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Le photographe suisso-brésilien Dom Smaz documente depuis plusieurs années l’histoire méconnue d’une ancienne colonie germano-helvétique fondée en 1818 au Brésil. Une exposition et un livre sont en préparation. Grâce à son travail, découvrez comment cette colonie s'est formée et ce qu'elle est devenue aujourd'hui.
Elèves de l'école Arte Capoeira Bahia devant l'ancienne station de train d’Helvécia, l’un des rares vestiges visibles du passé helvétique de ce village qui se trouve aux confins de l’Etat de Bahia. Ses habitants, essentiellement d’origine africaine, sont les descendants des milliers d’esclaves exploités par des colons suisses et allemands.
Dom SmazLes origines d’Helvécia remontent à 1818 au moins, quand des Allemands décident de fonder la colonie Leopoldina sur les bords du Peruipe. A l’été 1819, Abraham Langhans, un Bernois, ainsi que son associé David Pache, un Vaudois, sont sans doute les premiers Suisses à s’installer dans la région. «Je remercie Dieu d’avoir pris la décision de venir ici», confie Langhans, vantant l’incroyable fertilité de ces terres, où poussent toutes sortes de fruits exotiques. Un véritable jardin d’Eden! Ils sont suivis de peu par Pierre-Henri Béguin et Philippe Huguenin, deux Neuchâtelois. La colonie Leopoldina semble vite prospérer, au contraire de celle de Nova Friburgo, et cela va se savoir sur le Vieux-Continent. «Quelques personnes parlent par contre avec éloge de la situation d’une colonie allemande, peut-on lire dans la «Gazette de Lausanne» du 16 juin 1820, les rivières y sont très poissonneuses; le sol abonde en gibier, en volailles; le climat y est doux, la végétation vigoureuse et les arbres à café, plantés il y a trois ans, offrent déjà leurs richesses aux colons.»
Elèves de l'école Arte Capoeira Bahia devant l'ancienne station de train d’Helvécia, l’un des rares vestiges visibles du passé helvétique de ce village qui se trouve aux confins de l’Etat de Bahia. Ses habitants, essentiellement d’origine africaine, sont les descendants des milliers d’esclaves exploités par des colons suisses et allemands.
Dom SmazLes frères Domingos et Ednilson Krull de Souza sont les probables descendants d’une des plus riches familles de la colonie Leopoldina. Les premiers Krull à être arrivés dans la région étaient neveux et héritèrent des terres du consul de Hambourg à Bahia, Peter Peycke, un des fondateurs de la colonie.
Dom Smaz«Pourquoi tu mets la lumière sur moi, c’est parce que je suis le plus noir, c’est ça?» demande Damacio Jesuino Merilho (au centre).
Dom SmazA l’âge de 105 ans, Dona Cocota, de son vrai nom Maria da Conceição (ici en 2015), est la doyenne d’Helvécia. Elle garde des souvenirs précis du temps de l’esclavage dans l’ancienne colonie. Elevée par son grand-père, elle a conservé intacts les récits qu’il lui en a faits. «Il m’a raconté toute leur vie. Il me parlait d’histoires de famille. Un jour, ils ont arraché un enfant du dos de sa mère pour le jeter dans le four… pour le brûler. Et ensuite, la mère a dû encore continuer à y torréfier la farine.»
Dom SmazLes poupées blanches continuent d’être omniprésentes dans les jeux des petites filles du village.
Dom SmazPlantation de Charles-Louis Borel à la colonie Leopoldina, entre 1826 et 1838. En dessous, copie d’une lettre du 22 août 1888 adressée par le vice-consul suisse de la colonie, Fred. L. Jeanmonod, au consul suisse de l’Etat de Bahia. «Tout va mal par ici, je ne sais comment nous nous en tirerons, nous restons avec des plantations, des dettes et personne pour travailler, s’il n’y a aucune indemnisation pour les ex-esclaves nous sommes tous ruinés, M. Bornand seul excepté.» Le courrier a été envoyé trois mois après la promulgation de la loi d’or du 13 mai 1888 mettant officiellement fin à l’esclavage au Brésil.
DR«J’ai dû confier ce tableau de mon arrière-grand-père au musée, mon fils en a toujours eu une peur bleue. Il croyait que son aïeul le fixait durant la nuit!» dit Rosemar Cerqueira Rafael. Il s’agit de Henrique Sulz, le premier Sulz arrivé dans la colonie. De toutes les familles d’origine suisse à s’être établies dans la colonie, seule la famille Sulz compte encore des descendants sur place. Le nom Sulz, à l’origine Schulz, est le résultat d’une mauvaise transcription à leur arrivée au Brésil.
Dom SmazLa fête de São Sebastião est la plus grande manifestation culturelle d’Helvécia. Cette fête traditionnelle apportée par les Européens rejoue la lutte médiévale entre les Maures (en rouge) et les croisés (en bleu) et dure deux jours. C’est l’événement le plus important du village.
Dom Smaz«Helvécia», 208 pages de photos actuelles et historiques, est en phase de finalisation chez l’éditeur Lars Müller Publishers. Pour soutenir la réalisation du projet, un crowdfunding a été lancé: wemakeit.com/projects/helvecia
Dom SmazA partir de 1850, la colonie Leopoldina devient l’un des plus importants centres d’exportation de café du Brésil. Le succès est tel que la Suisse y installe une agence consulaire dans la ville voisine de Caravelas. Pour cultiver leurs terres, les colons exploitent de très nombreux esclaves. «Ce sont des individus que l’on ne peut conduire qu’avec beaucoup de sévérité, explique David Pache à sa sœur, ils veulent avoir des coups. On me l’avait dit et je n’ai voulu rien croire.»
En 1888, l’interdiction complète de l’esclavage au Brésil portera un coup fatal à la colonie. Les colons suisses vont disparaître presque sans laisser de traces, hormis le toponyme d’Helvécia, du nom de l’une des plantations. Les milliers d’esclaves, arrachés à un autre continent, sont restés. Leurs gènes, mais aussi leur culture, racontent l’histoire d’Helvécia, un village au nom suisse devenu «africain»
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