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Comment l'écrivain Metin Arditi a conquis Paris

L’écrivain genevois a écrit 25 livres en vingt-cinq ans. Après avoir réussi dans le monde des affaires, le taulier de la littérature romande est devenu une signature incontournable de la scène littéraire francophone. Nous l’avons suivi au pas de charge à Paris où il enchaîne rencontres prestigieuses et amitiés chaleureuses.

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Metin Arditi

Metin Arditi sur la terrasse du célèbre Café de Flore, à Saint-Germain-des-Prés. Un rare instant de répit pour l’écrivain prolifique et hyperactif de 76 ans.

GABRIEL MONNET

Un soleil d’automne rasant caresse la façade de l’hôtel Ritz. Le palace, calfeutré sur la place Vendôme, voit les ombres portées sur sa façade disparaître au fur et à mesure que la matinée avance. A tout juste 9 heures, Metin Arditi, le mollet alerte, grimpe dans une limousine. Pull couleur pétard sur chemise blanche et veste en cuir de pilote, nous suivons le Genevois dans son périple parisien. 

Metin Arditi, c’est 25 livres en vingt-cinq ans et une vie intense dans la capitale française, où il se rend tous les 15 jours. Désormais membre du comité de lecture de Grasset, l’auteur a doublement accès à l’une des plus prestigieuses maisons d’édition françaises. Non seulement il publie dans l’écrin qui a hébergé certains des plus grands – dont Proust, Jacques Chessex et son «Ogre», Goncourt 1973, ainsi que C.-F. Ramuz – mais il compte désormais parmi les sélectionneurs des futures publications. 

Metin Arditi a 76 ans mais nous avons du mal à le suivre quand il grimpe les escaliers de la maison d’édition. Ou quand il nous bombarde de SMS pour organiser la journée. Tout en haut de l’escalier, son ami Olivier Nora l’attend. Le patron de Grasset compte parmi les plus puissants personnages de l’édition française. Pour l’amour du jeu, et aussi un peu pour la photo à paraître dans «L’illustré», les deux compères improvisent une partie d’échecs: «Je n’y joue plus depuis que mon petit-fils me bat à plate couture», s’amuse l’auteur. L’éditeur au charisme magnétique, un croisement entre Gary Cooper et Dominique de Villepin, préfère se concentrer.

Metin Arditi

L’écrivain et mécène suisse Metin Arditi dans la chambre qu’il réserve à l’année au Ritz, à Paris, le 27 octobre dernier.

GABRIEL MONNET

«L’édition doit se confronter à trois défis: des jeunes qui ne lisent plus, une pénurie de papier à cause de la Chine et un envol des prix du papier – encore lui! – à cause de l’emballement de l’e-commerce qui avale tout ce qui peut se transformer en carton.» Olivier Nora reste concentré sur le damier devant lui, mais il livre son analyse en une seule tirade, aussi précise que limpide. Publier les meilleurs auteurs ne délie pas des contraintes de production. Metin Arditi semble fasciné par son éditeur, qu’il serre chaleureusement dans ses bras au moment de partir. «Olivier compte vraiment parmi ces grandes figures de l’édition.» Et de poursuivre: «Etre à Paris remet en place: ici, personne ne vous épargne, car on est entouré de tellement de talent. C’est un rappel constant à l’humilité.» 

Metin Arditi

Metin Arditi joue aux échecs avec Olivier Nora (à dr.), dans le bureau du PDG des Editions Grasset.

GABRIEL MONNET

De l’admiration et de l’amitié, Metin en reçoit à revendre. En deux jours et demi de visites où nous l’avons suivi à Paris, le réseau du «taulier» suisse romand de la littérature nous a ensevelis dans un véritable ouragan. Il y a les sœurs et frères de livres, le travail et le tourbillon de la vie intellectuelle. Metin Arditi publie actuellement dans cinq maisons d’édition: Grasset ses romans depuis 2012, Plon ses «Dictionnaires amoureux»– formidable collection de 150 livres en tout sur tous les thèmes –, les Editions du Cerf pour un Placard et Libelle, une collection dans laquelle il a écrit un texte sur Israël et la Palestine dans la feuille que vient de lancer Jean-François Colosimo, mais aussi chez Babel et en poche chez Points.

