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Vendée Globe

Alan Roura: «Je ne pense déjà qu’à remonter un projet»

A 27 ans, Alan Roura vient de boucler son deuxième Vendée Globe. Une nouvelle superbe performance compte tenu des avaries qui l’ont pénalisé. Retrouvailles en famille avec le marin genevois qui cherche un nouveau sponsor, suisse de préférence.

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Alan Roura a retrouvé avec joie sa fille Billie.

De passage en Suisse chez ses parents à Versoix (GE), le marin Alan Roura rattrape les trois mois de séparation d’avec son adorable fille, Billie.

Nicolas Righetti / Lundi13

Régate ou galère? Alan Roura n’a certes pas dû finir ce Vendée Globe à la rame, mais sa deuxième participation à la course en solitaire la plus extrême de toutes le laisse sur un sentiment d’inachevé.

Le Genevois de 27 ans n’était pas parti pour gagner, mais ses objectifs initiaux étaient nettement plus ambitieux que cette 17e place sur 33 concurrents et que ce temps final de 95 jours. Mais voilà, dès le premier tiers de la course, le benjamin de la compétition a dû composer avec un bateau handicapé par de gros pépins techniques qui ne l’ont plus lâché jusqu’à la ligne d’arrivée. Ces soucis de quille pendulaire menaçaient même de faire exploser le bateau à tout moment. «J’ai bien failli me mettre volontairement hors course en allant réparer cette avarie en Nouvelle-Zélande. Finalement, j’ai préféré continuer, même s’il est presque impossible de conserver un esprit de compétiteur quand le bateau perd tant de potentiel de vitesse.» Finalement, La Fabrique a tenu et a même pu s’offrir un baroud d’honneur sous la forme d’un dernier sprint victorieux face à un concurrent direct.

La famille Roura à l'heure des retrouvailles.

Le clan Roura est à la base de toutes les aventures océaniques d’Alan, qui a passé son enfance à naviguer en mer sur le voilier familial. Il s’appuie aussi sur Aurélia, son épouse, pour le travail de l’ombre sans lequel rien ne serait possible.

Nicolas Righetti / Lundi13

Une petite semaine après l’arrivée, le navigateur semble avoir digéré cette course en demi-teinte. Il a retrouvé son épouse Aurélia et leur fille Billie, qui, à 9 mois, n’en finit pas de sourire dans les bras de sa grand-maman Myriam Roura.

De passage ces jours à Versoix (GE), chez ses parents, il est déjà temps de penser à son avenir de marin et de réparer aussi son corps meurtri par trois mois de navigation. Trois mois parfois dantesques comme à chaque Vendée Globe, mais cette fois ponctués par des épisodes de réparations cauchemardesques dans une cabine tapissée par ces fameuses fuites d’huile. «Là, j’ai le dos qui se rappelle à moi. Une fois la course terminée, quand les efforts ne sont plus quotidiens, il y a forcément un prix à payer», explique-t-il avec un sourire et un entrain que ces épreuves n’ont pas entamés.

Alan Roura avec sa mère et sa fille.

Sa maman Myriam, 64 ans, lutte contre un cancer diagnostiqué l’année passée. Leurs retrouvailles dans la maison familiale sur les hauts de Versoix (GE) sont donc plus émouvantes que jamais.

Nicolas Righetti / Lundi13

Le retour auprès de ses proches est visiblement plus apprécié que jamais. En regardant Billie sourire, celui qu’on surnomme «MacGyver» en raison de sa capacité à se sortir des pires situations lâche un «elle est parfaite, cette gamine», avec la parfaite mine du papa gâteau. Autre motif d’émotion, sa maman, qui peut enfin prendre dans ses bras sa petite-fille et témoigner de l’affection pour son héros de fils.

Myriam Roura, 64 ans, lutte contre un méchant cancer qui lui a imposé cinq mois et demi d’hospitalisation l’année passée et qui lui a interdit d’aller encourager son fils avant le départ, comme elle l’avait toujours fait avec son mari Georges lors des grands départs de course de son fils. «Mais ce Vendée Globe m’a quand même été précieux pour affronter cette situation très pénible. Je me suis juré que je serais aux Sables d’Olonne pour l’arrivée. Cet agenda que je me suis imposé m’a motivée à crocher malgré la fatigue due aux traitements lourds que j’ai dû recevoir.»

