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Quand le boulot se poursuit à la maison…

Vérifier les courriels pendant les vacances, rédiger à domicile le rapport attendu: emploi et temps libre s’enchevêtrent. Qu’est-ce qui est permis et où sont les limites?

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7892 milliards: C’est le nombre d’heures travaillées en Suisse en 2016, en augmentation de 1,4% par rapport à 2015. Shutterstock

L’univers du travail est devenu perméable, les délimitations espace/temps se sont assouplies. Ça comporte bien sûr des avantages. Mais lorsque les limites s’estompent trop, le danger est de ne plus pouvoir récupérer. «Il importe de ne pas rester sans cesse en phase de stress», insiste Michael Gschwind, psychologue du travail à Bâle. Car un stress permanent s’accumule. «Si des aléas privés s’y ajoutent, les ressources propres ne suffisent plus. Et si l’on ne se remet pas, des problèmes de sommeil ou des accès d’agressivité peuvent surgir. Nous sommes des êtres biologiques et avons besoin d’une alternance constante entre mise à contribution et détente, chaque jour, chaque semaine, chaque année.»

Dois-je être toujours atteignable?
Nous sommes nombreux à contrôler sans cesse nos courriels professionnels. Y compris quand ça ne prend qu’un instant, nos pensées sont de nouveau au travail. «Il faut sérieusement se demander: pourquoi suis-je toujours atteignable? suggère Michael Gschwind. Est-ce que le patron le requiert? Ou est-ce que je m’imagine devoir être atteignable par zèle excessif ou perfectionnisme?» Si son activité ne l’exige pas, le collaborateur doit cesser de consulter ses courriels. Mais si l’on doit bel et bien être atteignable, il faut se ménager des plages de détente et se protéger, par exemple en ayant deux téléphones, l’un privé et l’autre professionnel.

Que signifie être de piquet?
Lorsqu’on est de piquet, il faut se tenir prêt à d’éventuelles missions professionnelles. Cette disponibilité fait qu’en pensée on est toujours au boulot et qu’on ne jouit pas d’une phase de détente. La loi sur le travail en tient compte: les services de piquet ne sont autorisés que pour un temps limité et doivent être payés. En principe, un salarié ne peut être de piquet que sept jours sur quatre semaines. Et tout piquet est interdit les deux semaines suivantes. Suivant la structure, la taille et le genre de l’entreprise, il y a cependant des règles particulières.

Dans tous les cas, l’employeur doit informer au moins deux semaines à l’avance le salarié de son programme de travail et de piquet et lui concéder un certain droit de regard. S’il y a changement de dernière minute, l’entreprise doit chercher une autre solution avant de mobiliser des employés avec charge de famille. Ceux-ci ont le droit de refuser des services de piquet inopinés. Lorsqu’il faut s’attendre dans une entreprise à un éventuel travail, le temps d’attente doit être rémunéré. Si le salarié peut se tenir à disposition ailleurs, l’employeur doit certes aussi payer le temps d’attente, mais l’indemnisation est plus réduite. S’il y a intervention de travail, l’aller et le retour comptent comme temps de travail.

Comment fonctionne le travail à domicile?
Travailler de temps à autre depuis chez soi est pour la plupart un privilège. On évite ainsi le gênant brouhaha des bureaux et les interruptions dues aux collègues, de même que les déplacements pendulaires.

Mais la solution du travail à domicile ne fonctionne que si l’employeur peut avoir la certitude que le travail se fait effectivement. Et les moments de pause et de repos doivent être respectés. C’est justement ce qui peut se révéler délicat: selon la loi sur le travail, le travail quotidien doit se dérouler sur un laps de temps de quatorze heures, pauses et heures supplémentaires comprises. Exemple: si on lit le premier courriel professionnel à 7 heures du matin, plus question de faire quoi que ce soit pour le travail après 21 heures.

Le conseiller national PLR Thierry Burkart trouve cette réglementation du travail à domicile trop rigide. Aussi demande-t-il dans une initiative parlementaire que le temps de travail quotidien puisse être réparti sur un laps de temps pouvant aller jusqu’à dix-sept heures. Et que le temps de repos légal puisse être interrompu par de brèves phases de travail. Il pense améliorer ainsi l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Une éventuelle adaptation de la loi dans le sens de l’intervention de Thierry Burkart risque cependant d’empêcher les personnes concernées de déconnecter complètement le soir. Or c’est ce que le psychologue du travail Michael Gschwind trouve important: il recommande de terminer la journée par une activité différente, décontractante. Et de ne pas emporter son ordinateur au lit.

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1920: c’est l’année de l’introduction en Suisse de la semaine de 48 heures pour tous les travailleurs sous contrat. L’actuelle loi sur le travail stipule une durée maximale de travail de 45 à 50 heures.

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Dois-je travailler alors que je suis malade?
Il y a parfois des chefs qui ne vous laissent pas être malade. Ils téléphonent parce qu’une tâche ne peut attendre ou exigent qu’on prenne part à une conférence téléphonique. Souvent, ce sont les malades eux-mêmes qui se mettent sous pression. Ils ont mauvaise conscience, craignent pour leur bonus ou carrément pour leur emploi. Le résultat est le même: un salarié malade qui continue de travailler risque d’être encore plus malade et finit alors par être encore plus durablement absent. En plus, il pourrait être contagieux.

Selon la loi, celui qui est annoncé malade ne doit pas travailler. La participation à une conférence téléphonique étant aussi du travail, elle ne peut être exigée. Il faut donc répondre: «Je ne peux pas, je suis malade.» Et se borner à se référer au certificat médical. Si le chef se montre peu compréhensif, un certificat de maladie détaillé est souvent utile: il ne dit rien de votre maladie mais établit ce que le malade peut faire et ce qu’il ne peut pas faire. Il est aussi loisible de proposer au chef d’aller chez un médecin de confiance aux frais de l’entreprise. Une telle proposition suffit souvent à restaurer la sérénité.

Combien d’heures sup sont admissibles?
Les salariés ont l’obligation de travailler au-delà de l’horaire de travail convenu dans la mesure où c’est nécessaire et raisonnable. Sont jugées déraisonnables les heures supplémentaires qui affectent la santé du collaborateur ou l’empêchent d’accomplir ses tâches familiales. Selon l’expert Michael Gschwind, ceux qui font régulièrement des heures sup doivent se demander: «Quel est mon horaire de travail effectif et combien est-ce que je travaille effectivement? Est-ce que mon chef me demande vraiment ce travail accru ou suis-je seul à me l’imaginer?»

Si l’horaire de travail maximal légal est dépassé, on parle de travail supplémentaire. Heures supplémentaires et travail supplémentaire ne sont légalement pas la même chose. Suivant la profession, le travail hebdomadaire maximal est de 45 ou 50 heures. Il ne peut être dépassé que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple pour parer à des pannes dans la production, en raison d’un inventaire ou d’un travail vraiment urgent. Si les horaires de travail maximaux sont régulièrement dépassés, les salariés peuvent s’adresser à l’Office cantonal du travail.

Employeurs et employés peuvent se mettre d’accord sur la façon de compenser les heures supplémentaires ou sur leur indemnisation. Pour le travail supplémentaire, en revanche, la loi sur le travail prévoit une réglementation contraignante en matière de compensation et d’indemnisation.

* Traduit de l'allemand


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Par Gitta Limacher et Hanneke Spinatsch (Beobachter*) publié le 30 août 2018 - 08:47, modifié 18 janvier 2021 - 21:13