Une boulimie qui s’explique par sa «maladie», si l’on peut dire. Pour Elisabeth Quin, la journaliste de «28 minutes» sur Arte, «c’est simple, il ne s’arrête jamais d’écrire». Grégory Berthier, chez Plon, confirme: «Il s’est écoulé un an entre notre proposition à Metin de réaliser son «Dictionnaire amoureux d'Istanbul» et la sortie en librairie prévue en janvier 2022, quand il faut en moyenne trois ans aux autres auteurs.» D’autant plus que, entre-temps, Metin Arditi a écrit un roman qui sortira en mai, un essai, et contribue encore à d’autres publications. «J’écris dans tous les interstices disponibles», s’amuse l’écrivain, qui voit pour la première fois un de ses livres adaptés pour la TV par Arte et la RTS, «Juliette dans son bain», avec André Dussollier et Marisa Berenson, sortie prévue à la fin de l’année. 

Metin Arditi avec son cousin, l’acteur Pierre Arditi, dans les couloirs du Ritz Hôtel, le 26 octobre: «Avec Metin, il y a cette force de la conversation laissée il y a longtemps que l’on reprend quand on se voit.»

GABRIEL MONNET

Cette vie intense s’écoule pourtant sans frénésie. Metin est Turc d’origine, Français par la littérature, Genevois dans l’organisation – il peut avoir une multitude de rendez-vous dans la journée, chacun a lieu à l’heure prévue – et très Suisse quand il côtoie nos voisins. C’est-à-dire qu’il écoute avec profondeur des interlocuteurs qui, neuf fois sur dix, parlent beaucoup, mais alors beaucoup, plus que lui. Surtout, ce mec est aimable. A 150 mètres, vous avez envie de le prendre dans vos bras. Quand la directrice générale de l’Unesco le reçoit dans son bureau, l’ancienne ministre de la Culture française Audrey Azoulay semble n’avoir jamais attendu que ce moment de convivialité.

Les amis se succèdent et ce n’est qu’embrassades amples et généreuses, la vie d’avant le virus tueur de lien social, quoi! Le personnage s’y prête. Un de ses amis raconte joliment cette relation si spéciale: «Avec Metin, on est passé au-delà de l’épiderme.» C’est un peu de la vie au Moyen-Orient importée dans la capitale française. Metin Arditi ne cesse de vouloir renouer le fil de l’histoire et du dialogue entre les peuples. Pour cela, et encore plus pour sa qualité d’écrivain, ses pairs le consacrent. Nous rencontrons entre deux trains Eric Fottorino, ancien rédacteur en chef du «Monde», entrepreneur de l’édition avec ses revues comme «Le 1», «America» ou «Zadig» et écrivain de grand talent, Prix Femina 2007.

Quand il déclare avec beaucoup d’émotion sa flamme amicale à son aîné, qui en est d’autant plus gêné qu’il ne s’attendait pas à une telle ferveur, nous sentons une véritable communion entre les deux hommes: «Parmi mes classiques contemporains, j’ai Romain Gary, Patrick Modiano ainsi que Marguerite Duras et j’ai à portée de main – pas à trois pas, à portée de main – plusieurs livres de Metin, dont «Mon père sur mes épaules». Avec celui-là, on est dans la matrice de ce que c’est qu’être un écrivain.» 

Mais avec l’auteur genevois, il y a plus. Pour Jean-François Colosimo, «les bons romanciers n’ont pas forcément quelque chose à dire. Parfois, vous lisez leur livre et plongez dans leur monde, mais quand vous prenez un café avec eux, cela reste au niveau d’une discussion de Café du commerce, comme un talent disjoint du reste. Quand j’ai rencontré Metin, j’ai découvert – au-delà de son immense talent de conteur – son envie de philosophie, de politique et d’idées.» 

