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Musique

Gjon’s Tears: «Je voulais parler d’exil et de ceux qui restent»

Le chanteur fribourgeois Gjon’s Tears revient avec «Silhouette», une chanson qui fait écho à la guerre et à l’exil forcé. Un thème sombre teinté d’espoir. Rencontre à Lausanne en attendant de pouvoir rejoindre la France, son «rêve américain» à lui.

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Gjon’s Tears

Le chanteur fribourgeois Gjon’s Tears revient avec «Silhouette», une chanson qui fait écho à la guerre et à l’exil forcé. 

Anoush Abrar

Après avoir vécu une année 2021 complètement folle avec une troisième place au Concours Eurovision, une participation à l’émission française «The Voice All Stars», où il s’est hissé en demi-finale, et un prix au MTV Europe Music Awards, c’est un jeune homme posé, au rire facile, que l’on retrouve dans un café lausannois. A l’instar de nombreux artistes, la pandémie a freiné les projets et ambitions de Gjon Muharremaj – son nom à la ville – qui a dû faire face à l’annulation d’une série de concerts.

C’est donc avec fierté et un brin de fébrilité qu’il présente Silhouette, un titre inspiré de son histoire personnelle. «Cette silhouette rappelle celle des personnes qui ont dû quitter leur pays d’un exil forcé, explique le chanteur suisse aux origines albanaises et kosovares. J’avais envie de parler du sentiment de ceux qui restent, qui voient s’éloigner leurs proches à la recherche d’un avenir meilleur. J’ai essayé de me mettre dans la peau de ma grand-mère kosovare et imaginer ce qu’elle a ressenti lorsque mon père a quitté le pays.»
 

L’entame de la chanson, «Jour de sang, violent ravage», évoque la guerre, les histoires que son père a pu entendre – lui-même n’a pas participé directement au conflit – et les silences surtout. Ce qui ne se dit pas. «Il y a beaucoup de pudeur au Kosovo, on garde le sourire malgré les drames. Ma grand-mère a perdu trois enfants. Pas à cause de la guerre mais pour des raisons liées à des besoins primaires, au manque de nourriture et de soins. Elle n’en parle jamais», confie le jeune homme de 23 ans, avant de préciser: «Je n’ai pas voulu tomber dans le pathos ou le discours politique, c’est une chanson qui parle de l’espoir.»

Coécrite en anglais avec Duncan Laurence, le gagnant de l’Eurovision 2019, lors d’un camp à Edimbourg, la chanson a finalement été repensée en français sous la houlette de François Welgryn, connu notamment pour sa collaboration avec la chanteuse québécoise Céline Dion. Pourquoi dans la langue de Molière? «L’anglais est une langue qui rassemble mais le français permet davantage de subtilités. J’ai tenté de décrire des sentiments complexes et ambigus et le français s’y prête mieux.»

L’Hexagone, un marché qu’il vise et qui le fait rêver. Il a signé avec le label Jo & Co et désire s’installer à Paris, mais l’aventure se révèle semée d’embûches. «J’enchaîne coup foireux sur coup foireux. Cela fait depuis mai que je suis censé déménager, mais c’est compliqué. Pour l’instant, je fais des allers-retours et y reste deux semaines par mois. La situation est frustrante, j’ai l’impression de laisser filer des opportunités», déplore le Fribourgeois qui souhaite une carrière dépassant les frontières helvétiques, mais qui reconnaît l’ampleur du défi. «C’est un vrai challenge pour moi. La France, c’est un peu le rêve américain, mais à la sauce européenne.»

 Gjon’s Tears

La chanson a été créée en 2020 lors des sélections pour l’Eurovision. «Pour la petite histoire, elle était arrivée deuxième… derrière «Tout l’univers», le titre que j’ai finalement chanté au concours.»

Daniil Zozulya/ jo&co

Lui qui aime aller vite a dû apprendre la patience. Après son succès phénoménal à l’Eurovision, une performance suivie par plus de 180 millions de téléspectatrices et téléspectateurs, le Gruérien a conscience qu’il ne retrouvera pas une telle visibilité avec la sortie de son single. Il s’en amuse, lucide: «Avec l’Eurovision, j’ai pris l’ascenseur et maintenant je vais prendre l’escalier. J’ai semé des graines lors de mes passages à Paris et notamment lors de ma participation à The Voice All Stars. J’attends que ces collaborations aboutissent, notamment avec Zazie, une chanteuse que j’admire. A la fin de l’émission, je lui ai dit, ainsi qu’à son manager Pascal Nègre, que je ne comptais pas la lâcher et qu’il était hors de question qu’on ne travaille pas ensemble. Aujourd’hui, on planche sur une chanson de mon album, elle à l’écriture et moi à la composition.»

La suite? Un album aux univers très différents. L’artiste n’a voulu s’imposer aucune contrainte et passera du hip-hop à la country et de la pop au… metal, pour une sortie prévue dans l’année, si une nouvelle vague épidémique ne vient pas contrecarrer ses plans. Pour l’heure, il rentre chez lui à Broc fêter la sortie du single avec sa meilleure amie, devenue son assistante. Sur le chemin, il s’arrêtera pour déposer des chocolats à des amis en quarantaine. Une drôle d’époque.

Par Alessia Barbezat publié le 20 janvier 2022 - 08:54