Joe Biden a un vilain caillou dans la chaussure: son fils Hunter. A 50 ans, l’homme a traversé de méchantes passes (alcool, autres substances plus rudes) et il mène une carrière d’avocat d’affaires qui fait jaser. En 2014, il est entré au conseil d’administration d’une entreprise ukrainienne de gaz naturel, Burisma, à la réputation sulfureuse. Son père, vice-président de Barack Obama, était alors chargé du dossier ukrainien à un moment de grandes turbulences.
Incroyable mélange des genres! Car, bien sûr, Burisma n’avait pas engagé sans arrière-pensée le fils prodigue du numéro deux américain. Le Washington Post, à l’époque, avait jugé sévèrement Joe Biden, parlant d’infamie. On n’avait cependant pu démontrer aucune interférence gazière entre le père et le fils.
Mais depuis que Biden l’aîné est candidat démocrate pour reprendre la Maison-Blanche, les républicains sont en chasse pour abattre l’adversaire en fouillant ce dossier trouble. Trump est même allé jusqu’à faire pression (dans une conversation téléphonique enregistrée) sur Volodymyr Zelensky, le jeune président ukrainien, afin qu’il ouvre une enquête et l’aide à trouver des preuves de corruption contre les Biden. Pour que Zelensky obéisse, l’Américain a suspendu un temps l’assistance militaire à l’Ukraine.
Cette manigance n’a abouti à rien, si ce n’est au déclenchement d’une procédure de destitution contre Trump au moment où elle a été connue. On sait la suite: la Chambre des représentants a voté la destitution, puis le président a été sauvé par le Sénat, contrôlé par son parti.
Fin de la chasse aux Biden? Non, elle vient de reprendre, de manière assez rocambolesque. Rudy Giuliani, ancien maire de New York, avocat de Trump et fouineur en chef dans la traque ukrainienne, dit avoir mis la main sur un laptop contenant tous les secrets intimes de Hunter, chez un réparateur d’ordinateurs du Delaware, Etat de résidence des Biden. Dans la mémoire du portable figure en particulier un e-mail d’un conseiller de Burisma remerciant le fils d’avoir organisé une rencontre avec le père. Eurêka! C’était la preuve de la corruption que cherchait le camp républicain. Giuliani a donné l’histoire au New York Post (un Blick local, en plus salace), qui depuis une semaine en fait ses choux gras et bombarde le camp Biden. Le Post, comme la chaîne de TV Fox News, appartient à Rupert Murdoch, le magnat australien qui a mis ses médias au service de Donald Trump, sans la moindre retenue.
A quinze jours du vote, alors que le président sortant est très mal en point dans les sondages, cette histoire sent le roussi. Hunter Biden aurait oublié son si précieux laptop chez un réparateur, juste pour donner des armes à l’autre camp? Bizarre. Il y a plus troublant: la CIA a récemment averti la Maison-Blanche que le renseignement russe utilisait Rudy Giuliani comme vecteur de matériel de désinformation.
Le New York Post n’en a cure. Il promet d’autres révélations sur les affaires de Hunter Biden en Chine et au Kazakhstan. Si elles sont de la même eau, le démocrate n’a pas à se faire trop de souci. Mais jusqu’au 3 novembre, ça va pétarader.
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Dollars
Le nerf de la guerre n’est pas du côté qu’on croit. Donald Trump, au début de la campagne, avait un énorme trésor de guerre. Ce qui, aux Etats-Unis, où les élections se gagnent aussi à coups de centaines de millions de dollars, est un avantage décisif. Mais le rapport de force monétaire s’est inversé. Après le coup de boutoir républicain pour faire élire au forceps un sixième juge conservateur à la Cour suprême, un énorme flux d’argent, venant d’innombrables donateurs, a rempli les caisses démocrates.
Ce réveil permet à Joe Biden, dans les dernières semaines de la campagne, de supplanter Trump en nombre de spots TV dans la plupart des Etats où va se jouer la décision le 3 novembre. La bataille la plus féroce se mène en Floride: si Biden l’emporte là, il aura gagné. Et pendant que le républicain multiplie les attaques dans ses vidéos («ce sera le chaos, ils vont vous prendre votre argent»), le démocrate évite d’être trop agressif, promet de maîtriser la pandémie et de consolider le système de santé.