Metin Arditi a de manière incontestable une cote de sympathie gigantesque auprès de cette communauté dont les maisons phares ont longtemps vécu autour de Saint-Germain-des-Prés. Un univers plein de langues de vipère, certes, mais jusqu’ici plutôt préservé grâce à une haute considération de la part de la politique et de la société en général. Désormais, on se cherche des alliés puissants dans une industrie en transformation accélérée. L’homme d’affaires Vincent Bolloré restructure en ce moment même le monde des médias et de l’édition en lançant notamment une OPA visant à rapprocher les numéros un et deux des livres. Hachette et Editis vont-ils ne faire qu’un alors que le siège de cette dernière, dont font partie les Editions Plon, trône sur une avenue de France qui ressemble davantage à un quartier d’affaires de Londres ou de Berlin qu’à l’immédiat voisinage du Café de Flore? 

La popularité immédiate de l’écrivain genevois chez ceux qui le rencontrent a sûrement aussi en partie pour origine la génétique. Nous dînons un soir avec Pierre, son cousin et acteur tellement populaire – dont on dit que chaque rôle dans ses cordes à l’affiche d’une pièce de théâtre française lui est proposé –, et là nous vivons en direct comment le charme des Arditi opère. Une cliente de l’hôtel, littéralement fascinée, fond devant nos yeux. Quand elle voit les deux statures arriver dans la pièce, elle s’exclame: «Oh, j’adore!» 

Entre les deux cousins, descendants d’Elias Canetti, Prix Nobel de littérature 1981, il y a un lien fort, même s’ils se sont rencontrés à 30 ans passés. «L’attachement, ça n’est pas la fréquence de la visite mais son intensité, détaille le comédien. Avec Metin, il y a cette force de la conversation laissée il y a longtemps que l’on reprend quand on se voit. On ne sort jamais de la vie de l’autre. Jeune adolescent, vous avez toujours un meilleur copain, qui peut même devenir un rapport amoureux. Ce meilleur copain du jeudi, c’est la relation mitoyenne avec l’amour. Je vis cela avec mon cousin.» 

La famille se conçoit au sens large, chez les Arditi. Ainsi Metin a-t-il «adopté» Elisabeth Quin comme fille le temps du confinement pour qu’ils puissent les deux déjeuner ensemble dans sa chambre d’hôtel, lorsque le restaurant était fermé. Et Eric Fottorino et lui se donnent du «petit» (kardesh en turc) et du «grand frère» (âbi), puisque cette langue a deux mots pour désigner l’aîné et le cadet. 

Mais déjà nous rencontrons un autre ami dans les salons du Ritz. L’écrivain Jean-Paul Enthoven le roue littéralement de papouilles: le père de Raphaël se trouve pris dans une histoire de filiation des plus compliquées: ce dernier lui a dérobé à l’époque sa compagne d’alors, et pas n’importe laquelle, Carla Bruni avant qu’elle ne devienne Sarkozy. Avant que le fils n’ajoute l’humiliation à l’outrage en publiant l’an dernier un livre très violent sur son géniteur. Jean-Paul Enthoven, passablement retourné après le baptême de son petit-fils quelques jours auparavant, vient chercher du réconfort chez son ami. Nous passerons une soirée entre les deux hommes ainsi qu’Anne Fulda, la journaliste du «Figaro» et de CNews dont la liaison avec Nicolas Sarkozy quand il était ministre avait fait grand bruit. Ça, c’est Paris, entre les salons littéraires et les alcôves, il n’y a parfois qu’un pas… 

Metin Arditi

Le Ritz Hôtel, sur la place Vendôme, fief de l’écrivain et mécène suisse d’origine turque Metin Arditi.

GABRIEL MONNET

Tout ça peut paraître très people alors que rien n’intéresse moins Metin Arditi, auteur d’un très lucide «Dictionnaire amoureux de l'esprit français». Au Ritz, où il est client régulier depuis trente ans et où il a résidé plus de deux ans et demi s’il met bout à bout tous ses séjours, notre homme n’a jamais parlé à un seul des clients présents du célèbre palace où Lady Di a passé sa dernière soirée. Même quand Anna Wintour et Roger Federer prennent le petit-déjeuner à côté de lui. Lorsque Jean-Michel Jarre préside la séance des ambassadeurs de bonne volonté de l’Unesco, la première depuis quatre ans – dont Metin Arditi a été le premier Suisse à recevoir la charge –, ce grand fan de musique le reconnaît avec surprise avant de lui serrer la main. Magie de la vie parisienne – ou hasard des rencontres frelatées par un coup du sort –, nous vivrons même un moment unique au Train Bleu, le prestigieux café de la Gare de Lyon. Nous devons alors expliquer à notre interlocuteur que la dame qui fait beaucoup de bruit à la table juste à côté de lui n’est autre que… Loana, l’ex-star de la téléréalité, en train de s’empiffrer d’un plat de charcuterie en plein après-midi. 

