Le Bernois Dominic Stricker est, avec le Zurichois Leandro Riedi, le grand espoir du tennis masculin suisse. Après plus de vingt ans des succès surréalistes de Roger Federer et de Stan Wawrinka, une nouvelle ère s’ouvre. En 2003, quand Federer brandit son premier trophée à Wimbledon, Stricker a à peine 1 an. Dix-sept ans plus tard, en octobre 2020, le Bernois remporte le tournoi juniors de Roland-Garros, en simple et en double. Depuis, le jeune homme de 20 ans a fait le saut chez les pros, s'est hissé deux fois en quart de finale d’un tournoi ATP et a remporté cinq titres Challenger en simple. A Wimbledon, il vient de passer pour la première fois un tour en Grand Chelem. «Le titre juniors à Paris n'a eu presque que des aspects positifs, dit-il. Même si, bien sûr, j’ai ressenti une grande pression.» Pas évident de réussir après un tel succès. D’autres exemples le montrent, tels Robin Roshardt, vainqueur des Mondiaux juniors non officiels en 2005, ou Roman Valent, vainqueur de Wimbledon junior en 2001. Aucun n’a réussi à percer dans l’élite.
Stricker a des atouts. Sa taille et son poids de 80 kilos, qui doivent encore être partiellement transformés en muscles. Son service, qui claque régulièrement entre 200 et 220 km/h. Son jeu de gaucher tout sauf convenu. Pas de tactique de fond de court monotone chez lui, plutôt un mélange imprévisible, agressif et ludique, avec de discrets emprunts à Nick Kyrgios. Une manière de jouer plus excitante que la plupart des autres joueurs de sa catégorie d’âge. «J’ai toujours été agressif depuis la ligne de fond, j’aime les services-volées», dit-il. Il a toujours su ce qu’il voulait. Les coachs ont vu tôt qu’il volleyait bien. «Je ne devais pas rester collé à la ligne de fond comme la plupart des joueurs. J’aime prendre des risques, notamment si la situation est serrée. Souvent, cela marche», dit-il. «Et parfois non», sourit-il.
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Peter Lundgren, ex-coach de Federer et de Wawrinka, s’est entraîné quelques semaines avec Stricker en avril. «Il a une bonne main, un bon œil. Il lit bien le jeu, a de bonnes volées et un bon slice», dit le Suédois. C'est aussi l’avis de Didi Kindlmann, engagé comme coach au printemps. L’Allemand de 41 ans a lui-même été professionnel, puis partenaire d’entraînement de Maria Sharapova. Il a entraîné Madison Keys, Angelique Kerber, Aryna Sabalenka. «Domi est encore brut, dit-il. Il dispose d’une marge de progression partout.»
Kindlmann sait comment les joueurs peuvent être poussés à la perfection. Il l’a vérifié aux côtés de l’ex-numéro un mondiale Sharapova. «C’était la combinaison du travail et du plaisir. Tout le monde dans l’équipe savait que nous étions là pour la performance. En fin de compte, il s’agit de gagner. En dehors du terrain, nous mangions bien et passions de belles soirées à jouer. Mais sur le terrain, tout était prévu dans les moindres détails. C’est ce que j’essaie de faire comprendre à Domi.»
Dominic Stricker a fait partie des meilleurs de Suisse dès l'âge de 5 ans. «Je n’ai presque pas eu d’autre choix que de l’encourager», explique Stephan Stricker, son père, qui fut joueur de tennis de table de LNA au TC Münsingen, où il a rencontré sa future femme, Sabine. «Domi aurait probablement été capable de faire une carrière pro dans n’importe quel sport», explique-t-il. Il y en a eu pas mal. «J’ai joué au football, au hockey avec les Young Tigers de Langnau, au unihockey, au tennis.» Le golf est venu s’ajouter il y a trois ou quatre ans. Il joue déjà avec un handicap de 5,5.
Grosshöchstetten, à 15 km de Berne, est toujours sa patrie. Il y a ses amis d’enfance, ses parents et sa sœur Michèle, qui s’occupe de ses médias sociaux. Il ne passe pas seulement son temps libre au golf, il se rend aussi aux matchs à domicile de YB ou du HC Bienne. Il connaît des joueurs et joue régulièrement aux cartes avec le hockeyeur Damien Brunner. La patinoire est à deux pas de Swiss Tennis.
Sur sa route vers l’élite mondiale, Stricker dépend encore de sa famille. L’entraîneur, le physio, d’autres gens impliqués et les frais de voyage pèsent sur le budget. La mère et la sœur aident à l’organisation, le père a réduit son taux d’occupation en tant que policier cantonal bernois à 60% et travaille souvent le week-end pour pouvoir s’occuper pendant la semaine de la gestion des sponsors et des médias et corder les raquettes de son fils. «Chaque semaine, j’ai deux ou trois demandes de managers pour Domi. Mais pour l’instant je le fais moi-même, je veux voyager quinze à vingt semaines par an. Si ton fils ose faire ça, tu veux le soutenir sur place.» Ce père, dit Dominic, est de loin le plus impliqué. «Nous sommes en général une famille émotionnelle.»
La personnalité de Dominic a changé, estime Stephan Stricker. Du moins sur le terrain. «Il était plutôt bon enfant, gentil, correct. Il voulait plaire à tout le monde. Ces deux dernières années, il est devenu plus agressif.» Dominic est du même avis. «J’ai le jeu dans le sang. Je suis un joueur, même sur le terrain.» Il veut entrer dans le top 100 d’ici à la fin de l'année. «Pour être sûr d’être dans le tableau principal à l’Open d’Australie en 2024.»
Didi Kindlmann pose les bonnes questions: «Est-ce qu’il peut faire mieux avec l’alimentation? Le sommeil? Le physique? C’est ce qu’il doit se demander. Avec Sharapova, il n’y avait pas d’excuses. Je veux réussir cela avec Dominic, même s’il doit conserver sa légèreté. S’il reste en bonne santé, il tracera son chemin.»