La décision est tombée: jeudi, l'Organisation Miss Suisse a libéré de ses obligations et retiré son titre à Jastina Doreen Riederer, Miss Suisse 2018. L'Argovienne de 20 ans n'aurait pas respecté à plusieurs reprises des termes de son contrat et aurait été longuement injoignable, comme le relève 20 Minutes.
Voici le portrait de la belle que nous avons publié en mars 2018.
Au début, on la surnommait Raiponce, Rapunzel outre-Sarine, rapport à la longueur, 88 centimètres précisément, de sa chevelure chocolat. Jastina Doreen Riederer, 19 printemps, faux cils et sourire mégablanc, est donc une héroïne Disney.
L’Argovienne, gestionnaire de commerce de détail, vit dans un royaume fort, fort lointain, Spreitenbach, 12 000 âmes. Elle demeure, avec son chihuahua, India, et sa mère, Teresa, dans une villa qui se veut palais, toute décorée de rose pâle et de blanc pailleté. Un boudoir surréaliste qui forme l’écrin où la jeune Jastina rêvait à ce destin couronné, enchaînant les castings et les cours de mannequinat dès l’âge de 5 ans. Mais cette princesse n’était pas fille d’un roi. Juste la dernière-née d’une fratrie de trois, cadette de Georges, patron d’une entreprise de transport. Banni du foyer depuis un an, dans les affres d’un divorce houleux, le père de famille aurait des rapports «compliqués» avec Jastina Doreen.
Plus les jours passent, plus l’univers de la jeune femme est exposé. Victime de mobbing durant son enfance, ultrachoyée par ses parents, jalousée pour sa beauté et ses lèvres trop pulpeuses, elle n’a jamais fait la cuisine ou passé l’aspirateur. La plus jolie fille du pays confesse n’avoir quasi pas d’amis et n’a pas encore connu l’Amour. Sa maman, Teresa, est son âme sœur. C’est elle qui a inventé le prénom de sa fille qui commence par un J. Comme celui de Jennifer, la sœur de Jastina, et de ses nièces. Inséparables, mère et fille se sont fait tatouer le même petit ruban rose au creux du poignet, un nœud… presque coulant.
Et puis soudain, c’est le bouquet, ni de roses ni de laurier: Jastina Doreen est démasquée. Elle est passée entre les mains d’un chirurgien esthétique, pour augmenter la taille de ses seins. Elle avait jusque-là démenti. La voilà qui avoue, sur son compte Instagram. Elle avance une explication médicale avant de se raviser pour évoquer des raisons personnelles. Le règlement du concours Miss Suisse n’interdit pas la chirurgie esthétique pour autant qu’elle soit effectuée avant le couronnement, mais les organisateurs jurent ne pas avoir été au courant de l’opération de la jeune femme.
Tollé général. On accepte pourtant gaiement qu’une Miss se blanchisse les dents, rallonge ses cheveux ou apprenne à marcher en cadence et en maillot de bain, mais celle-là a eu l’outrecuidance de retoucher à la beauté que la nature lui a donnée. Le scandale, bizarrement, est immense. A croire que les Helvètes ne savent pas que, en matière de chirurgie esthétique, la Suisse talonne le Brésil, 54 000 opérations en 2015. Et le vent n’est pas près de tourner. En 2003 déjà, élue Miss Photogénie, Maria Dolores Dieguez, devenue depuis l’épouse de l’acteur britannique Joseph Fiennes, avait confessé s’être fait retoucher la poitrine. Jastina Doreen n’est pas la première et ce ne sera sans doute pas la dernière.
D’héroïne Disney, la jeune femme est devenue une créature de manga japonais, mi-lolita, mi-princesse trash. Elle n’a pourtant jamais caché ses ambitions: devenir Miss Suisse et défiler un jour, en sous-vêtements et quelques grammes de plumes, pour la marque de lingerie Victoria’s Secret. Incapable de disserter sur la politique suisse, avouant son ignorance en matière d’actualité, cette très jeune femme a surtout commis la faute de goût ultime. Désarmante de candeur, elle n’a aucun complexe à avouer son amour de l’apparence. Sa mère, avant elle, cultivait le désir de voir ses enfants briller par leur beauté. L’aîné des enfants Riederer, Tommy, 34 ans, a concouru en 2009 pour le titre de Mister Zurich. Non, Jastina Doreen, elle, ne se rêve pas médecin, avocate ou archéologue comme d’autres Miss avant elle. Cette élection était un but et non une parenthèse dans des études universitaires. Non, Jastina Doreen n’a pas honte que sa beauté ne soit pas 100% naturelle. Elle dit même «que la chirurgie esthétique n’est pas un péché. Il faudrait que la société n’en fasse pas un tel tabou.» En 2018, le tabou, c’est peut-être de constater que certaines jeunes femmes rêvent encore, avant tout et surtout, d’être jolies.