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Portrait

Antoine Lange, maître horloger: «J’ai la même passion qu’au premier jour»

Il est l’un des derniers réparateurs de morbiers du pays. A 92 ans, ce gardien du temps est remonté comme ses pendules, qu’il chouchoute depuis plus d’un demi-siècle.

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Antoine Lange, dans son atelier de Troistorents

Antoine Lange, 92 ans, dans son atelier de Troistorrents (VS).

Blaise Kormann

«Je suis tellement passionné par ces horloges que je serais capable d’acheter des spécimens hors d’usage juste pour le plaisir de les réparer.» En livrant sa «déclaration d’amour», Antoine Lange a le regard qui s’illumine. Soixante ans après son «coup de foudre» pour ces garde-temps qui résonnaient dans toutes les maisons et tous les bâtiments publics jusqu’à la fin du XXe siècle, le nonagénaire valaisan n’a rien perdu de sa passion. «C’est la même qu’au premier jour», assure-t-il. Un jour lointain des années 1960, lorsque, avec sa femme et sa belle-famille, il possédait un magasin d’horlogerie à Troistorrents et à Morgins.

«En se rendant aux Portes du Soleil, les gens passaient devant dans nos vitrines. On vendait les morbiers comme des petits pains», se souvient celui que rien ne destinait à cette vocation. «Comme beaucoup au village, je travaillais la campagne avec mes parents et mes frères. Un boulot très rude, exigeant une solide constitution, que je n’avais pas. A 17 ans, j’étais cassé de partout. Après six mois d’hôpital, de lit et une jambe raccourcie, j’ai dû changer de métier.» Un mal pour un bien, estime celui qui n’hésite pas à dire que son handicap lui a porté bonheur. 

Toujours en avance d’une idée, Antoine, qui fêtera ses 92 printemps le... 31 décembre, s’initiera d’abord au travail du cuir. «J’ai inventé et breveté des modèles de bracelets de montres aux couleurs valaisannes.» Des objets à la fois originaux et résistants, dont raffolaient les ouvriers des barrages. «En quelques années, j’en ai vendu 6000, 5 francs pièce, que j’ai fabriqués un à un, à la main.» Mais les morbiers occupent de plus en plus ses jours et même ses nuits. 

Pour faire face au succès, il se forme à ces techniques, en autodidacte. «J’ai tout appris dans les livres.» On vient de toute la Suisse pour réparer les vénérables horloges. Ses interventions, Antoine Lange les a toutes soigneusement répertoriées dans un cahier. Au total, à ce jour, 939 morbiers ont retrouvé leur joie de vivre et de carillonner grâce à lui. «Et je travaille à 16 francs de l’heure, comme en 1970», s’enorgueillit notre maître horloger, souvent contraint de fabriquer lui-même la plupart des pièces usagées, aiguilles comprises, introuvables depuis belle lurette.

Le romancier français Alphonse Karr disait: «Il y a deux sortes de passions: les passions que nous avons et les passions qui nous ont. On triomphe quelquefois des premières...» 

 
Par Christian Rappaz publié le 14 août 2023 - 08:35