Bonjour,
Elue en 2019, la conseillère aux Etats neuchâteloise verte Céline Vara vient d’avoir sa deuxième fille. Dans cette chambre âgée et masculine, elle a quelquefois constaté l’incompréhension qu’a créée son statut de jeune maman politicienne. «Etre une pionnière, c’est parfois dur», glisse-t-elle.
Céline Vara a quelquefois constaté l’incompréhension qu’a créée son statut de jeune maman politicienne.
Anoush Abrar«Quelle année intense! En préambule, il faut dire une chose fondamentale. Ce que je fais ressemble à ce que vit un sportif de haut niveau. Il a un coach, un masseur, un cuisinier et moi non plus je ne peux rien faire seule, je ne suis rien sans mes électrices et électeurs, sans les gens sur le terrain qui me disent de tenir bon. Je vois et j’aime les gens, par exemple chaque samedi matin au marché, j’en ai besoin.
Oui, cette année a été dure. Sur la question climatique notamment, on pratique une politique parlementaire qui n’est clairement pas à la hauteur. Cela dit, elle a commencé pour moi par mon congé maternité, avec la naissance de ma deuxième fille, en décembre 2020. J’ai vécu partiellement la première session parlementaire de mars, mon bébé sous le bras, en sortant pour allaiter. Aucune structure adéquate n’existe pour une maman conseillère, rien n’est prévu. Pas de crèche, pas de suppléance, pas de votes à distance: on l’a refusé aux femmes en congé maternité. Heureusement, j’ai un compagnon solide, qui a pris congé quand il le fallait. Sans lui, ce ne serait pas possible, ce serait un trop gros sacrifice.
Je pensais pourtant que faire un deuxième enfant à 36 ans était dans l’ordre des choses. Mais non, j’ai été surprise de la petite révolution que cela crée encore au Conseil des Etats, à la moyenne d’âge de 56 ans et composé à 71% d’hommes.
La naissance de ma fille, ajoutée aux accouchements de mes collègues Johanna Gapany en janvier et Lisa Mazzone en juin, a sans doute un peu bousculé les codes et les habitudes de cette assemblée. Un collègue m’a même dit: «Ah, tu vas arrêter alors?» Ces quelques réactions de surprise et de gêne, heureusement minoritaires, m’ont rappelé que certains pensent encore en 2021 que les femmes qui font carrière en politique n’ont pas d’enfants. Le Conseil fédéral en sa composition actuelle en est la meilleure preuve.
Dans ce contexte, un témoignage m’a bouleversée. Lors de la commémoration des 50 ans du droit de vote des femmes, une ex-conseillère saint-galloise est venue dire au parlement, à quelques mètres de moi, comment elle avait dû démissionner, alors qu’elle était réélue, parce que son mari ne trouvait plus de travail. On ne voulait pas du «mari de»! Toutes proportions gardées, je peux comprendre ce qu’elle vit. Etre une pionnière a quelque chose de douloureux, c’est dur d’enfoncer des portes. Je me dis que, si je suis à contre-courant aujourd’hui, je suis en train de préparer le terrain pour d’autres femmes plus tard. Parfois j’aimerais que ce soit un peu plus facile. Heureusement, il y a de l’espoir: Irène Kälin, qui a 34 ans et un petit garçon, vient d’être élue présidente du Conseil national. Le nouveau monde arrive enfin.
Quand je suis revenue en mai, ce fut pour vivre cette campagne affreuse contre les pesticides, un de mes combats politiques. Je fais attention en l’évoquant, cela me touche encore. J’ai reçu des menaces de mort, mes filles aussi. En vingt ans de politique, je n’ai jamais connu cela. Pendant quelques jours, j’ai été dans un état de sidération. Je crois en la démocratie, mais comment défendre ainsi les valeurs pour lesquelles j’ai été élue? Fedpol a dû intervenir, les condamnations commencent à tomber, je ne veux plus en parler.
