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Esteban Garcia, un magnat de l’immobilier sur les 24 Heures du Mans

L’entrepreneur lausannois a fondé Realstone: après avoir remporté le Bol d’or, il se lance cette fois le défi de s’imposer dans la plus grande course automobile d’endurance. Il a fini troisième ce week-end avec son équipe mais il n’a pas dit son dernier mot.

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ESTEBAN GARCIA / 24 HEURES DU MANS

L'entrepreneur lausannois Esteban Garcia s'est préparé pendant de long mois pour réaliser son rêve : participer aux 24 Heures du Mans. 

Mathieu Genon

En ce jour gris d’août, les séances d’essais s’enchaînent. Esteban Garcia sautille sur place dans son coin pour évacuer le stress. Ces derniers mois ont été intenses: le quinquagénaire s’est imposé une discipline de fer pour réaliser son rêve, participer aux 24 Heures du Mans et ne pas jouer les figurants dans la grande course d’endurance automobile.

Pour réussir sa mission dans ce Pro-Am (type de compétition où concourent ensemble des pros et des amateurs), l’entrepreneur qui a fait fortune dans l’immobilier a engagé des experts, Norman Nato et Loïc Duval, qui a déjà gagné la course. Ce dernier court pour de grandes écuries de constructeurs pour lesquels il prend aussi régulièrement le volant en tant que pilote d’essai et il intervient comme consultant sur Canal+. Il est surtout taillé comme un roc et il faut pouvoir physiquement s’aligner face à un tel partenaire.

ESTEBAN GARCIA / 24 HEURES DU MANS

«Cette fois, le monde est prêt: que ce soit dans l’automobile ou dans l’immobilier, ces prochains mois vont être décisifs pour l’hydrogène», affirme Esteban Garcia.

Mathieu Genon

Esteban Garcia a repoussé ses limites jusqu’à sauter trente-six minutes à la corde dans le cadre de son entraînement il y a quelques jours. L’assiette devant lui au réfectoire, il la repousse. «J’ai vu tous les diététiciens, qui m’ont tous dit des choses différentes au point de me perdre. J’en suis venu à développer ma propre approche du sujet.» Repas léger, des dattes et du gingembre pendant les pauses, chacun sa méthode.

Le fondateur de l’entreprise Realstone à Lausanne a déjà un beau palmarès sur l’eau. Avec son bateau au nom de sa société, il a gagné le Bol d’or en 2012 et bon nombre de régates. La compétition en voiture a suivi: «J’ai un tempérament de marathonien plutôt que de sprinteur», exprime le patron. Son parcours est passé par plusieurs catégories de voitures avant d’arriver sur le circuit du Mans pour la course mythique. Pour ses 40 ans, il avait sillonné toute l’Europe à moto. «Je ne sais pas encore de quoi seront faits mes 60 ans mais ce sera sur Terre, raconte celui qui dit ne pas comprendre l’engouement actuel pour l’espace. Il y a tellement de choses à faire ici.»

ESTEBAN GARCIA / 24 HEURES DU MANS
Mathieu Genon

A commencer par continuer à développer son groupe. Realstone compte parmi les plus gros fonds immobiliers de Suisse. Tout a pourtant démarré dans la boulangerie familiale de Montchoisi. Les parents espagnols qui ont fui Franco travaillent d’arrache-pied et la qualité de leurs produits les font entrer au Lausanne Palace et sur les grandes tables de la région. Son pécule amassé, Garcia père fait le tour de Suisse et achète des petits immeubles avec son fils qui vient de débuter dans la gestion de fortune à Monaco. Esteban prend goût à l’opération et développe une approche originale qui lui permet de valoriser la pierre mieux que ses concurrents. L’affaire décolle au point de compter parmi les valeurs vedettes du secteur.

