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Dominic Stricker est-il le nouveau Federer?

En réalité, personne n’en sait rien. Mais la comparaison plaît plutôt à ce Bernois de 19 ans ouvert et jovial, qui progresse telle la foudre dans le classement mondial, après avoir gagné Roland-Garros chez les juniors l’an dernier. Rencontre en famille.

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Dominic Stricker tennisman suisse
Rolf Neeser

Déjà qu’on n’arrête pas de lui demander s’il est le prochain Federer, Dominic Stricker n’a rien trouvé de mieux que de se blesser au genou lors du récent tournoi Challenger de Bienne. Le mimétisme va loin chez les joueurs de tennis.
La comparaison avec le glorieux aîné ne déplaît pas à ce Bernois du genre rieur, qui donne quelques interviews dans le cadre bucolique du stade abandonné du FC Bienne, entre quelques lignées de maïs bio et des gradins parsemés d’herbes folles: «Je sais bien que j’entends toujours la même question sur Federer et moi, avec qui j’ai d’ailleurs pu m’entraîner à Dubaï. Moi, je trouve cool que les gens me comparent à lui, cela signifie qu’ils pensent à lui quand ils me voient. Je suis aussi conscient de l’immense chemin à parcourir, peut-être que personne ne fera plus jamais ce que Federer a accompli dans le tennis.»

Dominic Stricker a commencé le tennis à 5 ans. Casquette à l’envers et regard décidé, il s’est révélé en automne 2020, gagnant le simple et le double chez les juniors à Roland-Garros. Depuis, il ne cesse d’étonner. Vainqueur au Challenger de Lugano, quart de finaliste au Geneva Open, il chasse les points ATP.

Rolf Neeser


Si les experts osent ce raccourci entre un junior et un cador, ce n’est pas pour rien. Résumons et accumulons, sur un plan strictement factuel. En automne 2020, à 18 ans, Stricker triomphe à Roland-Garros chez les juniors, battant en finale son camarade zurichois Leandro Riedi, qu’il n’avait jamais défait; ce jour-là, il inscrit son nom à côté de ceux de Stan Wawrinka, vainqueur en 2003, et de Heinz Günthardt, en 1976.

Chez les grands, il pousse sans attendre: 875e mondial début 2021, il pointe aujourd’hui à la 273e place. En mars, pour sa deuxième apparition sur le circuit Challenger, il remporte le tournoi de Lugano et, alors 423e mondial, obtient une wild card au Geneva Open, son premier tournoi ATP. Ses frappes lourdes de gaucher, son revers à la préparation courte, son tempérament agressif et audacieux font frémir les whiskys-cocas des Eaux-Vives. Les roublards Fucsovics et Cilic, ex-vainqueur de l’US Open, en font les frais en deux sets secs et le Bernois va jusqu’en quarts, bien plus loin que Federer, effacé au premier tour. Tout à coup, les titres fleurissent et les sourcils se haussent. «Pas de doute, Stricker possède un truc de plus», s’exclame la Tribune de Genève. On le compare à Marcelo Ríos, l’Apache déconcertant des années 1990, et le nouveau venu concède qu’il a regardé le jeu du Chilien et l’a beaucoup aimé.

Derrière le jeune champion, toute sa famille s’engage et sacrifie son temps libre. Les parents, Sabine (tout à dr.) et Stephan (à g.), policier à 100%, s’occupent de l’administration. Michèle, sa sœur, est chargée du site et des réseaux sociaux; elle pratique le beach-volley.

Rolf Neeser

Alors, tranquille dans ce bucolique stade biennois, Stricker rayonne, même si nul ne sait si un joyau sortira de cette bonne bouille de Bernois sans histoire. Avant de parler, il livre quelques échanges de ping-pong épiques avec son père et pousse des cris de joie à chaque point gagné. Il y a de quoi: le paternel a fait partie pendant dix ans de l’équipe nationale de tennis de table. «Contre lui, je n’ai aucune chance. Lors de notre dernier vrai match, il m’a mis 11-2 11-1», rigole le jeune homme, avant de se raconter: «Je suis un type gai. Je viens d’une petite ville, Grosshöchstetten, que j’adore et où je connais tout le monde. J’ai eu de la peine à la quitter, même si j’aime les contacts.» La compétition, il l’a toujours eue en lui. «Je ne peux pas perdre, même aux cartes. Petit, j’ai joué au football et au hockey sur glace, mais le football n’était pas mon truc et j’avais peur des blessures en hockey.»

Champion suisse de tennis à 11 ans, il a intégré le centre national de Bienne au sein d’une belle génération de jeunes loups, de Kym à Paul ou Riedi. Tout s’est accéléré depuis un an: «J’ai l’impression que le temps a volé. En août, en vacances, j’en ai même pleuré quand j’ai pris conscience de tout ce qui venait de se passer.» Un match en particulier le hante: «Celui contre Cilic, à Genève. Peut-être parce que c’était mon premier en ATP. J’aime surtout donner du plaisir et voir ma famille se réjouir.»

Il pose avec bonne humeur au stade Gurzelen, à Bienne, devenu un lieu convivial où s’étendent deux courts en herbe, rares en Suisse. Suivant un apprentissage de commerce à Swiss Tennis, le joueur s’entraîne chaque jour avec son coach, Sven Swinnen.

Rolf Neeser


Justement, la famille est là. Le père est policier à plein temps à Belp (BE), sa mère, qui fut aussi joueuse de tennis de table, travaille à 60% pour une caisse maladie, sa sœur étudie pour devenir enseignante et pratique le beach-volley. C’est une équipe, qui vit pour le sport. «Le week-end, on ne pense qu’à cela, dit le père. Pour m’organiser? Heureusement, j’ai un bon chef. Je peux prendre des congés rapidement et beaucoup de mes collègues policiers suivent Dominic. Aujourd’hui, c’était mon seul jour libre de la semaine. Je le passe ici, mais ce sont de bons moments.»

Motivés, ils sont prêts à vivre le meilleur aux basques de leur champion. «Nous nous y préparons depuis des années. Depuis que Dominic est tout jeune, nous avons tout fait pour qu’il puisse ne penser qu’au tennis.» Comment travailler avec lui? «Il est d’un caractère joyeux, mais il ne faut pas le bombarder de remarques.» Dans la famille Stricker, il existe un contrat clair: «Nous soutiendrons Dominic financièrement jusqu’à ce qu’il ait 25 ans. Ensuite, à lui de voler de ses propres ailes! Mais bon, s’il continue comme cela, j’espère bien que je ne serai plus employé à 100% dans six ans…»

Par Marc David publié le 8 octobre 2021 - 09:03