Il a fallu affronter la déception de l’échec. Me dire qu’une partie des paysans avait choisi de faire campagne en faveur de l’agrochimie, décision incroyable pour moi. Le monde agricole est certes sur la bascule, beaucoup ont peur, mais si l’initiative avait passé, la Confédération aurait investi des millions pour lui. Là, ils ont signé la mort programmée de beaucoup d’exploitations qu’on n’aurait pas laissé disparaître avec une agriculture durable.
Mes ressources, à part ma base, demeurent mes filles. Les moments avec elles sont sacrés. Ces derniers jours, ma cadette a dit «maman» et «papa», elle marche. Elles sont tout, la force, le courage, la persévérance. Sans elles, aurais-je le même feu?»
>> Lire aussi: Céline Vara, engagée par nature
Avant de se rendre à la COP26, qui fixera des objectifs d’émissions au niveau mondial pour lutter contre le réchauffement de la planète, Greta Thunberg est interviewée à la BBC, 29 octobre 2021, Manchester (Angleterre):
Jeff Overs/BBC/Reuters«Je ne le cache pas, j’ai une fascination pour Greta Thunberg. Un jour, elle a dit: «Je ne comprends pas comment ils ne peuvent pas voir ce qui est évident!» C’est mot pour mot ce que j’éprouve tous les jours: «Comment ne peuvent-ils pas voir?» Je la trouve solide, l’image du nouveau monde. Sur la COP26, bien sûr qu’elle a raison. Comment pourrait-on être content des résultats, alors que le rapport du GIEC dit que, si on continue ainsi, nous allons vers la fin de notre civilisation?»
Le squelette du plus grand tricératops jamais exhumé, Big John, est vendu 6,6 millions d’euros, un record en Europe, 21 octobre 2021, Paris:
Alexis Sciard/Imago Images«J’ai justement récemment eu une discussion à ce propos avec ma fille aînée, qui a presque 5 ans. Nous avons parlé de la disparition des animaux sur Terre, du dodo, des autres espèces qui n’existent plus. On évoque désormais la sixième extinction de masse. Est-ce qu’un jour on acquerra une mâchoire d’éléphant comme aujourd’hui ces squelettes de dinosaures?»
Ex-employée chez Facebook, la lanceuse d’alerte Frances Haugen dévoile des documents et demande au Congrès américain de mieux réguler la société de Mark Zuckerberg, 05 octobre 2021, Washington:
Jabin Botsford/Sipa/Dukas«Pour moi, les dérives de Facebook illustrent le péril des «fake news». On n’a jamais eu autant d’infos et on n’a jamais été aussi désinformé. Je chéris la presse standard, je suis abonnée à plusieurs journaux que je dévore. C’est une question de confiance, de valorisation du travail accompli par des gens compétents. Héritage de Trump, cette désinformation nuit à tous et profite aux plus riches et aux malveillants.»
Les glaciers suisses ont perdu 1% de leur volume en 2021. Ici, le glacier du Rhône est partiellement recouvert d’une mousse isolante, pour le protéger, 27 octobre 2021, Gletsch (VS):
Fabrice Coffrini/Keystone«Je ressens de la tristesse. Ce décalage énorme entre les gens présents sur le terrain pour sauver ce qui reste et les décideurs, absents et incapables d’agir. Il y a une absurdité dans cette photo, avec ce travail presque désespéré. J’adore le ski et j’emmène mes filles à la neige, aussi parce qu’on ignore si ce sera encore possible dans dix ans. Je veux qu’elles voient une Suisse avec ses montagnes enneigées.»
En plein tournage d’un western, l’acteur Alec Baldwin tue accidentellement la directrice photo, 21 octobre 2021, Santa Fe (Etats-Unis):
Jim Weber/Santa Fe New Mexican/AP/Keystone«Que dire? Que croire, alors que Baldwin affirme aujourd’hui qu’il n’a même pas pressé sur la détente? Moi qui suis avocate, je n’oublie pas qu’on se trouve dans un pays connu pour son incroyable «surjudiciarisation», sa foule de procédures et… sa folie des armes. Dans ce qui n’est a priori qu’un accident et une erreur en backstage, on va probablement monter toute une histoire.»