Metin Arditi

Il salue le musicien Jean-Michel Jarre, avant une séance réunissant les ambassadeurs de bonne volonté de l’Unesco, au siège de l’organisation à Paris.

GABRIEL MONNET

Les excès, y compris ceux de ses proches qui s’emportent parfois face à l’époque chahutée, ont le don de mettre mal à l’aise Metin Arditi. Des ombres planent décidément sur Paris en cet automne 2021. Tout le monde a la percée d’Eric Zemmour en tête dans la course à l’Elysée, le polémiste juif qui veut faire aimer Pétain à la France. Un thème qui anime bon nombre de discussions entre l’écrivain, séfarade, et son entourage. Ses amis aiment partager avec lui à ce sujet: «Metin porte en lui une forme d’exil à Paris comme à Genève, explique Eric Fottorino. C’est une ombre portée entre ici, la Turquie, Israël et la Palestine.» 

Paris semble pris en étau entre plusieurs paradoxes: autant l’univers de l’édition française donne l’impression de perdre la partie face à l’émergence de la culture Facebook et Netflix, autant le journaliste trublion donné par les sondages comme un prétendant crédible à la présidence vient précisément de cette marmite des médias, même s’il est considéré par son milieu comme un renégat avec ses idées d’extrême droite.

Metin Arditi

Avec Elisabeth Quin, présentatrice et journaliste de «28 minutes» sur Arte, sur le plateau TV, le 28 octobre à Paris: «Metin? C’est simple, il n’arrête jamais d’écrire!»

GABRIEL MONNET

Un dernier sursaut enfiévré avant un reflux inexorable d’une certaine idée de la vie intellectuelle française? Pour Pierre Arditi, figure de la gauche, voilà aussi une chose qui le rapproche de son cousin écrivain: «C’est la culture et l’idée que l’on s’en fait, à savoir celle qui permet aux hommes de s’emparer du monde. On y tient l’un comme l’autre et on se battra bec et ongles pour elle.» Et autant dire qu’Eric Zemmour n’est porté dans le cœur de personne dans l’immédiat entourage des Arditi. Olivier Nora préfère prendre de la hauteur: «Le combat essentiel, c’est la place du livre dans la civilisation numérique, car le temps de cerveau des jeunes est limité à cause des réseaux sociaux.» 

La tension palpable dans les discussions vient aussi du fait que bon nombre de personnalités dans l’entourage de l’écrivain fustigent une époque woke. Ils trépignent ainsi à l’annonce du Prix Médicis pour Christine Angot, consacrée pour son «retour ad nauseam sur son histoire d’inceste dont elle veut s’assurer le monopole après le carton du bouquin de Camille Kouchner». Ces individus majoritairement hommes, blancs et d’un certain âge vouent aussi aux gémonies l’autofiction, le «prix à payer à l’époque qui tourne autour du nombril des auteurs». Certains à table réclament «plus de vin et plus de viande» et hurlent leur douleur quand le serveur propose un menu végane. Nous n’osons même pas ouvrir le chapitre de l’écriture inclusive…

Metin Arditi, tout en retenue, s’en amuse mais ne goûte que moyennent l’attitude parfois donquichottesque de ses amis parisiens face à un monde qui, inexorablement, change. Par-dessus tout, il rejette la victimisation. Assis à côté de Serge Klarsfeld à l’assemblée annuelle des ambassadeurs de bonne volonté de l’Unesco, l’écrivain nous surprend. Lui qui a souvent des différends avec l’avocat sur la politique israélienne lui fait passer un billet de félicitations quand le chasseur des nazis déclare ce jour-là – complètement à contre-courant du pessimisme ambiant – que la situation des juifs dans le monde… n’a jamais été aussi bonne. 

