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Reportage

Dans les entrailles des mines de sel de Bex

Ils sont trois. Pas besoin de plus. Gabriel Carrasco, Eric Caillet-Bois et Marcio Ferreira sont les uniques mineurs de sel en Suisse. Reportage à leurs côtés, dans les tunnels de la seule mine de Suisse, à Bex (VD).

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Les trois mineurs des Mines de sel de Bex, Gabriel Carrasco, Eric Caillet-Bois et Marcio Ferreira

Les trois mineurs des Mines de sel de Bex, Gabriel Carrasco, Eric Caillet-Bois et Marcio Ferreira, commencent leur journée à 6 h 30 et ressortent en début d’après-midi. Ainsi la collusion avec les touristes venant visiter les grottes est évitée.

GABRIEL MONNET

«J’espère que tu as du sel de chez nous chez toi!» Gabriel Carrasco, 45 ans, est mineur. Son job? Descendre au fond des Mines de sel de Bex (VD) et forer la roche pour y trouver le condiment qui viendra donner du goût à nos assiettes. Avec ses collègues Eric Caillet-Bois, 52 ans, et Marcio Ferreira, 42 ans, il a guidé «L’illustré» dans les entrailles de la montagne bellerine.

L’entrée dans le tunnel se fait en train. Ces petits wagons jaunes qui font le succès touristique des mines. Pour les conduire, les mineurs doivent détenir un permis. Si Gabriel et Eric le possèdent déjà, Marcio, qui a rejoint l’équipe début juin, est encore en formation. Une fois au fond de la mine, le forage peut commencer. «On est descendus jusqu’à 650 mètres et puis les géologues nous ont dit d’arrêter, car il n’y a pas de sel plus bas à cet endroit», explique Eric, mineur depuis 2015.

Les trois mineurs des Mines de sel de Bex, Gabriel Carrasco, Eric Caillet-Bois et Marcio Ferreira

L’entrée dans la mine se fait à bord du petit train jaune que les touristes empruntent également sur un autre trajet. Les mineurs détiennent un permis spécial pour conduire le train.

Gabriel Monnet

Cet ancien constructeur d’appareils industriels confie être arrivé à la mine «au bol», après la fermeture de l’entreprise où il travaillait. «J’ai postulé dans plusieurs endroits et c’est ici qu’on m’a dit oui. Et quelle chance!» Pédagogue, il détaille avec minutie les étapes du forage: percer un avant-trou de 6 mètres de profondeur, réaliser un carottage tous les 3 mètres, analyser les carottes pour y déceler le sel, puis y injecter de l’eau afin de dissoudre la roche salée et de créer la saumure qui partira à la saline en contrebas, où le sel sera récupéré par évaporation.

Travailler dans l’histoire


«On travaille avec des géologues pour trouver le sel dans la roche», précise Gabriel. Engagé par la Saline de Bex en 2008, il est mineur depuis 2014 et responsable du trio depuis 2021. «C’est compliqué parce qu’il n’y a pas de gros dépôts de sel pur. Le sel est présent, mais très mélangé avec la roche à cause des mouvements géologiques lors de la formation des Alpes, il y a des millions d’années. C’est ça, la complexité de notre site.» Pour ce natif du Venezuela, finir un forage est un accomplissement marquant face à cette complexité géologique. «Le travail dans cette mine, et l’histoire de cette mine, c’est très ancien. Qu’on puisse dire qu’on continue ce travail de mineurs, qu’on continue de trouver du sel et de l’exploiter, pour moi, c’est une fierté. C’est comme si on allait dans le passé avec les moyens d’aujourd’hui.»

Les "derniers" mineurs encore actifs de Suisse, Gabriel Carrasco, Eric Caillet-Bois et Marcio Ferreira réalisent des travaux dans la partie non ouverte au public des Mines de sel de Bex.

Les trois mineurs des Mines de sel de Bex, Gabriel Carrasco, Eric Caillet-Bois et Marcio Ferreira, commencent leur journée à 6h30 et ressortent en début d’après-midi. Ainsi la collusion avec les touristes venant visiter les grottes est évitée.

Gabriel Monnet

Marcio, qui a fraîchement rejoint l’équipe, acquiesce. «C’est un plaisir d’être dans la montagne au contact des roches et d’explorer. Et c’est gratifiant de trouver le sel.» Depuis ses 18 ans, Marcio évolue dans différentes galeries pour y effectuer des travaux spéciaux. Par hasard, il est un jour mandaté pour un travail souterrain à Bex, au nom de l’entreprise valaisanne qui l’emploie. «J’ai été vraiment émerveillé par ce que j’ai vu. Je me disais que peut-être, un jour, je pourrais bosser ici. Après quelques années, l’opportunité est apparue.»

Les seuls, mais pas les derniers


S’ils sont les seuls mineurs actifs en Suisse, tous trois espèrent ne pas être les derniers. «Il existe des tunneliers, des gens qui font des travaux incroyables, peut-être plus dangereux que nous, mais ils ne travaillent pas dans une mine. C’est un tunnel ou une carrière. Donc effectivement, on est les seuls mineurs simplement parce qu’on travaille dans une mine», souligne Gabriel. Avec des réserves de sel pour encore plusieurs décennies, le métier n’est pas en voie de disparition, malgré le manque de formation ou d’apprentissage dédié. Le diplôme de technicien supérieur universitaire en mines de Gabriel n’est d’ailleurs pas reconnu en Suisse. «J’adore mon métier, j’ai fait mes études au Venezuela, je voulais vraiment étudier ça.» Ayant passé une partie de son enfance en Suisse, c’est tout naturellement que le mineur a postulé à Bex. Aujourd’hui, il insiste sur le fait que ses collègues et lui ne sont pas «les derniers mineurs» de Suisse.

Les trois mineurs des Mines de sel de Bex, Gabriel Carrasco, Eric Caillet-Bois et Marcio Ferreira

Les réserves de sel dureront encore plusieurs décennies. L’extraction est compliquée, car le sel est mélangé à la roche à cause des mouvements géologiques lors de la formation des Alpes.

Gabriel Monnet

Un travail passionnant, mais exigeant. Environ 80% des heures sont passées sous terre, partagées entre la recherche du sel et la maintenance de la mine, notamment la sécurisation du système ferroviaire emprunté par les visiteurs et les mineurs. Les horaires matinaux, pour éviter une collusion avec les touristes, permettent au trio de finir la journée en début d’après-midi. «Comme ça, on voit quand même un peu la lumière du jour!»

Par Sandrine Spycher publié le 25 août 2024 - 09:02