1. Home
  2. Actu
  3. Deux sœurs vaudoises à la conquête de la planète golf

Actu

Deux sœurs vaudoises à la conquête de la planète golf

Deux sœurs vaudoises, Kim et Morgane Métraux, rêvent d’intégrer l’élite des golfeuses mondiales. Solidaires et déterminées, elles vivent depuis sept ans en Floride, où elles ont conjugué brillantes études universitaires et swings sublimes.

Partager

Conserver

Partager cet article

file7d4ymj21i3bzjo56p7d
Les sœurs Métraux touchent à leur rêve de devenir professionnelles de golf. Blaise Kormann

Deux jeunes femmes jouent sur le Golf Club de Lausanne, un matin de semaine. Le gazon est si soigné qu’il semble avoir été taillé aux ciseaux à ongles. Les deux golfeuses sont sœurs, port de tête semblable, allure sportive et concentrée. Si l’on observe bien, on voit pourtant que l’aînée, Kim, est gauchère, et que la plus jeune, Morgane, est droitière.

Plus tard, à l’interview, dans le cadre ouaté de ce club de tradition qui célébrera son centenaire en 2021, on distingue mieux les différences. Toutes deux affichent certes la même éducation polie et un abord sage et déterminé, mais le rire plus haut de l’une ou le caractère plus perfectionniste de l’autre apparaissent. Elles doivent pourtant sans cesse dire «nous» quand elles parlent d’elles, tant leurs destins se confondent: elles sont parties ensemble à la sortie de l’enfance de leur belle maison de Cully (VD) et vivent depuis sept ans en Floride. Elles y ont étudié dans une des universités où le sport peut être pratiqué à haut niveau, à Tallahassee. Et vivent aujourd’hui à Orlando, à deux pas d’un terrain de golf qu’elles arpentent sous le regard placide de quelques alligators.

file7d4xzql39fppyj3rp7d
En mai 2018, à la Florida State University, Morgane et Kim reçoivent leur bachelor en «business management», mention «summa cum laude» pour les deux. Blaise Kormann

La décision de quitter leur foyer tombe en 2013, vite. Cet été-là, lors des Championnats d’Europe et du British Girls, elles se font remarquer et recruter par des universités américaines. «Pour que nous puissions poursuivre nos études tout en continuant le golf, les Etats-Unis représentaient le seul moyen», expliquent-elles en chœur. Il faut se décider: «Nous sommes passées du «Je n’ai pas trop envie de partir» au «Je pars dans quelques mois…», se souvient Morgane.

En août 2014, elles font leurs valises pour quatre ans, la durée d’un bachelor. Elles n’ont que 17 et 19 ans. Leurs parents encaissent le choc, les soutiennent. «Comme c’était leur choix, nous avons toujours été derrière elles, avec la condition des études. S’engager jusqu’au bout a toujours été une signature Métraux…» expliquent, avec un léger sourire, Valérie et Olivier Métraux. Depuis, durant leurs études, les sœurs ne sont revenues que quelques jours à Noël et environ trois mois l’été, pour les tournois européens.

file7d4xzqpbcsi1dupkx9ne
Kim (à g.) et Morgane (à dr.) avec leurs parents, Valérie et Olivier Métraux. Le cœur un peu serré, ceux-ci les ont laissées vivre leur rêve: le sport et les études aux Etats-Unis. Blaise Kormann

En 2014, les parents les accompagnent pendant une semaine dans leur petit appartement floridien, puis rentrent sans elles dans leur maison de Lavaux soudain désertée. Kim laisse son amoureux derrière elle, Morgane son petit monde. Là-bas, elles étudient toutes deux le business management, même si Morgane aurait sans doute choisi l’architecture si les horaires avaient été compatibles avec le sport. Car le golf est partout. Il les occupe pendant des journées entières, à raison de quatre à cinq heures sur les parcours après deux heures d’échauffement, de 1200 calories dépensées et d’une dizaine de kilomètres à pied par jour.

La pression est permanente. Pour participer aux tournois, elles doivent faire partie de cinq élues dans un groupe de 15 joueuses. L’enjeu les stimule, elles respirent leur sport, largement populaire outre-Atlantique: même si elles se sentent «très Européennes», elles aiment que chaque Américain ait frappé un jour dans une balle ou que, pour 20 dollars, un simple pékin puisse pénétrer sur un green.

La récompense de ce choix audacieux survient deux ans plus tard, en septembre 2016. Aux Mondiaux amateurs de Cancún (Mexique), elles décrochent la médaille d’argent par équipe pour la Suisse. Comprennent qu’elles ont le niveau pour devenir professionnelles. Prudence: devenir pro ne signifie pas devenir riche, Tiger Woods et ses millions vivent sur une autre planète. Sans des soutiens comme l’Aide sportive suisse, le Fonds du sport vaudois, Swiss Golf, l’ASGI, une marque de montres et l’apport des parents, elles ne parviendraient jamais à boucler un budget d’environ 100 000 francs par an, pour chacune d’elles.

Leur parcours demeure swinguant, au sein d’une famille pour laquelle le golf n’était qu’un loisir. «Un sport sympa pendant les vacances», glisse Kim en racontant son enfance. Leur père, Olivier, directeur d’un grand groupe suisse de matériaux automobiles, est alors fort actif dans le sport, mais dans une discipline ô combien plus pétaradante: comme son propre père, le regretté Michel Métraux, il sponsorise une équipe motocycliste et fait éclore les meilleurs pilotes helvétiques, de Tom Lüthi à Dominique Aegerter.

Leur maman est de famille musicienne, le grand-père était pianiste. Même si les fillettes se déplacent volontiers sur les circuits vrombissants, le clavier les occupe d’abord. «Le piano leur a donné de la maîtrise et le solfège de la rigueur», estime Valérie Métraux. Sans doute aussi le sens de la synchronisation, vital pour tout golfeur.

file7d4xzqrrrepfozsm24u
Fin 2019, vacances golfiques à Fancourt (Afrique du Sud) pour la famille Métraux au complet. Blaise Kormann

Le golf, qu’elles pratiquent d’abord entre copains en Lavaux, devient plus sérieux quand Kim a l’âge de 14 ans, Morgane 12. Décalées, elles se heurtent au monde scolaire. Aucun gymnase sportif ne les accueille, il faut appartenir à une équipe nationale. Kim accomplira son gymnase normalement, à Pully, tandis que Morgane pourra accéder pendant deux ans au gymnase Auguste-Piccard, dévolu aux sportifs. «Aujourd’hui, il suffit de faire partie d’un cadre régional. Mon exemple a fait changer les critères», se réjouit-elle.

Covid oblige, les sœurs sont en Suisse depuis le début de la pandémie. Au Golf Club de Lausanne, Morgane s’avoue affamée après une mystérieuse inflammation à l’épaule qui l’a handicapée pendant plus d’un an. Début octobre, elle a gagné l’Omnium Suisse, devant sa sœur. Celle-ci, épatante, a terminé troisième en septembre du Ladies Swiss Open, sur le tour européen. Elles ont le droit de rêver aux Jeux de Tokyo et au paradis absolu des golfeuses, le LPGA Tour. Le bonheur est à quelques drives.

file7d4xzqpawo0vkg7fr4
«S’engager jusqu’au bout est une signature Métraux»Valérie et Olivier Métraux, parents de Kim et de Morgane Blaise Kormann

Par Marc David publié le 13 novembre 2020 - 09:41, modifié 18 janvier 2021 - 21:16