- Bien sûr, comme tout le monde, je préfère lire et entendre des critiques positives. Mais être au Conseil fédéral, ce n’est pas seulement travailler quand tout va bien, quand les bénéfices s’accumulent et que tout est facile. C’est également faire face. Et redoubler d’engagement quand les problèmes s’empilent. Je nourris depuis le début une véritable passion pour cette fonction. C’est pour résoudre les problèmes et relever les défis que je la remplis.

- La grogne monte un peu partout. Beaucoup, y compris dans les gouvernements cantonaux, parlent d’une cacophonie fédérale…
- Je comprends ce mécontentement. Il y a beaucoup de frustration. Des secteurs d’activité entiers sont quasiment empêchés de travailler depuis des mois. Leur situation est très difficile et leur énervement traduit cette fatigue que nous ressentons toutes et tous. Mais regardez autour de nous. L’Allemagne, la France, qui ont des niveaux d’incidence de moitié inférieurs au nôtre (ndlr: chiffres au 14 décembre), vous entendez bien, de moitié inférieurs au nôtre, demeurent malgré tout davantage fermés et restrictifs que la Suisse.

- On vous accuse également de mettre à mal le fédéralisme en créant un «Coronagraben» avantageant la Suisse alémanique…
- Je ne suis pas d’accord. Nos décisions sont prises en respectant au mieux l’équilibre entre situation sanitaire et conséquences économiques. Cela ne se fait pas à la faveur d’une région plutôt que d’une autre. Souvenez-vous de la première vague. Nous avons pris des mesures très fortes impactant l’ensemble du pays. Cela aurait pu paraître exagéré pour les Suisses alémaniques, qui étaient à ce moment-là moins touchés que les Romands ou les Tessinois. Mais ils se sont montrés solidaires. Personne n’a crié au scandale.

Ne perdons pas de vue l’objectif: éviter l’explosion des cas

- Dans ces colonnes, Pierre-Yves Maillard estimait que, quelles que soient les mesures, le résultat est sensiblement le même partout.
- Je ne partage pas cette conclusion. Les pays qui appliquent les mesures les plus draconiennes ont un taux d’incidence nettement moins élevé que le nôtre. Mais ne perdons pas de vue l’objectif: éviter l’explosion des cas, c’est éviter une surcharge dramatique de notre système de santé. Nous sommes arrivés à un moment où le personnel de soins est sur les genoux. Nous les avons tous applaudis au printemps, or la situation est bien plus difficile aujourd’hui. Personne ne doit l’oublier. Il ne suffit pas de dire: «Il n’y a qu’à rouvrir les activités et on s’organisera.» Bien sûr, les restrictions sont lourdes pour tout le monde. Mais nous toutes et tous devons le comprendre: ce n’est malheureusement qu’à ce prix que nous nous en sortirons.

file7dmxrrcc9kxcxxvn7z6
«La seule fermeture des bars et des restaurants coûte 375 millions par semaine. Je dis bien «par semaine» Kurt Reichenbach

- N’est-ce pas le moment d’investir dans notre système de santé, d’arrêter d’économiser sur les lits, le personnel, etc.?
- En Suisse, nous bénéficions d’un nombre de lits par habitant plus important que dans les pays qui nous entourent. C’est d’ailleurs ce qui nous permet de tenir le choc malgré des taux de contamination très élevés. Là où vous avez raison, c’est pour le personnel. Nous sommes trop dépendants des soignants venant de l’étranger. Dans le corps médical et dans le domaine des soins. Pour autant, notre système de santé est extrêmement robuste. Mais qui pouvait prévoir un choc pareil?

- Et que faites-vous pour améliorer la situation? Le Conseil des Etats vient de refuser le projet de subvention pour former des infirmières et des infirmiers…
- Ce n’est qu’une étape dans le contre-projet né de l’initiative populaire, qui se heurte encore à une divergence entre le National et les Etats. Le premier veut accorder 469 millions de subventions, le second 369 millions. Quelle que soit l’issue, le montant affecté sera très important.

