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Bilan de santé: passer par la case check-up, vraiment indispensable?

Qu’entend-on vraiment par bilan de santé ou check-up? Est-il recommandé de pousser la porte de son médecin régulièrement quand tout va bien? Comment s’y retrouver en matière de dépistages? Quels sont les piliers de la prévention? Décryptage. 

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Bilan de santé

Faut-il faire régulièrement des check-up, même quand tout va bien?

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Quels que soient la motivation ou le moment de vie traversé, l’idée de prendre rendez-vous chez son médecin pour un bilan de santé – ou check-up – peut être tentante. On imagine alors une consultation faisant un point général, une analyse de sang approfondie, un ou deux examens complémentaires éventuellement. Avec l’espoir de se sentir rassuré si tout va bien. Sauf que, dans les faits, les choses ne sont pas si simples.

Se mêlent à l’équation: la question des frais de santé engendrés par une telle démarche, l’idée de résultats faussement rassurants s’ils ne ciblent par exemple pas les bonnes anomalies en présence et surtout la remise en cause de l’efficacité même de ces bilans de santé qui, par définition, concernent des personnes ne présentant pas de symptômes. «En effet, il n’y a à ce jour pas d’évidence scientifique qu’un check-up régulier apporte des bénéfices dans ce contexte-là», révèle le Pr Idris Guessous, médecin-chef du service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), co-auteur d’une récente publication parue dans le «Swiss Medical Forum» sur les recommandations suisses concernant le bilan de santé au cabinet médical.

Dans le cadre de la campagne Smarter Medicine 2021, la Société suisse de médecine interne générale (SSMIG) recommande d’ailleurs elle-même d’y renoncer en tant que tel, mais de maintenir les interventions préventives élaborées selon le profil de chacun et dont l’efficacité est démontrée. Place ainsi à la prévention et au dépistage. Explications.

1. Non, un check-up «à l’aveugle» n’est pas la solution, mais…

Les experts sont unanimes: se lancer dans une batterie d’examens tous azimuts en l’absence de symptômes n’est ni recommandé ni utile et peut même s’avérer contre-productif. «Les situations sont bien sûr à considérer au cas par cas, mais il est crucial de s’interroger sur le sens de la démarche et de la médecine elle-même lorsqu’une personne vient en consultation et demande par exemple un bilan sanguin sans faire mention de problème particulier», souligne le Pr Guessous. Mais admettons que les bilans soient prescrits.

«Ils exposent le patient (et le soignant) à plusieurs périls, poursuit l’expert. Il y a le fait que les résultats obtenus soient faussement rassurants – laissant par exemple entendre à un fumeur que ses poumons vont très bien et qu’il peut continuer à fumer –, mais également celui que les analyses entreprises soient sans rapport avec les difficultés physiques ou psychiques du patient.» Une personne peut alors repartir rassurée d’un bilan sanguin – pas de diabète à l’horizon, par exemple – mais rester avec le profond mal-être qu’elle n’a pas su ou voulu exprimer.

>> Lire aussi: Bilan de santé: zoom sur les dépistages controversés

«Si les symptômes ne sont pas clairement énoncés, tout l’enjeu pour le soignant est de prendre l’histoire du patient et de cheminer avec lui vers ce qui se cache vraiment derrière une demande de check-up», estime le Pr Guessous. C’est alors que la consultation peut s’ouvrir sur les leviers que sont le dépistage et la prévention.

2… penser dépistage, oui

Ce que l’on entend par dépistage? «Au sens strict, il s’agit des démarches conseillées à une population donnée pour rechercher une maladie spécifique en l’absence de symptômes», détaille le Pr Guessous. A titre d’exemple, le dépistage du cancer de l’utérus pour toutes les femmes à partir de 21 ans. Complexes et en constante évolution selon les données scientifiques, ces recommandations sont établies sur la base de critères précis tenant compte de l’efficacité des dépistages sur des profils prédéterminés.

Parmi les supports clés actuellement en vigueur au sein des cabinets médicaux suisses: le programme national de prévention et de promotion de la santé, EviPrev, fruit d’une collaboration des centres académiques de Lausanne, Berne, Genève, Bâle et Zurich. Traduction en consultation: «Des bilans spécifiques sont à envisager en tenant compte de l’âge, du genre, de l’état de santé ou encore des antécédents familiaux de chaque personne», poursuit le spécialiste.

3. Les incontournables

Ainsi, certains dépistages sont incontournables, même s’ils recèlent leur dose de complexité. La recherche d’hypertension artérielle en est un parfait exemple. Sur le papier, les choses sont claires: mesure une fois tous les trois ans à partir de 21 ans en l’absence de facteurs de risque (comprendre: surpoids, hypercholestérolémie, diabète, etc.) et une fois par an à partir de 40 ans.

Dans les faits, les subtilités sont nombreuses. «On estime que près d’une prise de tension artérielle sur deux au cabinet médical est discutable, révèle le Pr Guessous. En cause dans 25% des cas, une hypertension artérielle momentanée, simplement causée par le stress lié au rendez-vous médical lui-même (effet «blouse blanche») et, dans une proportion similaire, une hypertension artérielle momentanément masquée, autrement dit des valeurs de tension artérielle baissant lors de la consultation artérielle. Ce phénomène s’observe notamment chez certains fumeurs.»

