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Coupe du monde

Les battus magnifiques

Défaite au bout de la nuit en finale des Mondiaux de hockey, l’équipe de Suisse a tenu en haleine le pays entier. Parmi les héros, une volée de valeureux joueurs romands a vécu une folle aventure. Mais qui sont-ils?

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Si près du sacre 20 mai, 23 h 17. Dans la Royal Arena de Copenhague, les Suisses viennent de perdre une finale d’une tension extrême, par 3-2 aux tirs aux buts, face à la Suède. Salvatore di Nolfi

Scherwey, Hofmann, Rod, Haas, Riat: au bord du rink enfiévré de Copenhague, l’envoyé spécial de la RTS avait l’embarras du choix pour alpaguer un hockeyeur parlant la langue de Molière et de Zidane.

Quelque part en Suisse alémanique, l’ex-sélectionneur et aujourd’hui consultant Rolf Fringer devait ne rien y comprendre, lui qui déclara en mars à propos des footballeurs romands qu’ils aimaient surtout «boire des cafés» et «rechignaient à faire des sacrifices».

Or voici que dans l’un des sports les plus violents, le hockey sur glace, et face aux adversaires les plus rugueux, la Finlande, le Canada, la Suède, ce sont trois bons Welsches qui, entre deux verres de chasselas sans doute, inscrivirent les trois buts en demi-finale, laissant leur cœur sur la glace. Générant une joie extraordinaire dans tout le pays et contribuant à la qualification pour une finale dramatique, perdue à l’ultime instant.

Peut-être cette confiance accordée aux Romands est-elle due au fait que le coach, Patrick Fischer, nourrit une fascination pour les peuples indigènes… Blague à part, il n’y eut rien de pourri au royaume du Danemark pour les joueurs déjà cités et même pour Frick, Vermin ou Genazzi, qui jouent dans des clubs romands. Une nouveauté alors qu’il y a cinq ans un seul Welsche avait participé au gain de la même médaille d’argent, le défenseur jurassien Julien Vauclair, si brillant qu’il fut élu dans l’All-Star Team.

Prenons le plus emblématique. Tristan Scherwey, parfois honni sur les patinoires et aujourd’hui sanctifié à la hauteur des checks d’adulte qu’il distribue sans compter. Ayant grandi à Courtepin, longtemps habitant de Fribourg, il est passé de Gottéron à Berne en 2007, encore junior. Mais aucune ambiguïté malgré sa fidélité aux Ours et son contrat jusqu’en 2020, c’est un pur Dzodzet. «Je remarque juste que, quand je vais manger, je connais plus d’endroits à Berne qu’à Fribourg. Mais j’adore Fribourg, où ma famille vit encore, et je suis fier de dire que je suis Fribourgeois!»

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Le retourLe lundi 21 mai, l’équipe emmenée par l’entraîneur Patrick Fischer arrive à Zurich, où une foule encore sous le choc va les acclamer. Melanie Duchene

Une histoire: en 2013, celui qui se définit dans La Liberté comme «un petit voyou toujours à la limite, pas fort pour faire de bonnes notes à l’école, mais très bon dans les lancers de gomme ou pour dessiner à l’encre sur le pantalon du prof», se permet une injure à Gottéron après un match, au milieu des fans chantants. On l’insulte sur Facebook, on casse sa boîte aux lettres. L’affaire se conclut pour lui quand cet attaquant, adorable en dehors d’une patinoire, s’en va entraîner des jeunes de Gottéron un samedi matin. Sur la glace, c’est un fabuleux joueur d’équipe, dur au mal, toujours positif. «Les Suédois, il faut qu’ils nous sentent!» clame-t-il après avoir battu les Canadiens. Les Scandinaves sont aujourd’hui au parfum. 

A côté de cette figure de fer et de feu, Gregory Hofmann est une flèche. C’est une fusée que les passages en salle de force ont transformée. Né à Bienne, il a vécu à Tavannes et à Tramelan, a joué avec les juniors de La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel, puis, jeune, a décidé d’aller vivre au Tessin, où son père est installé. Celui-ci, Dominique Hofmann, est un ex-hockeyeur et un ex-arbitre. Gregory en a gardé un style de jeu d’une grande correction. A 17 ans, il signe son premier contrat pro, à Ambri. Deux ans plus tard, il rejoint Davos et son mage, Arno Del Curto. «Il donne sa chance aux jeunes. Il m’a poussé à aller dans le slot et à prendre des coups pour marquer.» Cette année, avec 36 buts en 63 matches, «Gregu » vole. S’il parle les trois langues, il apprendrait volontiers l’anglais. Drafté en 2011 par les Carolina Hurricanes, il a participé à leur camp l’automne dernier. Un coup de fil transatlantique et il y bondirait.

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Rod entouréQuelques minutes après la finale, à Copenhague, Noah Rod et son frère Julien (à g.), mini à Gottéron, ainsi que son père Jean-Luc, ex-joueur, avec sa femme Catherine. La famille a embarqué le matin même pour assister au match.

 

Confiance aux jeunes

Noah Rod aussi. Junior à Gottéron, Morges et Lausanne, c’est le redoutable McSorley qui l’a formé à Genève-Servette, voyant en lui «le prototype de l’attaquant puissant, avec un QI élevé en matière de hockey». Cette année, après une saison compliquée en club, il a dû se battre pour décrocher sa place en équipe nationale. Rapide, physique, polyvalent, il a été héroïque en étant souvent opposé à la meilleure ligne d’attaque adverse. «C’est le mérite de l’entraîneur Fischer d’avoir fait confiance à ces jeunes inexpérimentés qui se connaissent: Fiala, Fora, Meier, Riat, mon fils. Dans l’équipe, personne ne les a pris de haut: Josi et les autres ont été super», dit son père, l’ex-joueur Jean-Luc Rod. Il a mis son fils sur des patins quand ce dernier avait 4 ans, à Gottéron.

Gaëtan Haas, lui, s’est tellement engagé qu’il a mis un gros check à… son coach lors d’un entraînement. Celui-ci lui a pardonné, le considérant comme un homme clé sur lequel il bâtit son équipe. Patineur aérien, centre créatif aux mains d’orfèvre, c’est un Biennois francophone, papa menuisier et maman infirmière. «Gates» a joué à Bienne pendant huit saisons puis s’est s’intégré à Berne dès l’an dernier, sans un pli. A Copenhague, à chaque interview, il a répété qu’il savait que «l’équipe avait le talent pour mettre les pucks au fond». On parle de lui à Montréal.

Quant au cadet de l’équipe, Riat, né en 1997, l’avenir est riant pour lui. Attaquant du Genève-Servette, futur Biennois, il a dû laisser sa place à Trevor Meier, venu de San José. Mais il a osé bourlinguer. Adolescent, il a joué deux saisons dans le Saskatchewan, puis en Suède. Les Washington Capitals l’observent à la loupe.

Les Romands sont de retour: ils glissent, ils dribblent, ils se battent. Ils sont vice-champions du monde. 

Par Marc David publié le 22 mai 2018 - 14:12, modifié 18 janvier 2021 - 20:59