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Interview

Anne Richard: «Mes histoires d’amour n’ont jamais fini mal»

Le temps d’un pèlerinage sur les lieux de son adolescence, la comédienne Anne Richard évoque son métier, les hommes, l’amour, mais aussi ce manque d’imagination des scénaristes qui pensent qu’entre 50 et 60 ans les femmes n’ont pas une existence digne d’être racontée.

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La comédienne vaudoise Anne Richard à Lausanne

Retour aux sources pour la comédienne vaudoise, qui vit à Paris. Une grande partie de son adolescence s’est déroulée dans cette vieille ville lausannoise qu’elle arpente non sans émotions. 

Sedrik Nemeth - Mise en beauté Sophie Richard

La comédienne suisse exilée à Paris est revenue en Suisse le temps d’un tournage pour une participation dans la nouvelle série de la RTS intitulée «En eau salée». Quatre épisodes dans le milieu de la marine marchande suisse où Anne Richard interprète le rôle d’une mère dont la fille a disparu. Attablée dans un café de la vieille ville de Lausanne, pas très loin à vol d’oiseau de son quartier d’enfance de Chailly, où elle a grandi avec son frère Jean-Marc, l’animateur radio bien connu des Romands, la comédienne évoque son passé, son amour de la Suisse, mais aussi ses nombreux projets, dont un spectacle avec une grande cantatrice suisse. Sortir de sa zone de confort semble être le mot d’ordre du moment. 

- Retrouver les plateaux TV en Suisse, c’était comment?
- Anne Richard: Formidable. J’étais heureuse de retrouver Denis Rabaglia, le réalisateur. J’adore cet homme que j’avais rencontré il y a trente ans et à qui, paraît-il, j’avais refusé un rôle. Cela faisait un moment que j’avais envie de revenir en Suisse. J’ai raté deux ou trois choses intéressantes à cause du fait que je vis à Paris, mais là, je ne suis pas arrivée trop tard… Et ce fut aussi un bonheur de tourner avec la fantastique Maud Wyler, Philippe Torreton et Michel Voïta, qui joue mon mari et que je n’avais jamais rencontré. En Suisse, il y a une espèce d’authenticité, une simplicité. Les gens sont plus sereins, moins stressés. Et il y a ce bonheur de tourner ensemble. Cela m’a fait un bien fou! Je me rends compte quand je reviens à la maison que je suis faite aussi de cette simplicité-là. Quelque chose de doux, de tendre… 

Le plateau sur le tournage de la nouvelle série de la RTS «En eau salée» avec Samir Lovric, Maud Wyler, Maël Cordier et Anne Richard.

Ambiance plateau sur le tournage de la nouvelle série de la RTS «En eau salée» avec, de g. à dr., Samir Lovric, Maud Wyler, Maël Cordier et Anne Richard.

Philippe Christin/RTS

- Vous dites souvent regretter qu’on ne vous propose que des rôles dramatiques…
- C’est vrai, j’aimerais qu’on pense à moi pour des histoires d’amour, de vie, des choses légères... Je suis toujours dans quelque chose d’exceptionnel, soit des sportives de très haut niveau, soit des rôles de juge, de policière, de colonel à l’armée. Ou des mères au cœur d’un drame, probablement parce que je suis faite pour ça. C’est vrai que je dégage une certaine autorité! (Rires.)

- Comment entretient-on l’envie de jouer, la petite flamme?
- C’est un des gros problèmes. Depuis l’arrêt de «Boulevard du palais», il y a presque dix ans, j’ai moins tourné. J’en suis un peu responsable, après 55 épisodes de la série, plus de 120 films, j’avais le sentiment que je savais faire, que j’étais une excellente technicienne, mais j’avais besoin de me renouveler, c’est la raison pour laquelle j’ai fait beaucoup de théâtre ces dernières années. Mais, aujourd’hui, j’ai envie de me surprendre à nouveau, de me mettre en danger. Tout à coup, je me suis aperçue que les plateaux de TV me manquaient, que j’avais envie de tourner. Il faut aussi avouer qu’on ne me proposait pas grand-chose qui m’attirait.

