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Education: quand il vaut mieux rire que punir

Rire ensemble renforce la relation entre parents et enfants. Plaidoyer en faveur de l’humour, du flegme et de la détente en famille.

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Un tintamarre d’enfer provient de la cuisine. Maman jette un coup d’œil et trouve le petit Luca, 5 ans, assis par terre, l’air ahuri, au milieu de bols, casseroles et petits fruits. «Je voulais juste attraper le bol avec les myrtilles», sanglote-t-il. «Apparemment, ça n’a pas bien marché», répond la maman sans parvenir à réprimer un sourire.

«Ce n’était pas très adroit de prendre le bol tout en dessous, dit-elle. La prochaine fois, saisis celui du dessus ou alors demande-moi si je peux t’aider.» Puis ils se mettent tous deux à ranger le désastre, à laver les fruits et à les déguster ensemble. La maman a réagi avec flegme et humour, elle a ainsi désamorcé la situation. Et Luca sait désormais comment il doit se comporter pour éviter une telle maladresse.

Le rire est une bonne recette lorsque, dans les tâches d’éducation quotidiennes, les choses ne se passent pas toujours comme prévu. Il va de soi que les parents pourraient critiquer et punir. Parfois, c’est d’ailleurs nécessaire. Mais ils peuvent aussi réagir en riant. Lorsque la première réaction est détendue, les enfants sont en général plus réceptifs aux explications et au dialogue que s’ils se sont fait enguirlander.

400 rires par jour

On a longtemps considéré que le rire et l’ironie n’étaient pas souhaitables en matière d’éducation. On craignait que les enfants ne se sentent désécurisés ou carrément blessés.
Or, dès la plus tendre enfance, les enfants disposent d’une belle portion de gaieté. Des recherches indiquent qu’ils trouvent une bonne raison de rigoler, sourire ou glousser jusqu’à 400 fois par jour. Pour les adultes, ce n’est en moyenne que quinze fois par jour.

Les enfants se mettent dès l’âge de 2 ans ou 3 ans à faire la différence entre ce que les parents disent sérieusement et ce qui l’est moins. Dans cette phase, leur propre humour apparaît dans des jeux de rôle au cours desquels ils développent des scénarios marrants.
Dès leur quatrième année de vie, les enfants rient volontiers en faisant les pitres, en cavalcadant à travers la maison ou en faisant des grimaces. Ils commencent à jouer avec l’expression orale, à faire des rimes et des jeux de mots.

A partir de leurs 10 ans, les enfants savent aussi apprécier une ironie fine et leur expérience de vie leur permet d’identifier comme telles les remarques chargées d’ironie. Mais ces dernières ne doivent pas paraître sarcastiques ou, pire, cyniques.

Scientifiquement établi

L’humour dans l’éducation peut réussir bien des choses. Il peut renforcer l’assurance chez l’enfant et l’aider à compenser le stress. L’enfant parvient ainsi à mieux gérer ses sentiments et ses peurs. Sa créativité, ses compétences verbales et sa capacité d’expression augmentent également quand il y a des clins d’œil dans les échanges. Il est par ailleurs scientifiquement établi que rire de bon cœur renforce le système immunitaire et réduit la sensibilité à la douleur. Lorsqu’on rit, on stimule la sécrétion de sérotonine, l’hormone du bonheur, qui agit positivement sur le bien-être physique et psychique.

L’humour n’est pas une rue à sens unique. Les adultes doivent aussi pouvoir rire d’eux-mêmes, d’une maladresse par exemple. L’humour ne fait rire que si toutes les personnes présentes le comprennent et que ça les fait rire. C’est pourquoi on ne devrait jamais rire lorsqu’un enfant tombe, même si, en soi, une chute est un événement qui tend à susciter le rire.


Elevez vos enfants avec humour

- Renforcer la relation. Afin que les enfants et les parents puissent rire ensemble les uns des autres, une relation stable s’impose. On peut s’attendre à davantage d’humour chez un enfant sûr de soi. 

- S’y prendre en fonction de l’âge. Les enfants ont souvent une attitude joyeuse et insouciante face à la vie et s’avèrent particulièrement réceptifs à l’humour. Les parents doivent commencer par des rigolades ou traits d'humour qui tiennent compte de l’âge de l’enfant. En cas de grand désordre dans sa chambre, ce peut être par exemple: «Hum, je crois que tu aurais besoin de mes lunettes pour ranger.»

- Introduire progressivement l’ironie. Quand les enfants sont déjà entraînés à l’humour, on peut, avec circonspection, introduire une dose d’ironie. Si par exemple l’enfant demande pour la énième fois si le vieux papier va dans la caisse à papier, il est loisible de répondre: «Non, il va dans le panier à lessive», avec la mimique et la gestuelle idoines.

- Réagir de manière inattendue. Un comportement plein d’humour se concrétise par exemple quand les adultes sortent du modèle habituel et réagissent de façon inattendue. Par exemple: un verre s’est renversé et son contenu se répand sur la table. Au lieu de gourmander, on peut constater: «Quel joli lac! Hélas pas assez profond pour qu’un bateau puisse y naviguer, mais viens, on va essuyer tout ça.»

- Discerner le comique de situation. Il y a tous les jours des situations marrantes. A bien y regarder, il y a souvent de quoi rire: des formulations, des expressions du visage, des quiproquos, des maladresses et des lapsus invitent régulièrement à la rigolade lorsqu’ils sont involontaires.

- Rester cohérent. Les parents désécurisent les enfants s’ils les grondent sérieusement pour certains comportements dont ils ont l’habitude de rire. Lorsque des adultes réagissent avec humour à des transgressions, cela ne signifie pas que les enfants peuvent tout se permettre. Les règles demeurent valables. Bien sûr, on n’est pas en forme tous les jours. Mais pour les enfants, l’attitude de base envers l’humour doit être transparente et prévisible.

- Poser des limites. L’humour trouve ses limites au plus tard lorsque quelqu’un est blessé ou diffamé. Les enfants doivent l’apprendre. A partir de 4 ans environ naissent des comportements humoristiques agressifs comme le sarcasme et la moquerie. Il faut prendre la chose au sérieux et en parler: «Je ne veux pas que tu ries d’Estelle parce qu’elle ne sait pas prononcer tous les mots.»

- Parler de l’humour. Des scènes de moquerie peuvent être prises pour prétexte de réflexion avec les enfants sur ce que tout le monde trouve rigolo. De quoi ne doit-on en revanche pas rire? Et pourquoi?

- Apprendre de ses enfants. Il vaut la peine de se laisser contaminer par le rire des enfants. Ils verront combien il est réjouissant d’être gai et de sortir des rôles habituels. En plus, peu de choses rendent les enfants plus fiers que de faire rire les adultes.


Par Gabriele Herfort (Beobachter) publié le 7 avril 2019 - 09:17, modifié 18 janvier 2021 - 21:08