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Le phénomène

La gourou new age de Fiat Lux s'est éteinte

Uriella n’est plus. La Zurichoise, qui disait parler aux anges et qui avait fondé la secte Fiat Lux, avait un temps réussi à régner sur des centaines d’adeptes. Elle avait aussi connu de nombreux démêlés avec la justice.

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Uriella et ses fidèles en prière au siège de Fiat Lux à Ibach, en Allemagne, dans les années 90. Heiner H. Schmitt

Ruisselant de perles, ses boucles noires encadrant de grands yeux lourdement maquillés et un sourire aussi illuminé que ses tenues étaient d’un blanc étincelant: Uriella aurait aisément pu être la tante excentrique fleurant le patchouli de soap-opéras comme «Amour, gloire et beauté», voire figurer dans un remake de «Qu’est-il arrivé à Baby Jane?» Mais non, elle existait bel et bien, sous un nom de scène qu’elle s’était choisi: Uriella. Elle est décédée le 24 février dernier à l’âge de 90 ans.

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Elle acceptait d’être ridiculisée pourvu que l’on parle d’elle et de sa secte Fiat Lux, ici à la fin des années 90. Heiner H. Schmitt

Ces dernières années, la Suissesse, rattrapée par la maladie, s’était faite beaucoup plus discrète. Mais au faîte de sa gloire, elle revendiquait près d’un millier d’adeptes et n’hésitait pas à participer à des émissions reconnues en Suisse alémanique, comme «Kassensturz», qui l’avait filmée touillant l’eau d’une baignoire avec une cuillère en argent pour préparer son eau sacrée. Bref, outre-Sarine, elle était une star. Il est vrai qu’un gourou aussi pittoresque, de sexe féminin qui plus est, cela ne court pas les rues.

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Aidée d’une adepte, Uriella brasse l’eau de la baignoire avec une cuillère en argent pour préparer de l’eau sacrée. Heiner H. Schmitt

Fins du monde

Née Erika Bertschinger-Eicke à Zurich, elle avait grandi dans une famille croyante et sans histoire. Du catholicisme de son enfance, elle aurait gardé une passion pour les anges, Jésus et la Sainte-Vierge. Dès le début des années 1970, elle s’était mise à avoir des révélations.

Son don de clairvoyance aurait été renforcé par une commotion cérébrale occasionnée par une chute de cheval survenue en 1973 et depuis laquelle, entre deux migraines, elle conversait avec les anges. A Noël 1975, entrée en transe, elle découvrait qu’elle était «le porte-parole de Dieu».

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Icordo, un ancien prêtre catholique, a annoncé être le successeur de son épouse. Heiner H. Schmitt

En 1980, après le décès de son deuxième époux, elle fondait à Egg (ZH) le mouvement Fiat Lux («Que la lumière soit»). Et célébrait son premier culte en tant qu’Uriella, entourée de quelques dizaines d’adeptes.

Depuis un centre sis à Schwellbrunn (AR), celle qui prétendait: «Avec le pouvoir divin, je peux guérir toutes les maladies, y compris le cancer et le sida», commercialisait des médicaments contre des maladies graves. Ce que les autorités sanitaires cantonales avaient dénoncé comme du charlatanisme, alimenté par les prédictions apocalyptiques d’Uriella.

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C’est en Forêt-Noire, tout près de la Suisse, que le couple s’était installé, pour des raisons de «chakra». Heiner H. Schmitt

Pas d’alcool ni de sexe

A la fin des années 1990, la Schweizer Illustrierte s’était rendue à Ibach, en Forêt-Noire, non loin de la frontière, où Dieu lui avait intimé de s’installer en 1990 et où elle vivait avec son nouvel époux, un ancien prêtre catholique rebaptisé Icordo, et une trentaine de fidèles qu’elle appelait ses «enfants».

Son mouvement comptait alors, officiellement, quelque 750 adeptes, essentiellement en Suisse mais également en Allemagne et en Autriche. Dans la maison qui sentait la rose, les disciples parlaient à voix basse et l’on servait des crudités biologiques et bénies pour le repas. Les adeptes devaient renoncer à la viande, à l’alcool, aux journaux et à la télévision, mais aussi aux médicaments courants et au sexe. «Dieu est pureté, c’est pour cela qu’une vie pure et ordonnée est notre impératif le plus élevé», expliquait alors Icordo.

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Le blanc dont se parait Uriella était censé repousser les assauts de Satan. Martin Ruetschi / Keystone

Pour être membre de Fiat Lux, il fallait croire à la réincarnation. Uriella était convaincue d’avoir été Marie-Madeleine. Icordo a indiqué avoir auparavant vécu, notamment, sous les traits du réformateur zurichois Zwingli et du compositeur autrichien 
Johann Strauss. Le pape aurait été empoisonné et remplacé par un sosie. Ces déclarations étaient couronnées par un discours apocalyptique; en 1991, la prêtresse avertissait que la fin du monde était imminente et que seuls ses disciples seraient sauvés par des aliens et emmenés en vaisseau spatial sur une planète «nettoyée» du nom d’Amora.

Rebelote en 1997, où, par le biais d’un communiqué de presse, Fiat Lux annonçait la Troisième Guerre mondiale pour l’année suivante, avec «l’invasion» de l’Europe par les Russes et «la disparition de la Californie, de Los Angeles et de Hollywood dans l’océan Atlantique». Interpellée sur ces «inepties» par le journaliste de la Schweizer Illustrierte, elle avait répondu en riant qu’il s’agissait là de «messages divins».

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La Zurichoise effectuant le signe de ralliement de Fiat Lux. Reto Hügin / Schweizer Illustrierte

Ses propos et ses actions controversés l’avaient conduite à plusieurs reprises devant les tribunaux, notamment en 1996 pour homicide par négligence – elle avait été relaxée. En 1998, par contre, elle avait été lourdement condamnée pour trafic de médicaments et fraude fiscale. Elle-même se disait, son éternel sourire aux lèvres, «non coupable aux yeux de Dieu». Ce qui ne l’avait pas empêchée d’être condamnée en appel, en 2002, à reverser quelque 625'000 francs à une ex-fidèle qu’elle aurait manipulée en lui disant qu’elle allait avoir un cancer.

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Uriella, ici avec son époux lors d’une conférence de presse en 1992, fascinait en raison de la loufoquerie de ses déclarations. Mais la Zurichoise avait une face sombre, disait pouvoir guérir des maladies graves comme le sida et manipulait des… Michael Kupferschmidt / Keystone

Au fil des années suivantes, rattrapée par le cancer, elle avait déclaré qu’elle allait se soigner elle-même. En 2015, elle avait redonné de ses nouvelles par le biais d’une lettre demandant la clémence pour un homme emprisonné depuis des années pour actes de pédophilie.

La cérémonie d’adieu s’est tenue vendredi dernier dans l’église catholique d’Ibach. Icordo a annoncé être désormais à la tête de Fiat Lux. Qui ne compte désormais plus qu’une poignée de fidèles. Dieu soit loué.


Par Albertine Bourget publié le 11 mars 2019 - 08:25, modifié 18 janvier 2021 - 21:03