L’éruption du volcan Cumbre Vieja a recouvert l’île de La Palma, aux Canaries, d’un manteau de cendres, 30 octobre 2021, La Palma (Espagne):
Emilio Morenatti/AP/Keystone«Tout le symbole de l’être humain brutalement rappelé à l’ordre alors qu’il se croyait au-dessus de la nature. On devrait se montrer plus humble avec elle; ce manque d’humilité fait qu’on la détruit autant. Cette image me touche parce que je suis aussi Sicilienne. Depuis le village de mes ancêtres, Furnari, je suis souvent montée à l’Etna ou au Stromboli, j’aime y aller. Je suis fascinée par la force de la Terre en général. Ce n’est pas pour rien que je suis chez les Verts.»
Le Prix international de la photographie de Sienne est attribué à ce cliché d’un père et son fils pris lors de la guerre de Syrie par Mehmet Aslan, photojournaliste turc, 23 octobre 2021, Sienne (Italie):
Mehmet Aslan/Siena International Photo Awards«Elle est dure, cette photo. Quelque chose me dérange. Ce doit être le contraste entre ces deux visages qui sourient et la violence de l’image. Je suis partagée. D’un côté, elle force l’admiration et je me demande si je serais capable d’une résilience aussi phénoménale. D’un autre, si je suis honnête, je ressens un certain voyeurisme.»
Simulant une exploration sur Mars, des astronautes de la mission Amadee-20 s’entraînent dans un désert israélien, 10 octobre 2021, Mitzpe Ramon (Israël):
Jack Guez/AFP«Ce genre de chose me fâche. Hormis pour la recherche fondamentale, il faut arrêter de mettre des milliards dans de soi-disant explorations alors qu’on n’est pas fichus de prendre soin de la planète sur laquelle on vit! En Suisse, on nous a longtemps dit qu’il n’y avait pas assez d’argent pour un simple congé parental. En revanche, on ne trouve rien à redire quand des millions sont dépensés pour du tourisme spatial, parfois au service d’ego surdimensionnés.»
Fashion Week: le couturier Balenciaga surprend le monde de la mode en diffusant un épisode inédit des «Simpson», 02 octobre 2021, Paris:
DR«C’est intéressant, cela va avec ce mouvement qui dit que la «fast fashion» pèse sur la dette climatique. En souriant, je me suis dit que, plutôt que de fabriquer ces vêtements, on pourrait juste les porter virtuellement. La mode demeure un domaine de pays riches, même si beaucoup de couturiers travaillent pour devenir plus durables, plus équitables. Peu de marques utilisent encore la fourrure, par exemple, et tant mieux. Je crois n’en avoir jamais porté.»
En présence du couple Parmelin, l'artiste franco-suisse Saype dévoile une fresque géante, des mains entrelacées, qui vise à créer la plus grande chaîne humaine symbolique du monde, 29 octobre 2021, Dubaï:
«Pour moi, l'art est vital. Je trouve grandiose la capacité des artistes à créer de la beauté malgré les horreurs, et je leur dis merci. Nul besoin de savoir lire et écrire pour comprendre cette œuvre. Or on a vu combien la culture a été éprouvée et délaissée pendant la crise du covid. il faut y prendre garde, c'est ce qui reste de plus pur et précieux dans notre capacité humaine. J'ai une maman fleuriste, j'ai toujours été sensible au beau.»
Valentin Flauraud/Keystone
En marge du sommet du G20, les dirigeants des pays riches jettent une pièce dans la fontaine de Trevi, 31 octobre 2021, Rome (Italie):
«Quelle photo cocasse! Elle me laisse presque sans voix. Car ces dirigeants donnent clairement le message: «Advienne que pourra, après moi le déluge!» Même si, pour certains, comme Angela Merkel, ce n'est pas faute d'avoir essayé, voir ces visages hilares est assez fou. Et surtout en décalage avec l'urgence et la nécessité d'agir aujourd'hui.»
Antonio Masiello/Getty Images