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Forma: formidable touche-à-tout

Chanteuse, animatrice, vidéaste ou encore chroniqueuse. Rencontre avec Forma, une pétulante trentenaire qui, petit à petit, se fraie un chemin dans le monde audiovisuel romand.

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Forma

Bienvenue dans le monde déjanté de Forma, ici chez elle à Lausanne.

Julie de Tribolet

Priscilla Formaz nous reçoit chez elle, sur les hauts de Lausanne. Un appartement qu’elle a voulu à son image, pétillant et coloré. Elle confie avoir réalisé les aménagements et la décoration seule. Son mantra? Do it yourself. La lampe gigantesque trônant dans le séjour? C’est elle. La peinture de Freddie Mercury dans l’entrée? C’est elle. La verrière séparant l’espace de vie? Encore elle!

Une énergie créative qui se déploie aussi hors de son cocon lausannois. Sur scène et dans ses clips, où elle arbore les costumes déjantés qu’elle a confectionnés. Face caméra, dans Les informidables, parodie du journal télévisé dans laquelle elle donne la parole à des objets animés par ses soins. Ou encore sur les ondes de RTS – La Première où elle s’emploie à détourner les classiques de la chanson française au sein des Dicodeurs.

Forma

Il lui a fallu deux jours de travail pour confectionner cette robe constituée de centaines de pailles multicolores qu’elle porte dans le clip «J’déteste mes ex». 

Julie de Tribolet

D’où lui vient cette créativité effrénée? «J’ai mis du temps à comprendre que tout le monde ne fonctionnait pas comme moi. J’ai grandi dans un milieu artistique, avec une maman musicienne et un papa professeur d’arts visuels. La télévision était peu accessible à la maison, il fallait s’occuper autrement. Les feuilles de papier et les crayons de couleur traînaient partout. Chaque Noël, je recevais des boîtes avec des objets pour dessiner, bricoler, modeler, etc.», relate-t-elle avec un petit accent qui trahit ses origines valaisannes.

Forma

Forma en compagnie de ses deux frères et de sa sœur. La même photographie prise à quelques années d’intervalle. 

Julie de Tribolet

Troisième d’une fratrie de quatre enfants, Priscilla Formaz grandit dans le petit village d’Orsières (VS). Elle commence le violon à 4 ans, «une catastrophe!», puis le piano et le chant à 15 ans. Maturité en poche, elle s’inscrit en sciences de l’éducation à l’Université de Genève, effectue des remplacements dans des écoles. L’aventure durera un an. «C’était cool, mais je n’avais pas un instinct maternel assez développé, pouffe la trentenaire, avant de préciser, plus sérieuse: J’ai compris que je n’étais pas au bon endroit.»

Sa place, elle va la trouver à la Haute Ecole de musique de Lausanne, en section jazz. Elle y côtoie des musiciens de tous horizons avec lesquels elle peut partager sa passion. Très vite, on lui propose de devenir la choriste de Bastian Baker et de l’accompagner en tournée. «Je n’ai pas passé de casting, j’ai juste eu de la chance», confie modestement la jeune femme. Elle voyage à l’étranger et foule des grandes scènes comme celles du Paléo Festival à Nyon ou du Hallenstadion à Zurich.

Forma

Le sport, elle le pratique à la maison. «Je préfère y consacrer un quart d’heure par jour plutôt que d’aller dans une salle de fitness. Ici, personne ne m’embête!»

Julie de Tribolet

Souhaitant également voler de ses propres ailes, elle lance simultanément Forma, son aventure en solo, avec une idée en tête: ne pas se prendre au sérieux. «J’ai eu envie de mettre tout ce que j’aimais et tout ce que je savais faire dans ce projet. Un univers un peu foufou et humoristique. Je trouvais rigolo de fabriquer des déguisements en fonction des lieux où j’allais me produire. Une robe constituée de planches à pain pour le Festival des planches, des emballages de Caprice des dieux pour Caprices Festival, par exemple. Me déguiser doit être un effet secondaire du carnaval en Valais!» s’amuse la Valaisanne.

Son titre Poil incarné est repéré par Vincent Veillon. Il lui propose de les rejoindre, lui et son acolyte Vincent Kucholl, pour quelques séquences humoristiques de leur émission 120 minutes, devenue aujourd’hui 52 minutes. Les parodies s’enchaînent, dont une, In the chalet, qui compte plus de 145 000 vues sur YouTube. Les yeux pétillants, elle raconte: «On a détourné le titre Shallow, interprété par Lady Gaga et Bradley Cooper. C’est l’histoire de deux expats qui s’ennuient ferme en ville et n’attendent qu’une chose: rejoindre leur luxueux chalet. C’était une grosse machine, deux jours de tournage à Verbier en compagnie de Bastian Baker. C’était chouette de ne plus être seulement sa choriste mais de pouvoir chanter en duo.»