- Du soutien financier, des dizaines de milliers de PME et d’indépendants en attendent aussi, question de vie ou de mort. Mais l’aide pour les cas de rigueur se fait attendre…
- Le Conseil fédéral est conscient des conséquences massives de cette crise sur la société, et sur le monde du travail en particulier. Des dizaines de milliards ont été investis pour soutenir l’économie. Le concept de cas de rigueur est nouveau; comme tout nouvel instrument, il faut un peu de temps pour le mettre en place. Je comprends l’impatience de celles et ceux qui sont concernés. Deux milliards et demi sont consacrés à cette aide. Il en faudra plus, c’est certain. La situation est très difficile pour d’innombrables commerçants et travailleurs mais, je le répète, nous en sommes conscients. Nous ne lâcherons personne.

- Autre chose: est-ce bien raisonnable d’investir plus d’un demi-milliard pour des vaccins dont on ne sait pas grand-chose?
- La seule fermeture des bars et des restaurants coûte 375 millions par semaine. Je dis bien «par semaine». Faites le calcul depuis le mois de mars. Si nous voulons retrouver une vie normale, on doit évidemment pouvoir bénéficier de ces vaccins. Ils sont actuellement à l’étude chez Swissmedic. Les spécialistes nous disent que le virus ne semble pas muter. C’est déjà une bonne nouvelle.

- Que dites-vous aux gens pour les convaincre de se faire vacciner?
- Que nous ne faisons aucun compromis sur la qualité et la sécurité des vaccins. Le niveau d’exigence est très élevé. Contrairement à ce qu'il se passe dans certains pays, personne ne sera vacciné de manière prématurée. Je fais confiance au système de contrôle de Swissmedic. La procédure de validation sera respectée, comme pour tout nouveau médicament mis sur le marché.

Dans une crise, les vérités d’un jour sont rarement celles du lendemain

- Vous ferez-vous vacciner?
- Oui, bien sûr, dès que la sécurité et l’efficacité du produit seront confirmées. Mais il n’y a pas de raison que je sois prioritaire, je ne fais pas partie des personnes à risque. L’OFSP met en place la stratégie. La vaccination nous occupera pour une bonne partie de l’année 2021. A titre de comparaison, vacciner 1,2 million de personnes contre la grippe saisonnière prend à peu près quatre mois. Je m’y astreins chaque année, car je rencontre beaucoup de gens et je ne veux pas être un vecteur de la maladie.

- Pouvez-vous garantir que les lobbies des pharmas n’influencent pas vos décisions?
- Cette question nous occupe depuis très longtemps. Elle a représenté l’un des éléments centraux des discussions autour de la nouvelle loi sur les produits thérapeutiques. Je me suis beaucoup engagé pour garantir l’indépendance de tous les praticiens. C’est la même chose pour Swissmedic, dont les règles de conformité sont très élevées.

file7dmxrrl43o3jtu3q7z9
Alain Berset à Berne face au journaliste de L'illustré Christian Rappaz. Christian Rappaz

- Un carnet de vaccination électronique est-il à l’étude? Si oui, est-ce pour fliquer les gens, si l’on ose dire?
- La question se pose en effet à propos d’une coordination internationale. Mais rien à voir avec l’idée de surveillance de la population. On sent dans les discussions que cette exigence pourrait inspirer certains pays si l’efficacité du vaccin se confirme. Cela existe déjà pour d’autres maladies, d’ailleurs, comme la fièvre jaune. Et même pour le covid, en quelque sorte, puisqu’un test négatif est souvent exigé pour franchir les frontières. L’important pour nous est d’être prêts avec un carnet de vaccination pour les personnes qui en auraient besoin.

- A force d’entendre tout et son contraire à propos du virus, vous croyez encore à la science?
- Oui, bien sûr. Mais dans une crise, les vérités d’un jour sont rarement celles du lendemain. En réalité, depuis février, nous sommes contraints de constamment gérer l’incertitude. Cela restera un des grands marqueurs de cette année. D’ailleurs, si nous n’avions que des certitudes, nous ne serions pas en crise… Je sais que cela est très fatigant et déstabilisant pour tout le monde. En Suisse, nous ne sommes pas habitués à vivre aussi longtemps dans l’incertitude.

- Beaucoup s’étonnent que d’un côté on chipote pour supprimer la pub pour la cigarette, qui fait 9000 morts par année en Suisse, et que de l’autre on verrouille l’économie pour limiter les décès du covid…
- Vous ne tombez pas à la bonne adresse avec cette question. Cela fait des années que je me bats pour éviter que les jeunes aient accès à cette publicité. Le parlement vient de donner un petit tour de vis sur le tabac, mais ce n’est pas encore satisfaisant.

