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Politique

Géraldine Savary: «J’ai décidé de reprendre ma liberté»

Le 6 novembre, la conseillère aux Etats vaudoise a annoncé son retrait de la politique fédérale, au terme d’une polémique éreintante. Elle revient pour la première fois sur les raisons qui l’ont poussée à mettre un terme à sa carrière prometteuse, alors que de nombreux observateurs la voyaient déjà au Conseil fédéral.

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A la suite de l’annonce de sa démission, la sénatrice vaudoise, ici à Préverenges, s’est ressourcée au bord du lac, face aux Alpes. C’est là qu’elle dit avoir «revu la lumière», au terme d’une période extrêmement sombre. Anoush Abrar

Le contraste est saisissant. D’un côté, un conseiller d’Etat genevois libéral-radical sous enquête pénale, vent debout, accroché à son mât pour résister au raz-de-marée d’appels qui demandent sa démission. De l’autre, une conseillère aux Etats vaudoise socialiste qui saute à l’eau et décide de ne pas se représenter à sa propre réélection, bien que la justice ait estimé qu’il n’y avait rien de pénal dans les voyages qu’elle avait entrepris en Russie, escapades qui étaient un temps au cœur de tous les soupçons.

C’est dire que la surprise a été totale, lorsque la très populaire Géraldine Savary a convoqué la presse, le 6 novembre dernier, pour communiquer sa décision au terme d’une polémique médiatique qui aura duré six mois.

Depuis l’annonce de sa décision de ne pas briguer un nouveau mandat sous la Coupole, la Vaudoise de 50 ans s’est tue et tente de se reconstruire après ce qui a été pour elle un véritable tsunami. Pour la première fois, elle dit tout des pressions qu’elle a subies, s’explique sur ses rapports avec la Russie et raconte comment elle se reconstruit.

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«Je n’aurais pas dû affronter seule cette situation» Anoush Abrar

- Quatre mois après l’annonce de votre retrait, comment allez-vous?
- Géraldine Savary:
Mieux, merci.

- Votre décision de ne pas vous représenter a été jugée «admirable», mais ne la regrettez-vous pas, avec du recul?
- Cette décision est prise et je ne vais donc pas y revenir. Mais maintenant que j’ai retrouvé des forces et que je me sens de nouveau plus solide, je me pose parfois la question de savoir si j’aurais dû serrer les dents et affronter la tempête. J’étais toutefois à bout, face à la vague médiatique qui revenait sans cesse. Je croulais sous les appels, sept jours sur sept, jusque tard dans la soirée, y compris avant, pendant et après une intervention chirurgicale que j’avais pourtant signalée aux journalistes qui me sollicitaient. J’étais convaincue que cela ne cesserait jamais. Je pesais 45 kilos, à ce rythme je menaçais de m’évaporer… Alors j’ai décidé de reprendre ma liberté.

- Reprendre votre liberté?
- J’aime la politique parce qu’on peut défendre des idées, porter des projets, mais aussi parce que cela m’ouvre au monde et aux gens, y compris d’horizons très différents. J’aime la politique parce qu’il y a une prise de risque. Et quand il y a risque, il y a aussi risque d’erreur. Aujourd’hui les risques et les risques d’erreur sont de moins en moins acceptés, y compris dans sa vie privée. Le pardon n’est plus accordé. Si être une personnalité publique consiste à avoir peur de son ombre ou de croiser Robespierre et McCarthy à chaque coin de rue, alors ce n’est plus pour moi. J’ai donc pris acte.

- Acte de quoi?
- Du fait que les voyages en Sibérie étaient manifestement une imprudence, qui avait occasionné un dégât d’image pour moi et pour mon parti. Mais aussi que ce n’est pas aujourd’hui que je vais changer.

- On a surtout l’impression que vous avez mal géré votre communication de crise, pour que la situation dégénère à ce point.
- C’est vrai. J’ai fait un retour sur image pour voir comment j’aurais pu faire les choses différemment. Je n’aurais tout d’abord pas dû affronter cette situation toute seule. J’aurais dû solliciter davantage mon cercle d’amis au sein du parti, des personnes comme Ada (ndlr. Mara) et Pierre-Yves (Maillard) afin de prendre du recul sur ce qui me tombait dessus. Demander du soutien pour gérer la crise. C’est, je crois, une attitude de femme. On se met la pression pour tout gérer toute seule.