Aujourd’hui, si la victoire contre la maladie n’est pas encore tout à fait assurée, le pronostic incite plutôt à l’optimisme. «Je regrette de n’avoir pas eu assez d’énergie cette fois pour collecter tous les articles de presse et autres documents, comme je l’avais toujours fait, notamment pour le premier Vendée Globe de mon fils. J’adore faire ce travail d’archiviste en me disant par exemple que Billie adorera consulter ces dossiers dans dix ou vingt ans.»

Sa deuxième édition de ce tour du monde, Alan Roura l’a terminée en 95 jours, 6 heures et 10 minutes, soit dix jours de moins qu’il y a quatre ans. Mais il espérait faire beaucoup mieux.

Jean-Guy Python

La course est certes terminée, mais celle aux sponsors ne s’arrête jamais. Alan Roura arrive au terme de son contrat le liant avec La Fabrique, l’entreprise de boulangerie de la famille Cornu à Champagne (VD), qui a fidèlement soutenu le marin genevois. «S’il y a une chose que je tiens absolument à faire savoir aujourd’hui, c’est que La Fabrique fut un sponsor principal tout simplement magique. Je n’ai pas de mots assez forts pour remercier la famille Cornu, pour sa fidélité, son soutien, sa passion. Une telle complicité, c’est inouï. Aux Sables d’Olonne, les retrouvailles ont d’ailleurs été d’une très grande intensité émotionnelle.» Les fabricants des fameuses flûtes feuilletées quittent comme prévu le navire, du moins comme sponsor principal. Il faut donc trouver un autre mécène pour baptiser la prochaine bête de course.

Aurélia et Alan sont à cet égard unanimes: «L’idéal, c’est de signer avec une marque suisse. Cela fait sens. Alan est Suisse et fier de son pays. Ses sponsors sont tous suisses. Ses projets sont donc suisses. Ce serait cohérent de continuer à représenter ce pavillon», explique la jeune épouse et maman, visiblement prête à repartir à l’abordage. «J’aurais même dû commencer à préparer l’avenir avant même le départ de cette course si les contraintes de la pandémie n’avaient pas rendu ce travail de prospection impossible.»

Car c’est bien cela, le gros problème de la voile de compétition: il faut trouver des millions d’euros pour espérer être compétitif. La surenchère actuelle, notamment pour développer ces fameux foils en carbone, ces ailes qui soulèvent le bateau hors de l’eau quand les conditions de vent s’y prêtent, laisse moins de place que jamais au bricolage bon marché. «Je crois qu’imposer une taille de foils maximale permettrait de modérer cette très onéreuse fuite en avant technologique», suggère Alan Roura, qui ne s’oppose pas non plus à l’idée d’un plafonnement des budgets quand on lui soumet cette solution pour rendre la course plus équitable.

Le cachalot et la casquette de marin.

Le marin a le sens de la com, comme le rappelle sa fameuse casquette, élément de son déguisement en Corto Maltese lors du Vendée Globe en 2016. La sculpture de cachalot en reste bouche bée.

Nicolas Righetti / Lundi13

En attendant qu’un nouveau partenariat puisse lancer un chantier qui pourrait permettre de s’aligner sur les prochaines grandes courses, transatlantiques notamment, et bien sûr le Vendée Globe 2024-2025, le Genevois se dit plus que jamais prêt à offrir ses services dans les compétitions lémaniques. L’idéal serait justement de pouvoir défendre de manière locale ce futur sponsor principal helvétique.

En attendant de trouver la marque qui se jettera à l’eau avec son futur bateau, Alan Roura est déjà sollicité comme skipper invité pour certaines dates du calendrier lacustre. Il n’y a bel et bien aucune honte à se faire marin d’eau douce, même quand on a déjà bouclé à deux reprises un tour du monde de plus de 40 000 kilomètres.

Par Philippe Clot publié le 17 février 2021 - 09:11