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Guy Parmelin, le conseiller fédéral qui fait du bien

Souvent été raillé pour ses maladresses verbales, le Vaudois a brillamment été réélu au gouvernement. «L'illustré» dressait le portrait du natif de Bursins en 2021 lorsqu'il prenait les commandes de la Confédération.

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Bundesrat Guy Parmelin und Frau Caroline am Morgen vor der Wanderung im Sonnenblumenfeld vor ihrem Haus. Story: 1.-August-Wanderung, Bursins VD 2019 - © Kurt Reichenbach

Guy Parmelin et son épouse Caroline à l'occasion de la balade du 1er Août avec les lecteurs de L'illustré et de la Schweizer Illustrierte en 2019, dans un champ près de leur domicile de Bursins (VD).

Kurt Reichenbach

Première publication le 24 juin 2021 

«Vous avez vu, vous avez vu comme j’étais crédible? J’entends, entre le président Poutine et le président Bidène, le président Parmelin! […] Je suis content. En plus, je vais avoir une belle photo à mettre sur ma cheminée!» A peine le sommet entre Vladimir Poutine et Joe Biden était-il plié que le président de la Confédération se faisait brocarder sur les ondes. En l’occurrence celles de la radio lausannoise LFM, par la voix ici haut perchée de l’imitateur Yann Lambiel. En France voisine, toujours prête à mettre en boîte ces petits Suisses si typiques et inconnus, Yann Barthès allumait «Guy fucking Parmelin», «l’homme, le mythe, la légende» dans son émission Quotidien sur TMC.

>> Lire aussi notre éditorial:  Guy Parmelin ou la revanche du gentil

Les moqueries françaises font bondir François Garçon. Cet essayiste et historien franco-suisse s’échine, dans des ouvrages enlevés comme «Le génie des Suisses» (Ed. Tallandier, 2018), à éclairer nos voisins sur l’excellence du système politique helvétique. «Le ricanement français n’est que la preuve du pathétique snobisme et de l’entre-soi des mentalités du pays. Le plus grand hommage qui puisse être rendu au président suisse, c’est d’être tourné en ridicule car il est inconnu. Le type qui s’efface de la photo, quelle élégance! Le système politique helvétique fonctionne extrêmement bien car il ne s’appuie justement pas sur une poignée de professionnels qui ont tous les pouvoirs et ont fait la preuve de leur incompétence.»

Guy Parmelin

En 2018, il reçoit «L’illustré» sur ses terres, ce que les conseillers fédéraux ne font quasiment plus. Il vit toujours à Bursins (VD), où sa famille est établie depuis des siècles.

Blaise Kormann
SUISSE JOURNEE PORTES OUVERTES FERME

En visite dans une ferme de Puidoux en juin 2019, l’agriculteur-vigneron n’hésite pas à prendre la pose avec un agneau dans les bras.

Jean-Christophe Bott/Keystone

Pan sur la France. Mais quand il s’agit de prendre Guy Parmelin pour cible, les Helvètes ne sont pas en reste. Sa sortie «I can English understand» alors qu’il était candidat au Conseil fédéral et qui lui avait valu jusqu’aux foudres du New York Times lui colle aux doigts comme un vieux sparadrap. Son phrasé alambiqué a été souvent raillé, comme ses maladresses, dont le fameux «oreiller de paresse» en avril 2020, au cœur de la crise covid. «A ses débuts de conseiller fédéral, il ne comprenait parfois même pas les questions en allemand, et en français aussi c’était parfois compliqué de le comprendre. Cela contrastait notamment avec Alain Berset, qui est, lui, un excellent orateur. Il a longtemps été sous-estimé, notamment en Suisse alémanique, parce qu’il était vigneron, qu’il n’a pas fait d’études…» glisse Antonio Fumagalli, correspondant de la Neue Zürcher Zeitung en Suisse romande.

GUY PARMELIN

Les détournements de l’humoriste Thomas Wiesel comme des mèmes liés aux apparitions publiques de Guy Parmelin, font fureur.

DR

«Guy Parmelin, c’est un peu la caricature du Romand dans l’imaginaire helvétique, avec ce que ça comporte de positif comme de négatif, résume le communicant Michael Kamm, à la tête de l’agence Trio. Il a longtemps eu cette image du type arrivé là un peu par hasard, dont on se demande ce qu’il vient faire à ce poste.» «Il a ce côté sympa, content d’être là, mais en même temps si décalé, sans la prestance d’un Pascal Couchepin qui est né président», relève Yann Lambiel. Selon l’humoriste valaisan, avant le covid, «la plupart des gens ne savaient pas qui étaient Guy Parmelin ou Alain Berset. C’est la pandémie qui les a mis en lumière et les a fait émerger. Ils sont devenus des références communes à tous, ce qui n’était plus le cas depuis un bon moment, notamment avec les réseaux sociaux, qui ont fait éclater les références collectives.» «Il a du relief, contrairement à d’autres conseillers fédéraux plus insipides, estime de son côté l’humoriste Thomas Wiesel. Ce côté bonhomme, le triomphe du modèle suisse, cet UDC qui n’était pas le meilleur mais qui faisait le moins peur.»

