Vous vouliez échapper aux restrictions covid pendant les Fêtes? Festoyer, boire un verre en terrasse ou dans les bars restés ouverts, vous aventurer dans des centres commerciaux géants, participer à une rave party? Il fallait bien sûr aller à Dubaï, comme beaucoup de stars de la TV ou du foot telles que Cristiano Ronaldo.
Pour faire face à la morosité engendrée par la crise liée au Covid-19, la ville bling-bling avait érigé des règles nettement plus souples qu’ailleurs. Pas d’interdiction, pas de quarantaine, mais un simple test PCR. Une politique bienveillante, ou irresponsable selon certains, qui explique un taux de 66% d’occupation des hôtels durant la première semaine de décembre, mais aussi une vague de liberté qui a eu son prix.
Avec une majorité de touristes en provenance du Royaume-Uni, la souche variante du covid était aussi du voyage. Ainsi, le taux de contamination, qui s’élevait à 1300 cas par jour avant cette déferlante touristique, a quasiment triplé. Qu’à cela ne tienne, Dubaï, qui voit toujours les choses en grand, vaccine aujourd’hui tous azimuts (déjà 1 million et demi de personnes) et proclame que les Emirats arabes unis, auxquels elle appartient, seront le premier pays du monde à avoir vacciné toute sa population. Soit 10 millions d’habitants.
A la fin du XVIIIe siècle, Dubaï était un bourg isolé et modeste qui vivait essentiellement de la pêche aux perles. Elle en vit toujours. Mais les perles d’aujourd’hui s’appellent Roger Federer, Madonna, Angelina Jolie et Brad Pitt, qui y ont acquis des demeures de luxe depuis plusieurs années. Michael Schumacher a même donné son nom, contre quelques millions d’euros, à une tour de 29 étages.
Le gigantisme des projets immobiliers de Dubaï participe bien sûr à sa médiatisation. Voir l’hôtel hyper-luxueux Burj Al Arab, les Palm Islands, presqu’île et archipel artificiels en forme de palmier, The World, autre archipel artificiel qui reproduit la carte du monde, la Dubaï Marina, à l’architecture particulière et gigantesque, sans oublier l’immeuble le plus haut du monde (828 mètres), le Burj Khalifa, où David Beckham a acheté un appartement pour un peu plus de 6 millions. Autant de folies architecturales où Greta Thunberg ne mettra certainement jamais les pieds. Dubaï, il est vrai, a de quoi faire perdre ses nerfs même à l’écologiste le plus zen du monde avec sa station de ski indoor dans le centre commercial Mall of Emirates, même si, dit-on, cet émirat, autoritaire et néolibéral, vise à assurer 15% de sa production électrique par du solaire.
Qu’on le veuille ou non, écrivait un journaliste, Dubaï est au centre du nouveau monde qui se dessine, même si la sobriété n’est pas son fort, qu’elle aime donner dans la démesure, se faire remarquer. Elle est aussi une évidence géographique, entre l’Europe et l’Asie, grâce à la quarantaine de dessertes de sa compagnie aérienne Emirates. L’aéroport de Cointrin, par exemple, indique un flux de 84 394 passagers en partance ou en provenance de Dubaï en 2020.
Pas d’impôts sur le revenu, les successions ou la fortune, les voitures de luxe se vendent hors TVA, la sécurité est totale et, avec quelque 200 nationalités enregistrées, le choix des écoles privées et leur qualité sont un atout indéniable. Certes, beaucoup de stars qui y possèdent une résidence, comme Federer, n’y sont pas domiciliées fiscalement, mais des starlettes de téléréalité devenues influenceuses, comme Nabilla, Jazz ou Caroline Receveur, ont déposé officiellement leurs bagages à Dubaï, qu’elles immortalisent depuis sur Snapchat ou Instagram pour leurs milliers de followers.
La ville ne s’est pas construite en un jour. Elle doit son succès à une famille d’entrepreneurs visionnaires, les Maktoum, qui ont compris assez vite que, les ressources pétrolières n’étant pas illimitées, il fallait se tourner vers le tourisme, la richesse de l’avenir.
Mais attention, le succès a aussi ses revers. Giovanni Rossi, avocat, collaborateur d’une étude suisse et internationale, établi depuis douze ans à Dubaï, explique au téléphone que le coût de la vie a doublé depuis son arrivée. «Auparavant, on s’en sortait avec un budget nourriture de 500 francs par semaine pour une famille de cinq personnes. Aujourd’hui, c’est le double.» L’eau et l’électricité sont des monopoles d’Etat trois ou quatre fois plus chers qu’en Suisse.
N’empêche. Dubaï n’attire pas que les grosses fortunes ou les retraités aisés, mais énormément de jeunes, souvent de moins de 30 ans, séduits par le dynamisme économique du pays et les possibilités bien plus grandes qu’en Europe. Quelque 3500 Suisses y sont établis, dont une majorité de Romands. Et l’avocat de constater que, à l’heure où on grelotte en Europe, il fait 24°C dans sa ville d’adoption et les plages sont ouvertes. On comprend que Federer aime y passer l’hiver.