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Gare au déconfinement

Tout le monde l’attend avec impatience comme une délivrance. Mais ce déconfinement tant espéré risque de ne pas être un chemin semé de roses!

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Après une période de confinement, le choc peut être rude. Shutterstock

On s’en est vite rendu compte: le confinement, en suspendant brutalement nos habitudes de vie quotidienne, nous a privés de beaucoup de choses. Une période de sevrage dont Jenny Humbert, psychothérapeute à Morges (VD), n’entrevoit pas une sortie aisée.

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Jenny Humbert, psychothérapeute FSP. DR

Le déconfinement ne sera pas un retour à la normale. «On aurait tort d’imaginer un retour en arrière. Cette crise doit au contraire nous permettre d’avancer aussi bien sur un plan personnel que collectif. Elle doit constituer les fondations de la lente reconstruction d’un nouvel édifice. Dans ce but, je conseillerais à chacun un petit exercice d’introspection avant déconfinement: faire le tri entre ce qui nous a vraiment manqué et que l’on tient à retrouver, et tout un tas de choses dont la disparition ne nous a pas affectés, voire nous a fait du bien. Saisissons l’occasion de mettre en application les valeurs essentielles que cette crise nous a permis de mettre en lumière.»

Tout en étant enfermé, on s’est beaucoup ouvert à soi-même, aux autres, à la nature. «Maintenus à distance, on s’est rapprochés paradoxalement les uns des autres. On s’est autorisé sur nos balcons ou sur Skype des manifestations affectives que l’on retient d’habitude. A part ceux très investis dans la vie sociale, beaucoup de mes patients vivent d’ailleurs cette période de confinement comme une occasion de ranger, trier chez eux et à l’intérieur d’eux-mêmes. Ils ont pris confiance en leurs ressources.»

Le déconfinement va nous obliger à un difficile travail sur nous-mêmes. «En retournant au travail, on va forcément perdre une certaine liberté, un surcroît d’autonomie et il va y avoir des deuils à faire. Les compensations habituelles que la société nous octroie sous la forme de biens consommables à tout va vont être lentes à revenir. Il faut se préparer à affronter d’intenses frustrations et de nouvelles contraintes sociales. On aura peut-être davantage de moments de dépression en phase de déconfinement qu’en phase de confinement.»

N’ayons pas trop d’attentes. «Nombre de gens risquent d’être déçus s’ils pensent que le déconfinement signifiera la fin de l’épreuve. On ne va pas nous offrir sur un plateau des conditions meilleures. Il faudra de nouveau être créatif, continuer à s’engager pour soi et pour les autres. L’esprit de solidarité et d’empathie dont nous avons fait preuve devra perdurer, même à 2 mètres les uns des autres. Or on commence à croiser dans la rue des gens qui paniquent quand on leur dit bonjour, de crainte d’être contaminés! On a fondamentalement besoin du regard de l’autre pour exister. Et la solidarité, l’empathie et la gratitude sont les meilleurs antidépresseurs du monde. Cette crise sanitaire va nous coûter cher humainement et économiquement. Libre à chacun d’inventer une nouvelle vie pour que ce prix n’ait pas été payé en vain.»


Par Busson François publié le 24 avril 2020 - 10:15, modifié 18 janvier 2021 - 21:10