- Est-ce lié au fait de vieillir, toujours plus dur pour une actrice?
- Oui. Ce fameux tunnel des 50 ans qui existe vraiment pour les actrices. C’est comme si la femme de 50 ans n’avait plus d’existence pour les scénaristes. Elle ne peut plus devenir mère, sa carrière est faite. Très souvent, les histoires de divorce ou de remariage sont aussi derrière elle. Ils ne savent pas, au fond, ce qui se passe pour une femme entre 50 et 60 ans. A 60 ans et plus, on peut commencer à jouer un rôle de grand-mère…

- Revenons à l’enfance, quels souvenirs remontent à la surface dans cette vieille ville de Lausanne?
- Nous sommes en face de la salle de sport du gymnase de la Cité, où j’étais en section langues étrangères pendant trois ans. J’ai passé mon bac dans l’annexe du gymnase, au cœur de la vieille ville. J’en ai bu des cafés ici, à L’Evêché, j’en ai vécu des émotions! 

La comédienne vaudoise Anne Richard à Lausanne

Elle a passé son bac au gymnase de la Cité. Puis, très vite, l’attrait du théâtre l’emmènera à Paris. Elle deviendra célèbre en incarnant pendant 55 épisodes la juge Nadia Lintz dans «Boulevard du palais».

Sedrik Nemeth

- Des émotions scolaires, amoureuses?
- Les amoureuses, je ne m’en souviens pas (rires). J’ai des souvenirs de la piscine de Mon-Repos, car je nageais beaucoup, du fameux chocolat du Barbare, en haut des escaliers couverts, de la discothèque du Lapin Vert… J’ai même récité un texte dans la cathédrale quand j’ai reçu un prix de poésie.

- Vous êtes quelqu’un de mélancolique?
- Non, mais j’aime bien revenir sur les lieux, j’ai l’impression d’avoir eu plusieurs vies quand je le fais. Je me souviens quand il fallait cocher les sports que l’on voulait faire au gymnase, j’avais coché planche à voile, natation, aviron, je voulais tout faire!

- Vous faites toujours beaucoup de sport?
- Oui, un peu moins qu’avant tout de même. Je continue à nager, j’ai trouvé une piscine extérieure de 50 m ouverte toute l’année en banlieue. Et là je regarde le lac Léman avec envie en lui disant: «Réchauffe-toi, réchauffe-toi!» En été, je fais de l’aviron au club de Clarens, où habitent mes parents. J’ai un lien merveilleux avec eux. Ils ont 88 ans. Ils se soutiennent l’un l’autre, c’est beau à voir.

- Ils sont grands-parents mais seulement des enfants de votre frère, Jean-Marc. Vous avez dit un jour que votre métier d’actrice était incompatible avec le fait d’être mère. Vous regrettez parfois ce choix?
- Non, parce que je pense honnêtement que je n’étais pas faite pour ça. Maintenant je ne suis plus dans cet état d’esprit. Au contraire, on peut être actrice et maman, c’est même merveilleux de pouvoir vivre les deux. Et les actrices, aujourd’hui, ne se posent plus ce genre de question.

- La sportive que vous êtes assistera-t-elle aux prochains JO?
- Non, je vais me barrer, je vais fuir, mais je ne vais pas louer mon appartement! (Rires.) 

- Revenir vivre en Suisse, c’est envisageable?
- J’y songe parfois. Dans le train qui m’amenait en Suisse, je regardais la nature et je me disais: «Waouh, il y a des arbres en fleurs, c’est le printemps!» C’est vrai que la vie à Paris est stressante, beaucoup de tension, de travaux, d’embouteillages. Cette ville est sublime pour un touriste. Et j’adore jouer les guides pour mes amis suisses en visite, car je prends le temps de redécouvrir et d’aimer Paris. Mais tant que je travaille, c’est là où les choses se passent, notamment au théâtre.

- Votre prochaine pièce?
- «Rentrée 42, bienvenue les enfants», jouée l’an passé au Festival d’Avignon, que nous rejouons là-bas cette année, puis en septembre à Paris. J’incarne la directrice d’une petite école du XIe arrondissement de Paris. Au lieu des 230 élèves attendus, seuls 14 reviennent en classe parce que tous les autres ont été déportés. La pièce relate la prise de conscience de ce corps enseignant qui refusait de croire que c’était possible. Une pièce sur la guerre mais aussi sur l’école, l’enseignement, les rapports d’autorité.