Une des composantes du succès tient dans l’approche innovante du business model de l’entreprise. Idem avec la compétition. Esteban Garcia croit depuis trente ans en l’hydrogène, suite à des lectures et des rencontres avec des experts dans le domaine. Pour lui, nous sommes arrivés au moment où cette énergie se trouve à tout juste trois ans de montrer tout son potentiel. «Que ce soit dans l’automobile ou dans l’immobilier, ces prochains mois vont être décisifs.» L’ambition sera de concourir dès 2023 ou 2024 au Mans avec un véhicule alimenté ainsi. «Les brevets dans l’hydrogène comme dans l’électrique existent depuis les débuts de l’automobile, mais les géants du pétrole les ont achetés pour mieux les enterrer car il y avait plus d’argent à faire avec leur approche.»

ESTEBAN GARCIA / 24 HEURES DU MANS

Débriefing après les essais. Visionnage de la caméra embarquée et repérage des erreurs, tout est décrypté, analysé.

Mathieu Genon

Cette fois, le monde est prêt, pour l’entrepreneur. «La COP21 à Paris a été décisive: une fois que les gouvernements et la manne publique s’orientent clairement dans un sens, les innovateurs se mettent en ordre de marche et vont jouer le rôle de levier pour faire décoller le secteur.» Esteban Garcia investit donc dans plusieurs start-up de la région actives dans le domaine. A des stades de recherche et développement relativement précoces, car «il faut être cohérent et soutenir ce qui se fait dans le domaine. Par ailleurs, il est plus facile de suivre l’évolution d’une start-up ici plutôt qu’en Chine ou en Californie.»

«Dans l’immobilier aussi, l’hydrogène va jouer un grand rôle, selon le dirigeant de Realstone. Nous sommes un des secteurs les plus polluants avec le chauffage des immeubles, il est temps d’avoir une autre approche.» La transformation va débuter par des installations ad hoc dans des petits bâtiments. «Nous serons prêts avec un bâtiment pilote dans vingt-quatre mois», explique celui qui vise la neutralité carbone avec son entreprise en 2030 déjà, vingt ans avant le cap que s’est fixé le Conseil fédéral pour la Suisse.

ESTEBAN GARCIA / 24 HEURES DU MANS

Esteban Garcia sautille pour évacuer le stress.

Mathieu Genon

Nous échangeons dans le motor-home de l’équipe, un must pour les pilotes et propriétaires d’écurie. Ces remorques de camion qui se déploient pour se transformer en véritables tiny houses ont des propriétés étonnantes. «Sur la tournée des circuits, plus personne ne va à l’hôtel, tout le monde veut son motor-home.» La piste du circuit mythique se situe à peine à quelques dizaines de mètres et sur 75 m2 peuvent vivre confortablement l’entrepreneur et ses deux conducteurs.

ESTEBAN GARCIA / 24 HEURES DU MANS

Manger léger, la clé. «J’ai vu tous les diététiciens, qui m’ont tous dit des choses différentes. J’ai développé ma propre approche.», déclare l'entrepreneur lausannois. 

Mathieu Genon

L’équipe technique de TDS, qui joue le rôle d’opérateur pour Realteam et une écurie néerlandaise, arrive pour le débriefing. Les coéquipiers visionnent la vidéo de la caméra embarquée dans la voiture. Les images ne cachent rien des hésitations et des erreurs de conduite. Tout comme des listings imprimés de données montrent à quel moment précis le pilote freine ou accélère au moment de sortir d’un virage.

«Cela se joue au dixième de seconde», explique Loïc Duval. Esteban Garcia a l’air serein après sa première journée d’essais, ses résultats s’avèrent à la hauteur de ses espérances. Mais il sait que les stints de deux heures en pleine nuit à venir seront plus durs à encaisser. «Le pire serait que la pluie s’en mêle!» Il ne sera pas déçu, avec un temps plus qu’humide pendant une bonne partie de la course.

Au final, l’équipage finira en troisième position chez les LMP2 dans la catégorie Pro-Am. Ce qui donne un goût de revanche à Esteban Garcia. «J’ai vécu une formidable aventure humaine. Malgré des problèmes de moteur en fin de course, je suis heureux que nous ayons pu franchir la ligne d’arrivée et grimper sur le podium des 24 Heures du Mans.»

Par Stéphane Benoit-Godet publié le 26 août 2021 - 08:51