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Bernie Constantin raconte son Nouvel An chez des Hells Angels

Le rocker valaisan Bernie Constantin n’a jamais oublié son premier Nouvel An aux Etats-Unis, en 1975, chez des Hells Angels. Au menu: du whisky, de la cocaïne, des serpents géants et deux morts.

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Bernie Constantin

 En 1975, Bernie Constantin passe son premier Nouvel An américain chez des Hells Angels. 

Nicolas Righetti / lundi 13
Didier Dana

«Lors de mon périple de deux ans aux Etats-Unis, j’ai pas mal bourlingué. En 1975, à Los Angeles, un colosse à cheveux longs m’apostrophe à un arrêt de bus. Il m’a repéré, car je n’ai visiblement pas la dégaine d’un Américain. Je lui dis que je viens de Suisse. «Oh! Switzerland. Mais c’est où?» me demande-t-il. Lors des présentations, on s’aperçoit qu’on se prénomme tous les deux Bernie et ça crée des liens. Je lui explique que je suis «une sorte de rocker». Bien vu, mon homonyme adore le rock. Ni une ni deux, il m’invite à passer le Nouvel An chez ses copains. Pendant le trajet, il me raconte qu’il a combattu au Vietnam. «Une putain de guerre», marmonne-t-il en me montrant ses cicatrices de balles sur la jambe. A la tombée de la nuit, il viendra me chercher dans son «pick-up truck» rouge pour m’amener à la «New Year’s Eve party». J’y vais seul, car Chantal, ma compagne, travaille cette nuit-là.

Une fois sur place, ça ressemble à un repaire de Hells Angels. Trois mecs et deux gonzesses bardés de cuir avec des bagues tête de mort m’accueillent. Ils sont très sympas et s’amusent de la présence de deux Bernie dans la maison. Moi, je n’ai pas trop envie de rire, car dans une vitrine j’aperçois deux gigantesques serpents vivants. Une souris affolée court dans tous les sens, quand soudain l’un des reptiles l’avale direct. «C’est un cobra venimeux de 4 mètres. Un serpent à lunettes», me précise l’un des hôtes. Je n’imagine pas vivre avec ça chez moi. Eux, oui. D’ailleurs, sans attendre, ils ouvrent le vivarium et en sortent le plus gros des deux spécimens. 

Le monstre fait 6 mètres de long. «Tu ne risques rien, il n’est pas venimeux», précisent-ils en me le posant sur les épaules. La bête doit faire 90 kilos et je m’imagine mourir étouffé entre ses anneaux. L’une des filles s’approche pour faire une photo. Je ne fais pas le malin, surtout quand l’un d’eux précise: «Sans flash, car il réagit mal à la lumière violente!» Sachant que la bestiole peut étouffer une vache ou un zébu, je ne bronche pas.

Une fois passé ce moment d’intense émotion, ils ouvrent une bouteille de Jack Daniel’s. L’autre Bernie sort des photos de lui en Harley. J’avais vu juste, ce sont bel et bien des Hells Angels, le sigle est omniprésent sur les images. A un moment, pris d’un besoin naturel, je lui demande où sont les toilettes. Il m’avertit: «C’est une pièce spéciale.» La raison est macabre. Il y a deux impacts de balles sur le mur et des traces de sang. «Il y a deux jours, deux potes, un gars et une fille, se sont suicidés ensemble avec deux flingues dans la baignoire. On n’a pas réussi à effacer les traces.» L’une des filles en rajoute en me donnant des détails. Moi, je joue au dur en haussant les épaules. Ils sont bien barrés, ils sniffent de la coke, boivent du whisky et écoutent du hard rock à fond. Sur la platine passe en boucle le premier album de Steppenwolf, dont j’adore le chanteur, John Kay, et le titre «Born to be Wild» (1968), devenu l’hymne des motards et des Hells, que l’on pouvait entendre dans la B. O. du film «Easy Rider» (1969). «Happy New Year!» Après ça, je ne suis pas près d’oublier mon tout premier Nouvel An américain: 1976 m’ouvre les bras et je vais avoir 29 ans.» 


Mon dernier… livre

 

Bernie Constantin
Editions Slatkine

Le gamin d’Ayent (VS), alias l’iguane des Alpes, auteur du tube «Switzerland Reggae» (1982), a connu les plus grands, de Brian Jones à Bashung. A 75 ans, après une vie de dingue, une folle carrière et un AVC, il signe «Ma vie en rock au pays du rhododendron» (Ed. Slatkine, 300 p.) avec Didier Tischler. Un must.

Par Didier Dana publié le 29 octobre 2022 - 09:35