>> Lire encore notre interview (2018):  Guy Parmelin: «Dans les pires moments je reste optimiste»

GUY PARMELIN

Ce montage (dont nous n’avons pas retrouvé l’auteur) sur les trois présidents – américain, russe et suisse – a été partagé sur les réseaux sociaux le 16 juin dernier.

DR

Entre-temps, il y a eu la crise, la présidence, et le fameux sommet. «Lors de la conférence de presse qui a suivi sa rencontre avec Joe Biden, il a fait de l’humour, raconte Antonio Fumagalli. Si tu arrives à blaguer, c’est que tu es en confiance. Pendant le sommet, il s’est montré présidentiel, a bien joué le rôle qui lui était attribué, même si ce n’était pas très compliqué. Depuis le début de l’année, il gère mieux, est plus sûr de lui. Il a clairement changé.» Le journaliste relève également que, à la suite de la rupture des négociations sur l’accord-cadre des 25 et 26 mai dernier, le Vaudois s’est montré ferme à Bruxelles.«En l’occurrence, cela fait plaisir à son parti, mais sur tout un tas de points, il a défendu des positions contraires à l’UDC. Il se montre très collégial, bien plus qu’Ueli Maurer, et à l’écoute. C’est apprécié.»

GUY PARMELIN

Les détournements de l’humoriste Thomas Wiesel comme des mèmes liés aux apparitions publiques de Guy Parmelin, font fureur.

DR

«La miraculeuse transformation de Guy Parmelin», titrait la semaine dernière le Tages-Anzeiger. «Evidemment, la rencontre avec Biden-Poutine fait que, d’un coup, on le voit comme l’ami des grands», réagit Michael Kamm. Mais, souligne le communicant, ces derniers temps, le conseiller fédéral «a évolué, a fait attention à ne plus commettre certaines erreurs, a affûté sa communication avec les médias. Il a d’ailleurs beaucoup échangé avec Alain Berset là-dessus. En même temps, il reste lui-même, avec ce côté jovial, accessible qui me fait un peu penser à Jacques Chirac.» Du côté du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), on nous indique que «depuis son entrée en fonction en janvier 2021, le conseiller fédéral Guy Parmelin a constamment pris toutes les mesures afin de pouvoir exercer sa charge de la meilleure façon possible». Quant aux caricatures et détournements dont il est la cible, «il en prend la plupart du temps connaissance avec amusement».

SWITZERLAND USA RUSSIA SUMMIT

Le 16 juin, Guy Parmelin accueille le président russe, Vladimir Poutine, à la Villa La Grange.

Denis Balibouse/ EPA/Keystone

Pour cet ancien proche collaborateur de celui qui était alors à la tête du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports, cette réhabilitation en tout cas médiatique d’un conseiller fédéral longtemps à la traîne dans les sondages de popularité n’est que justice. «Je trouve qu’on n’est pas toujours fair-play avec lui, notamment en Suisse alémanique où son côté du terroir a été beaucoup moqué, où il est attaqué sur la forme plutôt que sur le fond. C’est d’autant plus injuste que certains semblent oublier qu’il a une solide expérience politique, en ayant été élu à tous les niveaux, communal, cantonal et fédéral. Sans compter qu’il a beaucoup d’humour», souligne ce collaborateur qui travaille désormais dans un autre département fédéral et préfère garder l’anonymat. Et qui, quand son ancien chef a été élu au gouvernement, a «découvert quelqu’un d’effectivement jovial, mais aussi de sérieux et travailleur, qui a le poids de la tâche sur les épaules. De lui, je dis qu’il est droit dans ses bottes. C’est vraiment le terrien vaudois, qui ne va pas faire de coups tordus, qui dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit. J’espère qu’il est remonté dans les sondages de popularité. Je pense que c’est le cas.»

Bundespraesident Johann Schneider-Ammann, 2. von links, die Bundesraetinnen Doris Leuthard und Simonetta Sommaruga die Bundesraete Alain Berset, Guy Parmelin, Didier Burkhalter und Ueli Maurer, von links, vor der Kirche Ablaendschen waehrend der Bundesratsreise am Freitag, 8. Juli 2016, in Ablaendschen. (KEYSTONE/Lukas Lehmann)

Le Conseil fédéral au complet, lors de sa traditionnelle «course d'école» en juillet 2016, pose dans une ambiance décontractée. 

Keystone

«Ces temps-ci, tout est un peu extraordinaire, poursuit notre source. J’ai reçu un message de quelqu’un de très à gauche pour me dire qu’il avait bien représenté la Suisse la semaine dernière, qu’il avait vraiment bien fait le job en montrant nos valeurs, en étant resté simple et très accueillant. L’année dernière, l’allocution de Simonetta Sommaruga en début d’année, dans sa boulangerie bernoise, avait été passablement critiquée, mais elle a depuis été vue comme la mère de la nation. Cette année, M. Parmelin à la tête de la Suisse, ça rassure et c’est, selon moi, ce dont on a besoin.» De quoi réfréner les ardeurs des humoristes? De loin pas, rigole Yann Lambiel. «Tout le monde le connaît, c’est encore plus drôle!»

Par Albertine Bourget publié le 24 juin 2021 - 08:49, modifié 14 décembre 2023 - 11:40