De quasi inexistants en Suisse, les thèmes du conspirationnisme sont devenus un objet courant de discussion sur les réseaux sociaux avec la crise du covid. C’est surtout une plaie du débat public. Longtemps cantonnées à certains milieux marginaux, ces lectures absurdes du monde prennent désormais une place considérable. Au point de détourner des personnes jusqu’ici bien insérées dans une spirale d’histoires abracadabrantesques.
Fini les théories du complot qui pouvaient jusqu’ici prêter à sourire, de «nous ne sommes jamais allés sur la Lune» à «la Terre est plate». Dans une époque où la démocratie a montré ses succès et où la technologie occupe nos vies, resurgissent des fantasmes qui existent depuis le début de l’humanité. Des contes à dormir debout comme celui d’enfants qui seraient tués pour que leur sang serve d’élixir éternel à une élite corrompue.
Cela paraît stupide, n’est-ce pas? C’est pourtant inspiré par ce genre de rumeurs qu’un père lourdement armé a traversé une bonne partie des Etats-Unis en 2016 pour mettre fin à un réseau pédophile – totalement imaginaire – dans la cave d’une pizzeria à Washington. Ces Américains sont dingues, quand même! Sauf qu’en Suisse, ce printemps, la police a délivré à Sainte-Croix la petite Mia, enlevée par sa mère, elle-même active dans un réseau de type QAnon.
Car il n’y a pas que des histoires individuelles inquiétantes qui peuvent devenir tragiques dans ce domaine. Des phénomènes de groupe prennent leur envol grâce aux algorithmes de Facebook, piégeant dans un premier temps des individus dans des bulles de filtres avant de les connecter à des collectifs organisés, parfois disposés à passer à l’action.
Contre la démocratie, contre les élites, qu’elles soient politiques, économiques, sanitaires, médiatiques ou autres, les accros aux fake news peuvent être tentés par l’escalade. Même si les réseaux sociaux ont désormais banni toute référence à QAnon, cela ne suffit pas. Elus placés sous protection policière, contestation de résultats de votations, manifestations quasi insurrectionnelles, le niveau de tension n’a jamais été aussi haut en Suisse. Il est temps de l’observer en face.