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«J'ai transformé ma voiture en véhicule électrique»

On n’est jamais mieux servi que par soi-même. C’est ce qu’a voulu prouver un quadragénaire zurichois en transformant sa voiture à moteur à essence en une rutilante familiale électrique, pour montrer à ses enfants «qu’on peut tous s’investir pour la planète».

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Quatre ans et 25 000 km plus tard, la famille Neuweiler utilise toujours quotidiennement le véhicule. «J’ai beau chercher, je ne trouve pas un seul désavantage à notre voiture», assure Michaël Neuweiler. Paolo Dutto

«Si vous m’aviez dit que je convertirais un jour ma voiture thermique en véhicule électrique, je vous aurais ri au nez.» L’homme qui se marre de sa propre blague a 46 ans, est marié, père de deux enfants de 8 et 12 ans et travaille tous les jours comme informaticien, dans la région de Zoug. Un «mec normal», dirait Coluche, pas spécialement doué pour la mécanique, mais avec une idée derrière la tête qui le titillait depuis des années: prendre ses distances avec le pétrole pour assurer sa mobilité et celle de sa famille afin, selon ses dires, de ne plus financer des pays impliqués dans des guerres pour l’or noir.

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Michaël fait le «plein» de sa voiture en huit heures. «Avec une recharge rapide dont l’installation coûterait 1000 francs, cela prendrait vingt minutes. Mais je n’en ai pas l’utilité.» Paolo Dutto

Noble aspiration. Manquait juste le véhicule (en 2013, la Tesla S n’était pas encore en vente en Suisse) et le déclic pour passer du rêve à la réalité. Un coup d’accélérateur – pour parler en langage bagnole – qui adviendra en tombant par hasard sur le film «Who Killed the Electric Car»? («Qui a tué la voiture électrique?»). «Ce soir-là, j’ai décidé que j’en voulais une. J’ai fouillé sur le Net et je me suis dit: «D’autres l’ont fait, pourquoi pas moi?»

C’est ainsi que, au printemps 2013, Michaël Neuweiler s’est mis au boulot. Point 1: acheter une voiture à son goût et suffisamment spacieuse pour accueillir une famille. Ce sera une Volvo S80 2,5 l turbo d’occasion, année 2008, 170 000 km au compteur. Prix: 12 000 francs. Point 2: choisir une batterie adaptée aux paramètres du véhicule. Prix: 16 000 francs. Point 3: se retrousser les manches et faire le job avec le nombre de grattages de tête qu’on peut imaginer. «Cela m’a pris tous mes loisirs et mes vacances durant trois ans.»

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Sous le capot, la batterie dont les cellules sont reliées entre elles. Paolo Dutto

Patiemment, méthodiquement, le citoyen de Maschwanden avance dans son ambitieux projet, dont la facture finale s’élèvera à 45 000 francs. «Le plus gros défi a été de fixer le moteur électrique à la transmission existante. Grâce aux conseils de quelques professionnels de la branche, j’ai fini par m’en sortir.» Mais encore fallait-il faire expertiser cette voiture avec sa nouvelle motricité. «J’avais franchement la trouille.

Et puis, bingo. Non seulement elle a passé le cap à la deuxième visite, mais, de plus, l’expert m’a complimenté en disant n’avoir jamais vu une aussi belle voiture transformée.»

Un examen réussi avec mention et la bénédiction de l’Office fédéral des routes (Ofrou). «Si la transformation respecte les prescriptions en matière de sécurité et d’équipement technique, celle-ci est tout à fait légale», indique Guido Bielmann, le porte-parole de l’institution dépositaire de la loi sur la circulation routière.

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A côté du rétroviseur, le bouton d’arrêt d’urgence, obligatoire. Paolo Dutto

Quatre ans et 25 000 km plus tard, la famille Neuweiler utilise toujours quotidiennement le «carrosse» qui fait sa fierté. Mais pas que. «Par cette démarche, je voulais aussi apprendre à mes enfants que, dans la vie, il faut avoir des objectifs, leur démontrer que chacun d’entre nous, dans son coin, peut changer quelque chose qui profitera à tous. Aujourd’hui, ils ont compris que, en contrepartie des vacances que nous avons sacrifiées, nous n’irons plus jamais à une station-service, si ce n’est pour gonfler les pneus, sourit Michaël, avec une pointe de fierté. «Avec une autonomie de 240 km, elle suffit largement à nos besoins. De plus, la sensation de conduite est simplement merveilleuse. Je glisse sur l’autoroute avec des vibrations à peine perceptibles», décrit le quadragénaire, aux anges.

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Les cadrans, traditionnels ou digitaux indiquent la charge restante, la température du moteur, etc. Paolo Dutto

Emporté par son enthousiasme, Michaël a même songé à faire du «rétrofit» (action d’électrifier sa voiture ancienne pour pouvoir continuer à l’utiliser) son métier. «Mais j’ai vite abandonné cette idée. En Suisse, cela coûterait beaucoup trop cher.» A contrario, le Zurichois prête volontiers sa belle voiture aux curieux qui veulent la tester. Mieux, il se déclare prêt à conseiller et même à aider ceux qui voudraient franchir le pas.

A Lucerne, un autre passionné a transformé avec le même succès son pick-up Chevrolet Task Force de… 1957! A Bâle, c’est une 2CV de 1984 qu’un ingénieur a électrifiée. De leur côté, de petites PME s’y mettent gentiment. Mais en haut du podium, nous placerons cette équipe d’étudiants de l’Institut fédéral suisse de technologie (ETH) et des sciences appliquées de l’Université de Lucerne, qui a mis au point un prototype sportif, la Grimsel, détenant le record du monde d’accélération d’une voiture électrique: de 0 à 100 en 30 mètres et en 1,513 seconde. C’est près d’une seconde de mieux qu’une formule 1. Ce qui fait dire à Michaël Neuweiler que, en matière de propulsion électrique, l’Helvète a de la Suisse dans les idées…

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Le petit Philipp, âgé de 9 ans en 2017, a dessiné la voiture transformée par son papa. «Il était très fier de la voiture, de moi et de son dessin», se souvient Michaël, hilare. Paolo Dutto

La technologie de demain date d’avant-hier!

