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André Manoukian: «A 22 ans, ma vie a basculé grâce à la voix d’une femme»

André Manoukian revient sur une anecdote qui a été un véritable tournant dans sa carrière: sa rencontre hasardeuse avec la chanteuse Elisabeth Kontomanou. Grâce à elle, il est passé d'un désintérêt total pour le chant à une fascination pour les voix.

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André Manoukian

André Manoukian a sorti un nouvel ouvrage: «Sur les routes du Jazz» (Ed. Harper Collins, 190 p.). Le livre raconte en 40 chroniques comment cet art prend racine en Afrique, grandit aux Amériques et donne naissance au jazz afro-cubain, au gospel, au reggae candomblé avant de retourner au berceau.

Patrice Normand/Leextra/Opale.photo
Didier Dana

«Nous sommes en 1979, jʼai 22 ans, ça se passe à Grenoble dans un studio où jʼenregistre mon premier disque de jazz. A lʼépoque, le chant nʼa aucun intérêt pour moi. Je suis un jazzman pur et dur, sorti du Berklee College of Music de Boston. Un jeune qui veut imiter les maîtres: Quincy Jones, Thelonious Monk, Duke Ellington ou Herbie Hancock. Je ne fais pas la différence entre Sheila et Stevie Wonder. 

Jʼai un groupe, Horn Stuff, avec le trompettiste Pierre Drevet. Il y a six cuivres extraordinaires, mais lʼinspiration nous fait défaut. On est limite en train de sʼengueuler pour faire un solo sur un morceau que jʼai écrit. Tout dʼun coup, une fille dʼune beauté incroyable apparaît. Elle traverse le studio et sʼen va. Je dis au patron: «Cʼest qui lʼapparition qui flottait dans lʼespace?» Lui: «Cʼest une chanteuse. Elle est venue pour voir sʼil nʼy avait pas du boulot pour elle.» Une chanteuse? Mince. Je dis: «Les gars, si on essayait avec elle?» Jʼétais fou, cʼétait la première fois que je la croisais et la probabilité pour quʼelle chante bien était plus ténue que celle qui a fait tomber une crotte de pigeon sur lʼépaule de François Hollande pendant la marche républicaine pour «Charlie Hebdo». Mon destin va basculer. Les Grecs disent que la chance, cʼest dʼattraper un cheveu dans le vent avec deux doigts. En réalité, ça veut dire quʼil faut y être préparé. Finalement, je la rattrape et je lui dis: «Improvise.» Je nʼai pas de partition, pas de texte. Rien. Elle ouvre la bouche et ce quʼelle fait me terrasse. Cʼest dʼune beauté incroyable. Elle rentre dans les accords, elle en sort, elle a tout fait dʼoreille sans connaître le morceau. Elle, cʼest Elisabeth Kontomanou, Gréco-Guinéenne de 18 ans.

Là, je me dis: «Mais, cʼest ça que je veux faire: écrire pour des voix!» Elle mʼavait retourné. Je suis rentré chez moi et je me suis mis à écrire. Je voulais quʼelle chante sur tous les titres. On a eu une brève histoire dʼamour. Ensuite, elle est partie en Suède et aux Etats-Unis. Le disque existe, on doit le trouver sur le Net. 

Moi, depuis, jʼai fait ma carrière, en amoureux des voix, en amoureux des mélodies, en amoureux des chanteuses. Jʼai rencontré Liane Foly, puis Malia. Et jʼai bossé pour tous les chanteurs et chanteuses quʼon puisse imaginer. Ce jour-là, ma vie a basculé. Elisabeth mʼa révélé quelque chose de moi: jʼétais un pur mélodiste. Je devais aller à lʼessentiel et raconter des histoires. Une mélodie, cʼest un récit avec un début, un milieu et une fin. Elle mʼa mis sur le chemin de la voix. Et, cʼest grâce à elle et au chant que jʼai trouvé ma propre voie.»


Son actu:

«Sur les routes du Jazz» (Ed. Harper Collins, 190 p.) raconte en 40 chroniques comment cet art prend racine en Afrique, grandit aux Amériques et donne naissance au jazz afro-cubain, au gospel, au reggae candomblé avant de retourner au berceau. Passionnant!

Par Didier Dana publié le 18 novembre 2022 - 08:45