- Au sein du parti des «camarades», personne ne vous a tendu la main. Quelle ironie…
- La solitude, c’est le lot des politiciens. Et elle est encore plus forte lorsqu’on est parlementaire. Quand on est membre d’un exécutif, on a un secrétariat qui filtre et organise les réponses aux questions qui nous sont posées, des gens à qui parler. Un journaliste a écrit après l’annonce de mon retrait que «j’avais voulu faire pleurer dans les chaumières» et qu’il m’aurait suffi de ne pas regarder mon téléphone. Sans doute, mais je pensais que c’était mon devoir d’élue de répondre très rapidement aux médias, comme je l’ai d’ailleurs fait durant toute ma carrière. Et puis, qui l’aurait fait à ma place?

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  Anoush Abrar

- Avez-vous fait un burn out?
- Non, en aucun cas. Il faut avoir la tête claire pour renoncer à ce qu’on aime et pour décider de ne pas renoncer à ce qu’on est.

- Vous estimez avoir été l’objet d’un intérêt disproportionné, mais reconnaissez que l’élue socialiste qui voyage avec un milliardaire consul de Russie, lequel finance en partie sa campagne, c’est une jolie histoire…
- L’histoire est «jolie», comme vous dites, et l’intérêt qu’elle a suscité est compréhensible. Le problème, c’est la proportionnalité. On a fait des amalgames entre l’affaire Maudet, les notes de frais de la ville de Genève et la polémique dont j’étais l’objet, les plaçant au même niveau, alors que cela n’avait rien à voir. Dois-je rappeler pour la centième fois que ces voyages étaient privés, que nous étions à chaque fois plus d’une dizaine de personnes, que nous les avons financés? J’ai des torts à mes propres yeux, mais encore aujourd’hui j’ai peine à comprendre la virulence des critiques médiatiques et les insinuations malveillantes dont je fais encore l’objet comme ce fut le cas il y a quelques semaines dans 24 Heures. Je précise que malgré ce «traitement» médiatique, je respecte et défends la liberté de la presse, aujourd’hui comme hier, au Parlement.

- Ne pensez-vous pas que vous vous êtes un peu égarée en cours de route, comme de nombreux politiciens qui perdent le sens des réalités.
- Certainement pas! Mais que croyez-vous? Que le fait de côtoyer des gens qui ne pensent pas comme vous, c’est se perdre? C’était au contraire l’intérêt de ces voyages, de partir avec des gens que je ne connaissais pas ou qui n’ont pas la même vie et les mêmes opinions que moi. Ce n’est pas parce qu’on est socialiste qu’on doit vivre dans un placard. Pas une seconde, je n’oublie qui je suis, d’où je viens, et à quelle famille politique j’appartiens. Ici en Suisse, comme sous un nuage de moustiques en Sibérie.

- Qu’est-ce qui vous plait tant là-bas?
- D’aussi loin que je me souvienne, cette région m’a toujours fascinée. Enfant, je voulais être la Nadia de Michel Strogoff, à savoir blonde, Russe et scientifique. De ce point de vue-là, j’ai plutôt raté ma vie… Pour moi, ces voyages en Sibérie étaient une poche de liberté, le privilège de marcher sur les pas d’écrivains et de poètes que j’adore. J’aime Pouchkine, pas Poutine. C’est si difficile à comprendre? C’est une des régions qui me touche, car j’ai l’impression d’y entendre battre le cœur du monde. Ses habitants ont tout vécu: les déportations, les guerres, et maintenant la menace du réchauffement climatique. Tout y est extrême.

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«Ai-je été victime d’un complot? Je refuse de l’imaginer» Anoush Abrar

- Avec du recul, considérez-vous que ces voyages étaient une erreur?
- Je me vois contrainte d’avouer que si c’était à refaire, je ferais pareil. Je pensais que c’était un peu limite, mais possible et compréhensible qu’une parlementaire, une politicienne de milice, puisse se permettre de partir une semaine sur son temps de vacances avec des gens différents d’elle et d’en revenir un tout petit peu plus intelligente. Je suis partie du principe qu’on ne combat pas l’ignorance par l’ignorance. J‘aurais sans doute mieux fait d’aller siroter du prosecco à Locarno…

- Racontez-nous votre rencontre avec Frederik Paulsen.
- J’ai rencontré Frederik Paulsen en 2010. On ne se connaissait pas. On a participé à six voyages en Sibérie dans le même groupe. On se croise deux à trois fois par année dans des manifestations officielles. On s’apprécie. Je ne le nie pas et ne le renie pas. En 2011, il m’a proposé de participer au financement de la campagne Savary-Recordon à titre personnel. Il l’a fait par amitié et j’ai accepté ce soutien pour les mêmes raisons. Si ceux qui me critiquent aujourd’hui s’étaient engagés avec la même énergie que Luc Recordon et moi-même contre les forfaits fiscaux, peut-être aurait-on gagné cette bataille.