- Un thème d’actualité. La montée des extrêmes, notamment en France, vous effraie?
- Tout est effrayant en ce moment. On est au bord d’une catastrophe. On développe une sorte de fatalisme par rapport au terrorisme en se disant: «J’espère que je ne serai pas dans le mauvais métro.» Mais cela ne me poursuit pas non plus. Je suis plus inquiète avec la menace de la guerre qui plane...

- Qu’est-ce qui vous angoisse le plus?
- Que ma famille soit malade.

- La comédie musicale «La mélodie du bonheur», dont vous avez assuré la direction d’acteurs, sera jouée prochainement en Suisse. Et vous, qu’est-ce qui fait votre bonheur?
- Passer du temps avec les gens que j’aime, c’est l’essentiel à mes yeux. 

- La presse people a relaté votre séparation avec le chroniqueur musical Fabien Lecœuvre, votre compagnon durant de nombreuses années. Toutes les histoires d’amour finissent mal, comme le chantent les Rita Mitsouko?
- Oh non. Mes histoires d’amour n’ont jamais fini mal. Tous les hommes avec qui j’ai vécu sont parmi mes meilleurs amis et j’en suis assez fière. C’est plus simple aussi quand il n’y a pas d’enfants. Je suis restée très liée avec Fabien, c’est presque plus serein que lorsque nous étions en couple. Il y a souvent quelque chose de très serein dans l’amitié avec des ex! 

- Votre séparation n’est pas liée aux propos désobligeants qu’il a tenus à propos du physique de la chanteuse Hoshi?
- Non, notre histoire était déjà terminée à ce moment. Bien sûr que cette affaire a suscité en moi beaucoup de sentiments divers. C’est un homme qui a une culture musicale incroyable, un vrai dictionnaire. Ses propos étaient choquants, j’en conviens, et je le lui ai dit, mais la réaction des réseaux a été d’une telle violence, tout aussi choquante.

La comédienne Anne Richard avec le chroniqueur musical Fabien Lecœuvre

Avec Fabien Lecœuvre, chroniqueur musical, qui a été son compagnon durant de nombreuses années.

Frédéric Souloy/Gamma-Rapho/Getty Images

- Concernant les affaires d’agressions sexuelles dénoncées par des actrices, vous avez dit qu’on avait dépassé la parole féministe pour aller vers quelque chose de plus universel…
- Oui, car on n’est plus dans le féminisme mais dans l’humain, les rapports hommes-femmes, femmes-femmes, cela prend une telle proportion! C’est vrai, comme le dit Judith Godrèche, que le milieu, les plateaux entiers se sont tus, ont laissé faire, personne ne disait jamais rien. C’est toute une industrie qu’on doit remettre en cause. 

- Vous n’avez jamais souffert de cela?
- Jamais. Je me demande aussi pourquoi. (Sourire.) Il y a tant de femmes qui en ont été victimes, qu’elles soient très féminines, sexys ou pas. Peut-être est-ce dû au fait que, très jeune, j’étais assez androgyne, je travaillais avec des metteurs en scène plutôt homosexuels qui m’engageaient pour cela, donc il n’y avait pas de rapports de séduction en jeu. Etrangement, dans le monde de la télévision – et j’ai beaucoup tourné pour la télévision –, je n’ai pas été confrontée à ce problème. 

- «L’éternité, c’est l’enfance retrouvée à volonté», écrivait Rimbaud. Comment nourrissez-vous votre petite fille intérieure?
- Elle se nourrit toute seule avec mon métier d’actrice. C’est aussi le sujet de mon roman de jeunesse que j’adapte en comédie musicale. Oser croire en ses rêves. C’est ce qui m’arrive en ce moment. J’ai des rêves et des désirs qui me poussent à faire des choses que je n’ai jamais faites. Du coup, j’ai l’impression d’avoir à nouveau 20 ans!

Par Patrick Baumann publié le 5 mai 2024 - 09:55