- Quelle est la décision la plus difficile que vous ayez eu à prendre au cours de cette horrible année?
- Fermer les écoles. Sans hésiter. Lorsqu’on prend une telle décision, on sait qu’on envoie des centaines de milliers d’enfants à la maison pendant des semaines, qu’on restreint du jour au lendemain l’accès à la formation, à la cohésion sociale, à l’intégration. C’est quelque chose que j’aurais voulu ne jamais devoir faire. Comme tout le monde, j’ai hâte que tout cela soit enfin derrière nous.


AU CLASSEMENT MONDIAL, LA SUISSE EST 26e...

Trente Etats sur 53 analysés ont fait l’objet d’un classement de résilience au covid réalisé par l’agence Bloomberg. Une évaluation qui a tenu compte de dix facteurs, parmi lesquels le nombre de cas positifs pour 100 000 habitants en novembre, le nombre de décès depuis le début de la pandémie, la rigueur des mesures ou encore la qualité des soins.

file7domuty3w80ci2nsomz
Dans le «classement de la résilience» réalisé par Bloomberg, la Suisse figure au 26e rang sur 50.  L'Illustré

- Avec un 26e rang sur 50, la Suisse affiche un taux de positivité et un nombre de cas par rapport au nombre d’habitants parmi les plus élevés d’Europe. Que vous inspire ce classement, Monsieur le ministre?
- Alain Berset: Cela ne me surprend pas. La Suisse se trouve au cœur du continent européen. Il est l’un des pays, voire le pays où il y a le plus d’échanges et de contacts. Pour ceux qui connaissent Tokyo, je dirais qu’on est le Shibuya de l’Europe. Cela n’a donc pas de sens de nous comparer avec la Nouvelle-Zélande ou Taïwan. Par ailleurs, nous avons cherché un chemin beaucoup moins restrictif que d’autres, on a un système de santé qui absorbe mieux les chocs, ce qui a pour conséquence d’être aussi plus touché. Quant au nombre de cas et de décès, il faut attendre d’avoir les vrais chiffres du nombre de tests. Je souligne qu’il y a de très, très grosses différences dans les manières de tester d’un pays à l’autre.


L'éditorial: Et si on arrêtait de les éreinter?

Par Philippe Clot

C’est le 8 janvier 2020 que le mot «coronavirus» est apparu pour la première fois dans la presse romande. Deux semaines plus tard, au Forum économique mondial de Davos, Alain Berset (voir notre interview ci-dessus) se voulait rassurant: «Nous sommes très bien préparés.» Aujourd’hui, l’assurance initiale du ministre de la Santé apparaît bien sûr dérisoire. Il serait pourtant injuste d’en ricaner. Avec onze mois de recul désormais, il est fair-play d’admettre que piloter une démocratie dans cette crise sanitaire, c’est comme se retrouver au volant d’une voiture avec une direction faussée, des freins sans plaquettes, un accélérateur capricieux et des essuie-glaces en charpie.

Les esprits les plus critiques vis-à-vis des politiques ont la partie facile: ils ne sont pas aux commandes et n’auront donc pas de comptes à rendre. Les partisans du minimum sanitaire se gardent d’ailleurs bien d’évoquer les conséquences en termes de taux de mortalité, de chaos hospitalier, voire de panique générale (et donc d’effondrement économique) que leur politique du laisser-faire induirait. Le camp opposé, celui de mesures draconiennes sur une longue durée, évite lui aussi de dresser la liste des conséquences économiques et sociales d’un scénario carcéral national. Entre ces deux extrêmes, et en attendant une salvatrice immunisation (naturelle ou/et par vaccination) de masse, le gouvernement n’a d’autre choix que de gérer les conflits d’intérêts à la petite semaine.

Le vrai choix politique possible est en fait moins sanitaire que social. Des centaines de milliers de familles et de concitoyen(ne)s risquent de glisser dans la précarité. Il est impossible de prévoir combien il va nous falloir encore endurer d’épisodes de la première saison du feuilleton coronavirus. Mais on peut espérer que la deuxième saison de cette pandémie, celle mettant en scène ses naufragés après la tempête, sera brève et se terminera en happy end. Là aussi, l’arbitrage sera délicat pour nos dirigeants. Mais il s’agira au moins d’une alternative simple: choisir entre la solidarité et le chacun pour soi.


Par Rappaz Christian publié le 17 décembre 2020 - 08:33, modifié 18 janvier 2021 - 21:17