- Et vous avez accepté la manne de quelqu’un qui est consul honoraire de Russie…
- La première fois que je suis allée en Russie, c’était en 1984. On va encore penser que c’est un coup de Frederik Paulsen? Je parle un peu russe alors que lui n’en parle pas un mot. Pour la bonne raison qu’il est allemand, ou suédois, ou les deux, je n’ai pas très bien compris. Mais en tout cas pas russe. Il finance des échanges culturels, des projets de recherche au niveau du canton et de la Confédération. Croyez-vous vraiment que toutes les personnes en Suisse et dans le monde qui ont bénéficié d’un soutien de Frederik Paulsen sont membres de la cinquième colonne? Cela fait 25 ans que je sers mon parti, seize ans que je sers mon canton à Berne, je n’ai jamais été sous l’influence de qui ce soit.

«on ne tire pas sur un animal blessé, encore moins quand on est socialiste»

- Vous n’avez pas communiqué clairement les sommes reçues à votre parti.
- Précisons tout d’abord quelques points. En 2011, un comité de campagne a été créé pour Luc Recordon et moi-même pour la simple et bonne raison que nous faisions campagne commune et qu’il s’agissait de sauver les deux sièges de gauche au Conseil des États. Nos deux partis étaient en accord avec ça. J’ai averti les responsables du parti à l’époque qu’une personne fortunée, Frederik Paulsen, souhaitait me faire un don. On m’a dit qu’il fallait que ce soit un don privé d’une part et d’autre part qu’à partir de 5000 francs l’identité du donateur était susceptible d’être publique. Ce sont les règles que l’on m’a signifiées par oral en 2011. Ces règles ont été respectées, par Luc et moi-même et par les donateurs qui nous ont ou que nous avons sollicités. Il y en a eu 240 pour un montant d’environ 45 000 pour nous deux. Le comité de campagne Savary-Recordon a engagé un premier versement de 8000 francs. Et quand il s’est agi de boucler les comptes, à la fin du deuxième tour, nous avons encore touché 7000 francs de Frederik Paulsen. Personne à l’époque nous a demandé quoi que ce soit. Ni du côté du parti, ni du côté des médias.

- Et en 2015?
- En 2015, la règle était plus stricte: pas de don de plus de 5000 francs par candidat. Cette règle a été respectée là-aussi. On m’a posé des questions pour la première fois en 2018, pendant cette «déferlante», soit sept ans plus tard. Une heure avant de passer à Forum, on m’avertit qu’il y aura un sujet sur les comptes de campagne 2011, me sommant de répondre à toutes les questions. Le lendemain, j’étais «HS» toute la journée, en raison d’une intervention médicale. Je ne me souvenais plus des montants exacts, ni des règles de l’époque 2011. J’ai fait ce que je pouvais… évoquer des règles plus strictes que celles qui prévalaient à l’époque… Et omis des montants dont je ne me rappelais plus exactement la nature. Bref, j’ai fait tout faux… Si c’était à refaire en 2011, j’aurais dû exiger une position du comité directeur du parti sur le comité de campagne cela aurait évité les réactions hypocrites d’aujourd’hui. Et quand les journalistes m’ont sollicitée en 2018, appuyer sur le bouton stop, me reposer, retrouver les comptes de campagne, et communiquer correctement.

- Votre parti vous a-t-il poussée à la démission? Avez-vous été victime d’un complot de l’aile conservatrice du PS?
- Cela m’a fait mal de lire certains anciens élus s’exprimer comme ils l’ont fait dans les médias. Je trouve qu’on ne tire pas sur un animal blessé, encore moins quand on est socialiste. Mais un complot… je refuse de l’imaginer.

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  Anoush Abrar

- A défaut de vous pousser, on ne vous a en tous cas pas retenue…
- Ça, c’est sûr… Mais je le répète, la plupart de mes camarades ne se sont pas rendus compte de la difficulté de ce que je traversais, car je ne l’ai pas verbalisé. Ma décision les a pris par surprise.