Elle travaille d’arrache-pied sur son premier album, Siffler c’est pas poli, dont la sortie était prévue le vendredi 13 mars 2020. Une date devenue historique, hélas pas pour les raisons espérées par la jeune femme. Le Conseil fédéral prend alors des mesures drastiques pour endiguer la propagation de la pandémie de Covid-19. Tout s’écroule. Les concerts sont annulés, les rencontres avec les médias reportées aux calendes grecques et la promotion avortée. Un coup de massue pour celle qui avait consacré des mois à la réalisation de cet opus. Elle confie: «J’ai été sonnée, mais je n’avais que deux options devant moi: déprimer, seule dans mon coin, ou au contraire créer, m’occuper l’esprit pour éviter de penser que tout cet investissement n’était qu’un coup d’épée dans l’eau.» Vous l’aurez compris, elle a choisi la seconde.

En quête d’une occupation pour passer le temps et lassée par l’atmosphère pesante de la crise sanitaire, elle imagine un journal télévisé parodique avec deux objectifs: faire rire et proposer autre chose que les mauvaises nouvelles qui s’accumulent dans les médias. Elle fabrique un prompteur, investit dans un fond vert, se familiarise avec un logiciel d’animation pour donner vie à ses interlocuteurs. Diffusée sur ses réseaux sociaux, la capsule se fait remarquer par 20 minutes; ses Informidables sont désormais visibles sur le site internet du média.

Dans la foulée, elle rejoint l’équipe des Dicodeurs en novembre 2020. Elle revient sur cette aventure: «J’ai cru à une blague lorsqu’on m’a appelée. Plus jeune, j’écoutais l’émission dans la voiture avec mes parents. J’ai été projetée dans ce monde de la radio. C’est une super école, je travaille avec des personnes fines, rapides et réactives. Ce n’est pas évident de trouver sa place, mais l’équipe est bienveillante. Je me sens à l’aise, même si cela me demande énormément de travail.»

Forma

Ses carnets, des outils de travail précieux: «Mes idées viennent souvent tard le soir, quand je suis sur le point de m’endormir. Je garde toujours un petit cahier sur ma table de chevet pour les noter immédiatement. C’est parfois pénible, car si j’ai une très bonne idée, je ne dors plus!»

Julie de Tribolet

Cette hyperactive qui redoute terriblement l’ennui jongle entre ses différentes activités pied au plancher. Au risque parfois de disperser? «Ça m’arrive, bien sûr. J’aime que tout aille vite. J’essaie des trucs. Parfois ça marche, d’autres fois non et ce n’est pas grave, je passe à autre chose. Je suis mes envies, je ne pourrais pas faire uniquement de la musique ou des chroniques. Je refuse de me laisser enfermer dans une catégorie. D’ailleurs, lorsque je me rends chez le médecin, je ne sais jamais quoi noter dans la case «profession», confesse la touche-à-tout.

Forma

Priscilla Formaz, Forma de son nom d'artiste, dans son appartement à Lausanne où elle travaille la plupart du temps

Julie de Tribolet

Dans les moments de doute, elle peut compter sur sa petite sœur, Cyrielle, chanteuse et musicienne, elle aussi. Elle est venue s’installer temporairement chez elle durant le confinement. «On traverse les mêmes étapes de vie. On se soutient dans ce monde très bizarre qu’est le milieu de la musique en Suisse romande. L’inspiration est un sujet dont je parle beaucoup avec ma sœur. Elle vient, puis repart, il faut être prête à la recevoir», confie celle qui tient toujours un carnet à portée de main, à l’affût d’une bonne idée pour faire rire.

L’humour, un sujet éminemment subjectif, est un terreau fertile pour les critiques. «Ce qui me fait pleurer de rire ne fera pas forcément sourire une autre personne, j’en suis consciente. Mais il est parfois difficile de recevoir des critiques de haters, très violentes. J’essaie de garder une distance. Dès qu’on commence à avoir une certaine visibilité, on s’expose à la critique. On ne peut pas toujours être excellent. Certaines de mes chroniques sont meilleures que d’autres, ça fait partie de la créativité, du mouvement», avoue la jeune femme, qui refuse de s’appesantir sur les difficultés. Pas le temps, elle regarde droit devant.

Par Alessia Barbezat publié le 15 octobre 2021 - 15:32