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Reportage

Implants capillaires, le miracle low cost

Coiffeur à Morges, Roberto Panto a longtemps été complexé par sa calvitie. En 2018, le figaro a tenté les implants en Turquie. Après une année, le résultat est à la hauteur de ses espérances. Reportage sur une expérience esthétique et humaine et sur une activité en plein boum.

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Didier Martenet

Il y a une année, le crâne dégarni du coiffeur installé à Morges (VD) Roberto Panto était bombé et lisse. On aurait dit les dômes de la célèbre Mosquée bleue d’Istanbul, la ville aux 12 millions d’habitants à cheval entre l’Europe et l’Asie. Il allait la découvrir en allant subir, dans l’une de ces cliniques spécialisées, une transplantation de cheveux. Chaque année, des dizaines de milliers de chauves et d’imberbes, venus du monde entier, s’y rendent en pèlerinage capillaire. On les repère aisément: tous portent un pansement à l’arrière de la tête avec du sang séché sur le dessus.

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Avant l’opération le patient remplit un formulaire. Il est assisté par une accompagnatrice francophone. Didier Martenet

Mais qu’est-ce qui a amené un spécialiste du cheveu dans l’ancienne Constantinople? «J’ai commencé à perdre mes cheveux à 18 ans, dit-il. J’ai ce que l’on appelle une alopécie androgénique.» Ce quadragénaire au contact facile, père de trois enfants, très actif sur les réseaux sociaux sous le nom de Roby Myozaki, coiffe aussi bien les stars de la téléréalité, du showbiz – notamment à Morges-sous-Rire – que celles du gotha ou du foot. Le look de Zlatan et de ses coéquipiers lors de l’Euro 2016, c’est lui. Mais qu’importe la réussite professionnelle, sa calvitie était devenue une obsession. «Je passais huit heures par jour penché sur la tête des autres à réaliser des brushings, des colorations et je n’avais rien sur la mienne.» Dans le privé, c’était une réelle souffrance. «J’en ai fait un complexe. J’assumais mon corps des pieds jusqu’en haut du front, mais pas le reste. Au lit, avec une fille, il m’arrivait de garder ma casquette. J’avais honte.»
Dans son salon de coiffure, près de la gare, ses clients lui servaient indéfiniment la même blague: «Vous ne me faites pas la même coupe que vous!» Roberto a donc décidé de passer à l’acte. L’intervention réussie, il a attendu une année avant de constater le résultat final. Il a des cheveux, c’est un fait, mais le bénéfice est aussi psychologique. «J’ai retrouvé ma virilité», affirme-t-il.

De 3000 à 12 000 francs

Lorsque le crâne se dégarnit, par où faut-il donc commencer? «Faute de conseils personnalisés, cela m’a demandé deux ans de recherches sur le Net», confie Roberto. Les sites sur le sujet ne manquent pas, encore faut-il faire la différence entre la réalité et ce que prônent les vendeurs de rêve. Le marché de l’esthétique, c’est aussi la foire aux illusions.

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C’est la seconde partie de l’intervention: chaque greffon est placé, après incision, avec une pince de façon à reconstituer la chevelure d’origine dans son alignement naturel. Didier Martenet

Celui de la greffe capillaire est en plein boom, à une époque où la coupe pour hommes est devenue savante, multicolore, proche du dessin tribal. On l’exhibe fièrement sur Instagram et les techniques les plus folles permettent des vidéos virales. C’est un accessoire de mode indispensable, au même titre qu’un vêtement. Un signe de reconnaissance, d’appartenance et d’intégration.
La greffe, elle aussi, a évolué. Fini les bandelettes de peau prélevées à l’arrière – le fameux «sourire» découpé sur la nuque – et rajoutées sur la tête.

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Une fois extraites, les unités folliculaires sont plongées dans un sérum afin qu’elles ne sèchent pas. Elles contiennent entre un et quatre cheveux chacune. Didier Martenet

Et quid du prix? En Suisse notamment, c’est un obstacle. Quant au résultat vanté sur catalogue, il est le plus souvent impossible à vérifier. La plupart des greffés sont discrets. «J’ai commencé par me renseigner à Genève. On m’a donné les tarifs, sans plus, avance Roberto Panto. C’était entre 8000 et 12 000 francs.» Prohibitif pour lui. «Alors, j’ai comparé avec ce que proposaient les instituts en Turquie et j’ai opté pour la clinique Estethica.»

Son budget était de 5000 francs maximum. «Le rapport qualité-prix a été déterminant. J’ai payé 2900 francs, forfait hôtel 5 étoiles compris, plus 350 francs de billet d’avion. Et ils sont venus me chercher à l’aéroport.»
Au vu de ces tarifs très compétitifs, certains clients romands – ils ont souhaité garder l’anonymat – ont bénéficié d’une ristourne. A Genève, l’un d’eux a vu sa facture passer de 12 000 à 7000 francs.