- Revenons à ce fameux jour de la conférence de presse. Comment vous sentiez-vous?
- Déterminée à sortir de cette spirale, y compris en assistant à mon propre enterrement politique!

- Cet enterrement, quand l’avez-vous décidé?
- Durant le week-end. Le dimanche, précisément.

- Comment vos proches l’ont-ils pris?
- Très mal. Ils ne souhaitaient pas que je me retire. Selon eux, je n’avais rien à me reprocher. Comme le seraient tous les parents, les miens sont révoltés par ce qui s’est passé. Mon père est syndiqué depuis 60 ans, c’est un ouvrier qui a toujours voté socialiste. Ma mère a aussi été très touchée, comme femme, de même que mes filles âgées de 15 et 25 ans. Mon frère, mon mari ont été très présents. J’ai tout d’un coup dû m’appuyer sur les autres alors que d’habitude, c’est moi qui suis solide.

- Et les deux jours qui ont suivi jusqu’à la conférence de presse?
- Il n’y a pas de place pour les états d’âme, on est dans l’action. J’ai été soutenue par le parti suisse, qui ne souhaitait pas que je parte. Et puis le jour «J», je me suis retrouvée devant un parterre de journalistes entassés dans un silence de mort, dans une salle que nous avions trouvée à la dernière minute, sous une lumière blafarde. On n’aurait pu couper l’air avec un couteau tellement l’atmosphère était lourde…

- Le lendemain, qu’avez-vous fait?
- Je suis allée aux bains des Pâquis, à Genève, avec mon mari. Je me suis jetée dans un lac à 5 degrés. La brutalité du choc entre la peau et l’eau, c’était comme une renaissance. Ce jour-là, j’ai très peu lu les journaux, évité les articles et commentaires méchants. Et j’ai accueilli les innombrables témoignages de gentillesses qui m’ont profondément touchée. Non seulement j’ai assisté à ma «mort» en direct, mais j’ai également eu le privilège de profiter des oraisons et des hommages (elle rit).

- Quel genre de messages?
- Des hommages aussi exagérés que l’avaient été les critiques. Mais ils m’ont profondément émue.

- Vous en avez reçu combien?
- Je dirais un millier. Et aussi des chocolats, des biscuits, des fleurs devant ma porte. Dans la rue, des femmes me tombaient dans les bras en larmes. Après 12 ans aux Etats, 20 ans de politique, on appartient un peu aux gens, on finit par faire partie des meubles, de l’environnement direct des citoyens. En réalité, je pense qu’il y a un rapport affectif entre le monde politique et la population. Beaucoup plus qu’on ne l’imagine. Je ne prends pas ces messages seulement personnellement mais d’une certaine manière ils sont aussi adressés à toutes celles et ceux qui font de la politique. Et j’ai été aussi impressionnée par la beauté des mots, les souvenirs que les gens évoquaient à m’avoir croisée ou entendue. Ca n’était pas juste «on vous regrettera, bonne route».

- Y en a-t-il un qui vous a touchée particulièrement?
- Oui, une femme m’a envoyé une carte postale du sculpteur Giacometti avec ces mots: «Pour moi, vous êtes la femme qui marche». Un de vos confrères m’a adressé une citation de Mitterrand qui m’accompagne aujourd’hui: «La vie, par dessus-tout, est toute-puissante». Des jeunes disaient avoir commencé la politique un peu grâce à moi, d’autres qu’ils s’étaient naturalisés pour participer à l’élection au Conseil des Etats. Je suis évidemment consciente qu’un certain nombre ont considéré mon départ comme inévitable ou se réjouissent de me voir tourner les talons… Certains m’ont reproché d’avoir lâché trop vite, d’autres ont trouvé que c’était une «punk attitude»… De manière générale, j’ai ressenti beaucoup de bienveillance. J’utilise volontairement ce mot, parce qu’il est de plus en plus rare.

«J’ai une grosse balafre, une cicatrice qui tire les jours de pluie…»

- Et les «camarades», comment ont-ils réagi?
- Celles et ceux qui se sont adressés à moi l’ont fait avec affection. A Berne, mes collègues n’ont pas compris ce retrait. Un conseiller aux Etats PDC m’a dit qu’il était persuadé que si j’avais maigri c’est parce que j’étais amoureuse (!), que si moi je quittais la politique, alors tous les membres du Conseil des Etats devraient faire pareil. Ils ne voyaient pas pourquoi je me sanctionnais ainsi.

