En 2017, le business des abris antiatomiques n’aura jamais été aussi florissant. Avec la guerre des ego que se livrent les présidents américain et nord-coréen sur fond de missiles nucléaires, les ouragans dévastateurs, les cyberattaques menaçant les Etats, la peur est massivement dans l’air. Et incite des privés à investir dans l’habitat postapocalyptique. Voyez le Survival Condo acquis par un ancien dirigeant d’une société informatique dont le principal client était le Pentagone. Larry Hall a transformé un ancien silo de missiles Atlas de l’US Army des années 60 d’une profondeur de 53 mètres, situé en plein Kansas, en un complexe de luxe de 12 appartements de 170 mètres carrés divisibles en deux et pouvant héberger jusqu’à 75 personnes. Comptez 1,5 million de dollars au minimum et 5000 dollars de charges mensuelles.
Survivre en s’amusant dans son bunker
Rien à voir avec le bunker classique d’un ennui à mourir plus vite d’inaction que de radiation. Chez Larry, il faut que la survie soit la plus fun possible. «Survivre, c’est bien. S’amuser, c’est encore mieux», clame l’Américain. Salle de cinéma, fitness, piscine à cascades, rien n’est oublié pour rendre la survie sous terre supportable. Une survie conditionnée avant tout par deux impératifs: beaucoup de lumière (son absence est source de dépression) et une simulation de la vie à l’extérieur la plus réelle possible. Ainsi, Larry a équipé les murs de son silo customisé de fenêtres-écrans, animées par des webcams capturant le paysage alentour. Le motif restant au choix. Une New-Yorkaise a déjà prévu la vue sur Central Park en toutes saisons avec le bruit de la circulation ambiante. Qu’on se le dise, les propriétaires pourront même emmener leur animal de compagnie, un parc à chiens est prévu à cet effet. Mais attention, pas plus de deux quadrupèdes d’un poids maximum de 35 kg. «Si un client en a plus, il devra tirer à la courte-paille», avertit le patron de ce cinq-étoiles de la survie.
Cinq ans d’autonomie après une explosion nucléaire
Il suffirait qu’un missile nucléaire nord-coréen Hwasong-14 soit tiré pour que Larry Hall, qui a gardé des contacts au sein du Pentagone, soit averti par SMS et sonne le branle-bas de repli. Doté d’une autonomie de cinq ans et d’une réserve d’eau potable de 300 000 litres, son abri antiatomique peut même avoir une autonomie plus longue, assure-t-il, grâce à l’installation de bassins pour élever des tilapias, les poissons les plus consommés du monde. Grâce à un système de lampes, la culture de légumes offrira son complément de vitamines. Fondue de tilapia, gratin de tilapia, soupe de tilapia, toutes les variations culinaires seront les bienvenues...
A relever que le complexe bénéficiera encore d’une équipe militaire pour assurer le respect des procédures et d’un personnel embarqué, ou plutôt enterré, dont le nombre reste confidentiel. Larry Hall n’aime pas non plus s’étendre sur le local qui pourrait servir de prison si le besoin s’en fait sentir. «Nous vivrons en microsociété et toutes les précautions ont été prises», se borne-t-il à préciser.
A chaque nouvel essai nord-coréen, le téléphone sonne, paraît-il, chez lui sans discontinuer. L’homme d’affaires avisé, qui a acheté ce complexe pour 300 000 dollars à l’armée en 2008, n’a pas fini de rentabiliser son affaire. Eriger ce silo de luxe pour les nouveaux angoissés, à cet endroit précis du Kansas, lui a fait bénéficier d’un investissement de 120 millions de dollars déjà payés par l’armée. Le lieu avait été sélectionné avec soin pour des raisons stratégiques: élevé par rapport au niveau de la mer, éloigné de la population, dans une zone protégée des secousses sismiques.
Et qu'en est-il des bunkers de luxe en Suisse?
Un tel complexe pourrait-il voir le jour en Suisse? Chaque année, le DDPS met en vente publique une vingtaine de bâtiments militaires sur le site www.homegate.ch. Mais il faut savoir que les objets ayant une valeur historique sont réservés aux associations ou fondations qui se doivent de les entretenir et de les ouvrir au public. De plus, 90% des ouvrages militaires proposés sont situés en dehors des zones à bâtir. Difficile dès lors d’obtenir des permis d’aménagement.
Un problème que ne connaissent évidemment pas les Américains. Larry Hall est prêt à ouvrir son bunker à tous les étrangers qui en ont les moyens. Il y a déjà un Européen et un Australien propriétaires au Survival Condo et l’homme prévoit la construction d’un deuxième complexe en 2018. Il compte beaucoup sur le leader nord-coréen Kim Jong-un pour remplir les 40% de places encore disponibles.