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Alexia Leuba-Passello, la dentiste qui murmure à l'oreille des chevaux

Fine et précise, Alexia Leuba-Passello est une des seules techniciennes dentaires équines du pays. Depuis sa ferme des Enfers (JU), elle rayonne en Suisse romande, avec une infinie patience, pour soulager les équidés en souffrance.

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Alexia Leuba-Passello, une dentiste pour chevaux

«Je suis toujours étonnée par la gentillesse des chevaux, qui se laissent faire», glisse Alexia Leuba-Passello (31 ans, ici avec un outil de dentisterie et sa jument, Cryptonite de Vautenaivre). Dans l’idéal, elle traite de six à dix chevaux par jour, ainsi que des ânes.

Julie de Tribolet

A l’origine de ce métier, un souvenir d’enfance m’a marquée. Un choc quand un dentiste est venu voir mon poney. A 10 ans, il avait les joues toutes trouées. C’est ce qui se passe quand un équidé ne peut pas s’user les dents naturellement et qu’elles poussent malgré tout. Les surdents sont des portions de dents qui persistent malgré l’usure dentaire provoquée par la mastication. Ce phénomène est dû à deux causes essentielles. Anatomiquement, la mâchoire supérieure est plus large que la mâchoire inférieure. Aussi les dents ne se superposent-elles que partiellement.

Dans son environnement naturel, le cheval mastique et use ses dents entre quinze et seize heures par jour. Or, avec la modification de son mode de vie à l’état domestique, le temps de mastication, et donc l’usure dentaire, est plus limité. Nous trouvons encore beaucoup d’autres pathologies, caries, dominances, crêtes transversales, etc. Certains chevaux souffrent ainsi beaucoup. Les dents, on ne les voit pas, et certains problèmes peuvent devenir impressionnants. De plus, les chevaux restent des animaux de fuite. Ils cachent leurs maux. Ce côté découverte m’a toujours plu.

J’ai pensé à prendre cette voie vers 14 ans. Et choisi une des seules écoles reconnues, en Belgique. Un expert de la dentisterie y forme depuis plus de vingt ans, avec quatre professeurs pour une douzaine d’étudiants. Après avoir fini une formation dans l’horlogerie, j’ai été admise. Ce fut passionnant pendant deux ans, un mélange de théorie et de pratique, plus de 200 cas examinés. Ce fut aussi parfois dur, comme quand le brouillard glacial pénétrait dans d’immenses écuries allemandes. Mais, en sortant de là, j’avais définitivement quitté le monde des bisounours.

J’ai commencé en 2017 dans le Jura, en parallèle à mon travail dans l’horlogerie. Quelques élevages amis m’ont prise, puis le bouche-à-oreille a fonctionné. Dès 2019, comme mon emploi du temps était trop chargé, je me suis lancée en indépendante.

Ce que je regarde en premier? Comment le cheval est au travail, comment il mange, son état général. Je discute beaucoup avec le propriétaire. Puis il existe des signes quand j’entre dans le box: les yeux, les oreilles, les coups de tête. Je caresse l’animal, je passe les doigts dans sa bouche, je repère les blessures, les gonflements. Je note si le cheval est hystérique. Le plus souvent, les clients restent avec moi. Ils aiment regarder, ils s’intéressent.

Dans 70% des cas, il n’y a pas besoin de procéder à une sédation, qui calme. Je préfère que le cheval reste éveillé, à cause des sensations. S’il bouge un peu, cela ne me gêne pas. Il faut du feeling, de la patience. Savoir lire le cheval. Je ne suis pas censée faire mal, même si cela peut arriver. Les chevaux sont plus résistants à la douleur que nous. Quand je fraise, ils se rendent même parfois compte du bien que cela leur fait. Rien de plus satisfaisant qu’un client qui m’appelle ensuite pour me dire que son cheval a repris 100 kilos ou qu’il est beaucoup mieux au travail avec son cavalier.

Je contrôle la bouche, j’entretiens la table dentaire. Je lime, remets à niveau, nettoie les espaces interdentaires. Je dois extraire les petites dents surnuméraires, qu’on appelle dents de cochon ou dents de loup. J’ai la chance d’aller dans de grandes écuries; principalement lors de mes études, nous avons soigné des chevaux superstars. Cela dit, même si on se sent comme un enfant devant un champion du monde de saut ou de dressage, j’estime qu’un poney de 60 centimètres a les mêmes droits qu’un crack de Grands Prix. Je travaille dans la finesse, un héritage de l’horlogerie. Et suis toujours étonnée par la gentillesse des chevaux.»

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Par Marc David publié le 17 mai 2023 - 09:52