- Qu’avez-vous fait les jours qui ont suivi votre annonce de retrait?
- Je suis allée marcher dans le Val d’Anniviers. C’était en novembre, le week-end de fermeture annuel, tout était silencieux et magnifique. Ensuite je suis allée à la session à Berne, affronter ce que je devais affronter: départ de la vice-présidence du Conseil des Etats, de la vice-présidence du parti. Franchement des moments difficiles. Il était hors de question que je m’arrête, le but étant de me retrouver moi-même: féministe, combattive, qui aime boire, manger, rire et aussi danser dans sa cuisine.

- Est-ce que ça vous a changée?
- Disons que je suis un peu comme une blessée de guerre. J’ai une grosse balafre, une cicatrice qui tire les jours de pluie… J’ai découvert, comme 90% de la population, qu’on peut avoir des moments dans la vie où l’on trébuche. Ça change la perspective. L’avantage aussi, c’est que les insinuations malveillantes ne peuvent plus m’atteindre.

- Comment avez-vous remonté la pente?
- J’ai tenté de faire ce que je faisais avant toute cette affaire. Aller courir, lire, me cultiver. Me protéger des médias. Revoir la lumière.

- Quelle a été la première lueur?
- En marchant, j’ai soudainement remarqué que devant moi, les Alpes et le lac étaient splendides.

- Cette épreuve vous aura fait perdre ou gagner des amis?
- Des amis, je n’en ai pas des milliers. Mais certaines personnes que je ne considérais pas forcément comme des amis proches ont été très présentes. Cela m’a beaucoup surprise. Cela m’a amenée à me questionner sur le soutien que j’ai moi-même apporté aux gens qui se sont retrouvés en difficultés dans mon entourage. Ai-je toujours été à la hauteur?

- Et?
- Eh bien je n’en suis pas sûre…

- Vous dites avoir retrouvé votre liberté, comment allez-vous en profiter désormais?
- J’ai 50 ans, donc j’ai encore des pages à écrire. J’ai toujours pensé que les choses arrivaient quand elles devaient arriver. Il y a même quelque chose d’excitant à se retrouver devant un livre ouvert, sans savoir quels seront les prochains chapitres. En d’autres termes, c’est parfois assez sain que la vie nous impose d’autres plans que ceux qu’on avait. On va donc considérer qu’il y a aussi de la stimulation à être contrainte de changer d’orientation.

- Géraldine Savary, c’était la politique. C’est toute votre vie. Pouvez-vous imaginer une avenir sans politique?
- Vingt-cinq ans d’engagement, cela ne s’efface pas comme ça. Quoi que je fasse, ça sera en adéquation avec mes valeurs et au service d’un projet collectif. Donc pas si loin de la politique!

- Quels sont vos plans à l’heure actuelle? Vous êtes certainement beaucoup sollicitée.
- J’ai des opportunités, des envies, ça avance, en parallèle avec mon travail parlementaire jusqu’en novembre. Sinon, je ferai comme Sylvain Tesson: quelques semaines à écrire des pensées obscures et profondes dans une forêt de Sibérie…

- 2023, le retour de Géraldine Savary en politique?
- Rien n’est impossible, mais c’est peu probable.


retour sur les faits

Juin 2018: on apprend que Géraldine Savary a participé à plusieurs voyages en Sibérie avec le conseiller d’Etat Pascal Broulis (PLR), des personnalités publiques et Frederik Paulsen, patron de l’entreprise Ferring – au bénéfice d’un forfait fiscal – et consul honoraire de Russie.

De juin à octobre 2018: c’est la déferlante. Une polémique naît autour du versement par Frederik Paulsen sur le compte de campagne de Géraldine Savary et de Luc Recordon (Verts) de 15'000 francs en 2011 et de 10'000 francs en 2015.

Novembre 2018: la justice vaudoise estime qu’il n’y a rien de répréhensible à cela, mais la parlementaire socialiste annonce son retrait de la politique fédérale.


Bio Express

14 novembre 1968: naissance à Bulle (FR).

1991:  licence en sciences politiques à l'Université de Lausanne.

1999: accession à la présidence du Parti socialiste lausannois.

2003: élection au Conseil national.

2007: élection au Conseil des Etats.

2012: élection à la vice-présidence du Parti socialiste suisse.



Par Michel Jeanneret publié le 24 mars 2019 - 09:13, modifié 18 janvier 2021 - 21:03