Car l’homme de lettres n’apprécie pas les lamentations. Laissé dans un pensionnat à 7 ans en Suisse par ses parents turcs qu’il ne voyait pas même durant les vacances, il s’est fait seul. Brillantes études, EPFL et Stanford, début de carrière professionnelle en fanfare chez la crème des consultants (McKinsey) puis un parcours couronné de succès dans l’immobilier à partir de 1984. Une douzaine d’entrepreneurs font alors fortune dans le secteur en Suisse romande. La plupart finiront ruinés au début de la décennie suivante alors que La Financière Arditi poursuit sur sa lancée et que le promoteur – c’est à noter – s’est sûrement prémuni de la folie des grandeurs propre à ce milieu en lisant alors une fable de La Fontaine par jour.

Avec ses affaires qui continuent de prospérer, Metin Arditi se transforme alors en mécène. A travers ses quatre fondations, il soutiendra de nombreuses causes, de l’OSR à l’Opéra, en passant par l’éducation ou la prise en charge de l’autisme. Passé 50 ans, l’entrepreneur revient en quelque sorte au début de l’histoire, lui qui avait publié une nouvelle à 13 ans, un cadeau de Noël à sa mère. Un écrivain était né dans les années 1950, restait à le réveiller.

Metin Arditi

En discussion avec la directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay, ancienne ministre de la Culture.

GABRIEL MONNET

D’abord édité chez Zoé, à Genève, il rejoint ensuite Actes Sud, la brillante maison d’édition arlésienne dirigée par Françoise Nyssen, qui deviendra plus tard ministre de la Culture d’Emmanuel Macron. Si Metin Arditi passe la grande majorité du temps pour un calme, il a des principes. Un déjeuner refusé par son éditeur d’alors – sur une question de date de publication – vexe l’auteur, qui migre derechef chez Grasset.

En Suisse, cet exil français se vit parfois comme une petite trahison. Car l’auteur a du succès. Son best-seller à ce jour, «Le Turquetto», fait plus de ventes lors de sa sortie en 2011 que tous les livres qui ont reçu de grandes reconnaissances françaises, mis à part le Goncourt. Metin Arditi a reçu plus de 50 prix, dont le Giono en France, mais rien en Suisse depuis dix ans. A Paris, tout n’est pas si aisé non plus quand il s’agit de reconnaissance. Une jurée du Goncourt aurait lancé en réunion du jury: «On ne va pas le récompenser, il n’a pas besoin de nous!»

«Je me suis fait une raison, c’est bien normal qu’un tel prix revienne à un jeune auteur, répond notre interlocuteur. Traditionnellement, le Goncourt permet par les ventes qu’il engendre l’achat d’une maison. C’est comme cela que Jacques Chessex a acheté son terrain de Ropraz. Avec mon parcours dans l’immobilier, ce serait indécent.» Surtout, quelle serait l’alternative? Metin Arditi n’estime pas avoir de raison de cacher sa réussite. A Paris, il reçoit dans un palace où il a une suite à l’année et ses conditions de vie font de lui un ultra-privilégié, ce dont il a bien conscience.

Après le confinement, l’homme d’affaires a mis de l’ordre dans ses affaires et vendu son portefeuille immobilier pour investir en force dans une multinationale. C’est «l’homme aux deux accomplissements», comme dit de lui Jean-François Colosimo: d’un côté sa vie d’entrepreneur à succès et de l’autre sa reconnaissance en tant qu’écrivain.

Un très grand prix viendrait bien sûr comme un sacrement ultime à l’orée de ses 80 ans, mais on sent que l’homme ne court plus pour cela. Il lui reste à accomplir de grandes choses, comme faire revenir les marbres du Parthénon à Athènes – son combat dans le cadre de l’Unesco – ou faire progresser la cause du dialogue entre Palestiniens et juifs. Ainsi qu’écrire encore de belles pages pour ses prochains livres.

Par Stéphane Benoit-Godet publié le 11 novembre 2021 - 09:02