La solution? «La prise en compte de la personne dans son environnement et pas uniquement lorsqu’elle est chez le médecin, indique l’expert. Il peut donc être utile d’avoir recours à un enregistrement sur 24 heures ou à des automesures régulières, selon des modalités bien précises à discuter avec son médecin.»

4. Les controversés

D’autres dépistages sont sujets à controverse, notamment en raison de leur efficacité relative ou des risques de surdiagnostic auxquels ils exposent. Ils impliquent alors une décision dite partagée. «Tout l’enjeu, côté soignant, est de pouvoir informer le patient de l’état actuel des connaissances pour des dépistages qui nécessitent une réflexion sur leurs avantages et leurs inconvénients.»

On parle notamment des dépistages du cancer du sein, du poumon et de la prostate, exposant pour le premier à des risques de surdiagnostic, à un risque d’irradiations minimes mais potentiellement répétées lors des examens pour le deuxième et, pour le dépistage du cancer de la prostate, à des interventions aux effets secondaires parfois lourds au regard des bénéfices obtenus.


5. Le levier prévention

En parallèle des échanges et démarches autour du dépistage, chacun a un rôle clé à jouer. «Ce qu’une personne peut faire pour sa propre santé est considérable, insiste le Pr Guessous. En effet, notre état de santé ne dépend que pour une faible part des soins que nous recevons, la plus grande proportion dépendant de nos spécificités individuelles, de nos antécédents familiaux et de notre mode de vie.

Si nous ne pouvons bien sûr pas agir sur nos prédispositions génétiques ou sur notre âge, les choix que nous faisons au quotidien pour notre santé sont cruciaux.» Un rendez-vous chez le médecin peut aussi être l’occasion d’un état des lieux sur l’activité physique, l’alimentation, la consommation de tabac, d’alcool, voire de substances illicites, ou encore le niveau de stress, et la sédentarité, qui constitue à elle seule un réel facteur de risque cardiovasculaire si elle est excessive.


Quels dépistages à quel âge?

Si les démarches de dépistage nécessitent de tenir compte de l’état de santé et des antécédents familiaux de chacun, certains âges constituent des repères clés. Le suivi se discute ensuite au cas par cas selon les résultats des examens et le profil de chaque personne. Tour d’horizon de quelques-unes des pathologies ciblées.

Dès 18 ans:

Obésité (calcul de l’indice de masse corporelle à partir du poids et de la taille); hypertension artérielle (mesure au cabinet médical + sur 24 heures ou par auto-mesures régulières si besoin); HIV (prise de sang); dépression (entretien au cabinet médical + questionnaire si besoin).

Dès 21 ans:

Cancer du col de l’utérus (examen cytologique par frottis + test HPV si besoin).

40 ans:

Diabète (calcul de la glycémie, soit le taux de sucre dans le sang, à jeun); dyslipidémie (taux de cholestérol et de triglycérides dans le sang).

50 ans:

Cancer colorectal (coloscopie ou test immuno-logique de recherche de sang dans les selles).

65 ans:

Anévrisme de l’aorte abdominale (ultrason abdominal – destiné aux hommes, fumeurs et ex-fumeurs).


Campagnes de dépistage contre le cancer: qui décide?

La mise en place d’une campagne organisée de dépistage relève, avant tout, d’une décision politique. Le déploiement d’un programme s’appuie sur la base des recommandations européennes et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui définissent certains critères d’application. «Mais il est tout à fait admis qu’il y ait des adaptations selon le contexte sanitaire ou économique du pays, précise le Dr Cyril Ducros, médecin responsable du secteur des programmes vaudois de dépistage du cancer, Unisanté. Pour les tests de recherche de sang dans les selles utilisés pour le dépistage du cancer colorectal par exemple, le seuil d’alerte peut varier selon les pays, en fonction de leurs capacités matérielles et financières à mener par la suite les coloscopies de contrôle.»

En Suisse, c’est l’assurance maladie qui, au niveau national, peut donner accès au remboursement de certains types de dépistage. Sur cette base, les cantons déploient ou non des programmes organisés. «Il n’y a en effet pas d’obligation au niveau fédéral, ajoute Cyril Ducros. Ce qui explique une certaine disparité entre les cantons, plus ou moins impliqués dans cette politique de santé publique.» 

En Suisse romande, deux programmes de dépistages organisés sont pour l’instant en place: contre le cancer du sein (ouvert aux femmes à partir de 50 ans) et contre le cancer colorectal (ouvert aux personnes âgées de 50 à 69 ans). Reste que la question d’une campagne de dépistage se pose pour plusieurs autres pathologies. Parmi elles: le cancer du col de l’utérus. Concernant chaque année entre 300 et 400 femmes en Suisse, il ne fait pas pour l’instant l’objet d’un programme organisé. «On devrait au minimum s’intéresser à la problématique de l’accès financier aux tests de dépistage, considère Cyril Ducros. Pour certaines femmes avec de faibles niveaux de revenus, dont le niveau de franchise est souvent élevé, le coût du test est un frein qui peut avoir de lourdes conséquences.» 

A noter que la vaccination contre les virus du papillome humain (HPV) ne remplace pas le frottis de dépistage périodique du cancer du col de l’utérus réalisé chez le gynécologue.

Par Laetitia Grimaldi publié le 18 mars 2022 - 08:48