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C’est la seconde partie de l’intervention: chaque greffon est placé, après incision, avec une pince de façon à reconstituer la chevelure d’origine dans son alignement naturel. Didier Martenet

La prise en charge

Pourquoi une telle différence? Roberto Panto avance une explication: «En Suisse, les équipes traitantes ne viennent souvent que pour votre seule intervention. C’est un chirurgien qui opère, pas en Turquie. Mais les binômes ne font que ça. La machine tourne non-stop. Une équipe le matin, une autre le soir. On vous traite dans la même journée. En Suisse, c’est souvent sur deux jours.»

Si le client veut avant tout s’assurer du résultat, il cherche aussi à se rassurer. Aller à l’étranger comporte-t-il des risques – hygiène, arnaque – et comment être certain de se faire comprendre? «Dès le début, souligne Roberto, la clinique m’a envoyé des messages personnalisés en français sur WhatsApp. Une correspondante a noué avec moi un lien ininterrompu avant, pendant mon séjour et longtemps après mon retour en Suisse.»

Sur place, dès son arrivée, des hôtesses prennent en charge le patient dans sa langue maternelle: le français, l’anglais ou l’arabe. Le paiement? Il y a une année, on demandait de payer cash. Roberto Panto a dû se rendre au bancomat, ramasser une liasse de billets et régler de la main à la main. Scène quelque peu cocasse. «Depuis, je m’en suis assuré, tout se passe par carte de crédit.»
La personne chargée de l’accueillir lui a proposé, en lui faisant visiter le centre, une série d’autres interventions à la carte: se faire rectifier le nez ou, pourquoi pas, implanter des abdos. Roberto a décliné en riant.

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Dans sa chambre d’hôtel, le jour de l’intervention, Roberto Panto a retrouvé confiance en lui malgré le sang séché et les croûtes sur son crâne. Un soulagement psychologique plus qu’esthétique. «J’avais déjà le sentiment d’avoir des cheveux.» Le… Didier Martenet

La technique

Au moment d’attaquer l’aspect purement technique – une greffe, comment ça marche? – une question logique revient inlassablement: le sujet a-t-il encore assez de cheveux pour pouvoir en prélever? Roberto Panto répond: «Si le haut est dégarni, il en reste sur la couronne: la zone tout autour de la tête au-dessus des oreilles et à l’arrière.» Le champ à récolter est là. «Mais en prélever trop reviendrait à déplacer le problème.» Une fois le bulbe contenant le cheveu extrait, il n’y a plus de repousse possible à cet endroit-là. «Dans la zone de couronne, le cheveu est génétiquement plus fort. De par sa nature et sa qualité, il ne tombera plus une fois greffé. En revanche, il faut savoir que l’on ne peut pas vous greffer les cheveux d’un autre.» Hélas.
Roberto Panto a bénéficié de la technique dite FUE, pour follicular unit extraction. Chaque unité folliculaire extraite comprend entre un et quatre cheveux. Les moins fournies sont posées à l’avant de la tête, les plus chargées iront plus en arrière afin de respecter l’agencement naturel et le sens de l’implantation. Cela évite l’effet aligné dit «champ de poireau».

Roberto Panto sait tout du cheveu depuis son apprentissage, un CFC de coiffeur passé à l’âge de 14 ans. «C’est mon métier. J’ai étudié sa qualité, son entretien. Nous en avons 100 000 sur la tête. Moi, j’ai fait greffer 4500 greffons.»

Petite astuce: avant de partir pour Istanbul, il avait fait tatouer son crâne d’innombrables points noirs afin de donner l’illusion de pigments, comme après un rasage. «Cela ajoute un aspect plus sombre, plus fourni au derme», dit-il.

Quel résultat attendre? En Turquie, il a été prévenu, c’est même écrit sur son formulaire d’approbation: «Atteindre une apparence de brousse est la plupart du temps impossible.» L’autre problème provient des douleurs. «Moi, je n’ai rien senti pendant et après.» Ce n’est pas le cas des Romands greffés à Genève. L’un d’eux a eu des inflammations sur le crâne, puis au visage. Ils ont tous ressenti des douleurs parfois très fortes au moment de l’intervention et lors de la repousse.