Nos arrière-grands-parents roulaient à l’électrique et battaient des records.

Souvent présentée comme une avancée révolutionnaire, la voiture électrique trouve en fait ses origines dans un lointain passé. Au XIXe siècle précisément. La toute première voiture électrique date en effet de 1834 et sa première commercialisation de 1852. Dix ans avant l’émergence du moteur à explosion, plus complexe. Mais les premiers modèles ne sont pas équipés de batterie rechargeable. L’invention de cette dernière remonte à 1859. Bien que l’autonomie dépasse péniblement 20 kilomètres et la vitesse 30 km/h, la voiture électrique connaît un succès certain.

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Une Detroit Electric, la voiture américaine à la mode dans les années 1900, que l’épouse de Henry Ford en personne refusa d’abandonner malgré l’arrivée des voitures à moteur thermique construites par son mari. The Granger Collection, New York / The Granger Collection

Grâce aux femmes notamment, auxquelles elle épargne la corvée de la mise en route du moteur avec une manivelle, comme l’exige le moteur à essence. Rouler sans bruit et sans émettre un gros nuage noir est également – déjà – un argument qui favorise cette technologie. En 1899, une voiture électrique au doux nom de la Jamais Contente dépasse pour la première fois les 100 km/h (105). C’est l’apogée. A New York, les taxis fonctionnent à cette énergie et, dans les premières années de 1900, on estime à près de 40% le nombre de véhicules électriques aux Etats-Unis.

1910 marque à la fois le pic de production et le point de basculement entre les deux types de motricité. Malgré l’invention par Edison de la batterie fer-nickel, l’apparition de la Ford T à moteur à explosion change la donne. Le montage des véhicules à la chaîne abaisse les coûts et l’arrivée du démarreur électrique à la place de la manivelle améliore considérablement le confort. En dix ans, la Ford T, dont le prix ne cesse de baisser et l’autonomie d’augmenter, signe l’arrêt de mort de sa concurrente électrique.

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La Jamais Contente, voiture électrique belge en forme de torpille, qui a franchi pour la première fois de l’histoire le cap des 100 km/h (105) le 29 avril 1899. akg-images

Détail cocasse, Clara Ford, l’épouse de Henry, et leur fils Edsel refusent catégoriquement d’échanger leur Detroit Electric contre la Ford fabriquée par leur mari et père. Malgré cet acte de résistance quasi héroïque, le véhicule électrique deviendra par la suite une prophétie jamais accomplie jusqu’au choc pétrolier de 1973, qui contribuera à rouvrir le dossier. Cinquante ans plus tard et 186 ans après son invention, on attend toujours la vraie révolution…


L’électrique, chère ou pas à l’entretien? Le point

Une panne sur un moteur électrique peut vite grever votre budget. Mais entre les garanties et la fréquence présumée moins élevée des problèmes, il faut relativiser, estiment les défenseurs de la technologie.

L’un des arguments de vente des constructeurs de véhicules électriques est le coût limité de leur entretien. Moins de pièces susceptibles de tomber en panne, donc coûts bas. Enfumage ou réalité? Tout dépend de la lecture que nous faisons des chiffres. Pour l’assureur néerlandais Autotrust, une réparation moyenne coûte deux fois plus cher, même si un véhicule électrique tombe moins souvent en panne. Cela s’explique par le fait que les pièces sont jusqu’à dix fois plus onéreuses que pour une voiture classique. Les auteurs de l’étude citent l’exemple d’un SUV électrique où le remplacement du servofrein coûte plus de 4000 francs alors que, pour le modèle thermique, la même opération ne coûte que 360 francs.

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Michaël Neuweiler n’est pas le pionnier du «rétrofit» en Suisse. Peu de temps avant lui, un écologiste lucernois, Walter Fassbind, a électrifié de ses mains son vieux pick-up Chevrolet Task Force 3100 de... 1957! DR

Selon Autotrust, l’absence de concurrence contribue à faire grimper les prix. A cause de cette situation, on ne trouve pratiquement pas de pièces «pirates» qui permettent de réduire les coûts, note le rapport. L’assureur affirme également que les voitures électriques ne sont pas toujours faciles à réparer, ce qui signifie que les gros composants doivent souvent être remplacés. Autant de conclusions qui ont été soumises aux experts de la société Stroohm, dont la compétence dans la mobilité électrique fait autorité. Et ceux-ci ont largement nuancé et pondéré les données de l’assureur. Leur credo? Si votre voiture nécessite quatre fois moins d’entretien, ce qui est généralement le cas des véhicules électriques, le coût de ce dernier sera au final deux fois moins cher.

De plus, chaque marque donne une garantie moyenne de six à huit ans sur le groupe motopropulseur et la batterie, de sorte que les montants ne sont pas toujours à la charge du propriétaire. Stroohm reconnaît toutefois que les coûts de réparation des véhicules électriques sont parfois élevés, mais constate une amélioration rapide, en soulignant que de nombreuses pièces peuvent encore être optimisées en termes de réparation. «C’est un savoir-faire qui suit automatiquement dès que plusieurs entreprises commencent à s’y spécialiser», conclut la société.


Par Rappaz Christian publié le 11 mars 2020 - 08:39, modifié 18 janvier 2021 - 21:08