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Avant: c’est dans son salon de coiffure à Morges, en mars 2018, que Roberto Panto a été photographié avant de partir. Il avait préalablement fait tatouer des points sur son crâne dégarni. Didier Martenet

Quatre à cinq heures d’opération

Avant de commencer le travail proprement dit, un médecin – la clinique n’a voulu nous communiquer ni son nom ni son grade – a reçu Roberto Panto dans un petit bureau afin de savoir quelle zone de son crâne il souhaitait regarnir. Le «docteur» a ensuite délimité la zone à l’aide d’un feutre. Ensuite, notre coiffeur a été emmené en salle d’intervention. Le tout a duré – en deux temps, prélèvement puis greffe – entre quatre et cinq heures, entrecoupées d’une pause repas.

Roberto Panto n’a rien vu du geste minutieux dont il a bénéficié. Ici, ce ne sont pas des chirurgiens qui opèrent, mais de petites mains aguerries. Une dose massive d’anesthésiant – quatre pleines seringues – a été injectée dans le cuir chevelu préalablement rasé. On ne peut pas retirer un follicule si le cheveu fait plus de 1 millimètre.

Au fait, quels sont les risques? Aux paragraphes du formulaire préalablement lu et approuvé, il est précisé: «Une réaction allergique est rarement capable de causer la mort.» En cas de problème, un médecin interviendrait immédiatement, assure la clinique.

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Après: mars 2019: un an s’est écoulé et Roberto a le sourire. Il peut désormais se coiffer. Lorsque ses clients demandent «la même coupe que lui», c’est un gage de succès. Didier Martenet

Mille cas par mois

Une fois prélevés, les greffons forment une masse ressemblant à de minuscules larves. Ils sont déposés dans un sérum physiologique qui les empêche de sécher. Ensuite, les deux intervenants incisent la zone à greffer et placent les follicules un par un à l’aide de brucelles au bec recourbé. Ce travail demande patience et dextérité. Cette seule clinique istanbuliote compte des dizaines de collaborateurs qui se relaient dans quatre établissements différents du matin au soir. Mille cas sont traités par mois.

A la fin de l’intervention, l’arrière du crâne où les greffons ont été prélevés est protégé par un pansement. Puis, au rez-de-chaussée, l’hôtesse d’accueil va donner à Roberto Panto les instructions nécessaires. Elle lui fournit un coussin gonflable à mettre sous la nuque la nuit – il ne faut pas que la peau, encore à vif, vienne frotter contre l’oreiller et se mettre à saigner – plus des crèmes, un shampoing et des antidouleurs à titre préventif. Ce jour-là, sans même passer à l’hôtel pour se reposer, Roberto Panto est parti visiter le souk du grand bazar. Il s’est réjoui devant chaque miroir: «J’ai enfin des cheveux!» répétait-il, même si son crâne avait un aspect croûteux peu avenant. Le lendemain, il a grimacé pour la première fois au moment de se faire retirer son pansement. «Aïe, ça pique!»

Retour en Suisse

Enfin, à l’aéroport, avant de repartir pour la Suisse, Panto a croisé des Italiens avec un drôle de dessin ondulé en guise de frange et une rougeur sous le menton. Surpris, il les a interrogés. «Comme ils n’ont pas assez de follicules, on leur a prélevé de la barbe pour la greffer sur la tête. Moi qui suis coiffeur, je n’ai jamais entendu parler d’une chose pareille. Ils devront revenir dans six mois afin de compléter le travail. Les pauvres…»
Pour lui, ensuite, ce fut une affaire de patience. «Dans un premier temps le cheveu issu du greffon pousse, mais très fin, comme celui d’un bébé. Puis il tombe, c’est normal. Ensuite, il repousse, plus fort.» S’il faut une année pour constater le résultat définitif, au bout de quelques mois déjà la greffe donnait des signes très encourageants.

De retour à Morges, Roberto Panto n’a pas attendu le délai de repos indiqué. Un turban sur la tête et il était déjà au boulot, racontant son aventure à ses clients médusés.

Une année plus tard, il nous confie que les hommes lui demandent désormais: «J’aimerais la même coupe que vous.» «Pour moi, entendre ça, c’est l’extase.» Il joue même les prescripteurs auprès de ceux qui voudraient, comme lui, combler une calvitie sans devoir rechercher des infos et surfer pendant deux ans.

Se faire greffer des cheveux est donc devenu une formalité. Les chanteurs, comédiens et gens de médias en sont les premiers bénéficiaires. Ils ne s’en cachent plus. Comme le chanteur et ex-juré de The Voice Florent Pagny, le journaliste Yves Calvi ou l’animateur de Touche pas à mon poste! Jean-Michel Maire. Filmé lors de ses rendez-vous, il fait de la promo pour une clinique parisienne. Sans parler d’Elton John, de l’acteur Nicolas Cage ou, plus récemment, de Johnny Depp.

Roberto Panto, l’as des ciseaux, sait désormais qu’il fait partie d’une grande famille d’artistes

publié le 15 juillet 2019 - 09:58, modifié 18 janvier 2021 - 21:04