1. Home
  2. Actu
  3. De jeunes entrepreneurs, des idées, et ça marche!
Entrepreneurs

De jeunes entrepreneurs, des idées, et ça marche!

Jeunes, intelligents, passionnés et courageux, d’une bonne idée ils ont fait une entreprise couronnée de succès. Rencontre avec ces audacieux dont la Suisse peut être fière.

Partager

Conserver

Partager cet article

file721pw2u5xgk4xjsebfj
Blaise Kormann
file721pw2iuhk21426maluc
«Bruce Wayne, héros le plus connu du monde, incarne notre lutte contre le travail au noir. Les femmes et hommes de ménage sont les héros du quotidien: il fallait les valoriser», lancent Eric et Andreas, dans leurs locaux lausannois. L'Illustré / Blaise Kormann

«Il ne suffit pas d’avoir une idée. Il faut travailler! »

Eric Laudet et Andreas Schollin-Borg, 33 et 30 ans
Ces deux copains ont fondé Batmaid, plateforme de nettoyage pour particuliers et entreprises.

Ils se sont rencontrés autour d’un «beer-pong». Rien ne prédestinait Eric et Andreas, universitaires au solide bagage en économie, à créer la première plateforme verticale suisse qui met en contact clients et personnel de ménage, déclaré et assuré. Et pourtant…
La bonne idée?
En 2013, Andreas vit à New York. Son amoureuse lui rend visite, le voilà contraint de trouver une femme de ménage, via Handy.com, intermédiaire entre particuliers et prestataires de services indépendants. L’idée l’inspire. De retour en Suisse, Andreas convainc alors Eric de le rejoindre dans son aventure naissante. «On a créé une market place, se rappelle l’ancien spécialiste en négoce de matières premières. Tout était à construire. Tant en termes de fonctionnement que de business model.»
Le défi?
Andreas passe un certificat de nettoyage, trois mois de cours entre janvier et mars 2015. Le duo bosse jour et nuit, à tous les postes, habité par la passion. «Une pression saine mais intense.» «Il ne suffit pas d’avoir une idée, insiste Andreas. Il faut travailler! De 40 batmaids au début, il en existe aujourd’hui plus de 1000, en Suisse et au Luxembourg. Payées un minimum de 25 francs de l’heure, elles sont assurées et déclarées.» Malgré la croissance rapide de leur affaire, Andreas et Eric veulent assurer «une qualité constante dans les prestations fournies et la gestion de l’équipe».
Le coup de pouce?
Le marketing maîtrisé, un design sympathique, l’élection d’un employé du mois et l’écriture d’une bible du ménage pour uniformiser la pratique ont fait le buzz. L’affaire des trentenaires profite ainsi d’un relais médiatique bien utile.
Et demain?
Andreas et Eric, qui ont aussi fondé Gotham, surface de coworking, rêvent de créer une école de ménage, d’ouvrir les services de Batmaid à d’autres corps de métier. Et, pourquoi pas, d’offrir ces prestations aux entreprises. L’homme chauve-souris doit avoir le tournis!


file721pw2u5xgk4xjsebfj
Serge Gander, directeur général et Charles Karlen, directeur technique de Combagroup. L’idée est de Benoît de Combaud. La première serre de production automatisée de batavias de la jeune société de Molondin (VD) est en construction en France. Blaise Kormann

«Nos salades sont parfaites et heureuses»

Charles Karlen et Serge Gander, 33 et 52 ans
Ce directeur en production industrielle et son CEO, entrepreneur, sont à la tête de Combagroup, leader mondial des salades en aéroponie.
Ce ne sont pas des salades: ces deux-là sont les dieux de la laitue et de la batavia! Serge Gander, CEO et entrepreneur, et Charles Karlen, ingénieur, sont les artisans du succès de ces salades révolutionnaires qui poussent toutes racines à l’air, en aéroponie, dans le Jura-Nord Vaudois, à Molondin.
La bonne idée?
La bonne idée vient de Benoît de Combaud, ingénieur en logistique, qui constate, frustré, les pertes colossales engendrées par la culture classique des salades. «En culture traditionnelle, on ne vend que 30% de ce qui a été planté, explique Serge Gander. Avec notre façon de faire, c’est 75%.» Benoît de Combaud invente et innove puis se retire de l’affaire en 2017. Charles et Serge travaillent désormais avec une équipe de 15 personnes.
Le défi?
«De l’idée à la vente, il a fallu sept ans», explique Charles. La serre pilote fait 300 m2 et sert de labo expérimental d’agronomie et de démonstration. «Nous poussons les concepts à l’extrême et les idées sont modélisées à l’aide d’une imprimante 3D.» Une salade est constituée à 95% d’eau. «Contrairement au vin, qui a besoin du terroir pour exprimer son goût, la salade peut être nourrie uniquement d’eau et d’oligoéléments pulvérisés sur ses racines.» C’est cette idée, l’équipement, les secrets de fonctionnement et la serre en kit, le tout breveté puisque unique au monde, que l’équipe commercialise avec succès. Les dieux de la salade ont compris comment contrôler totalement le climat dans leur serre et éviter ainsi les menaces qui planent habituellement sur les salades: les insectes et les microbes, le stress thermique, l’exposition aux éléments, et pourquoi pas les lapins!
Le coup de pouce?
Alors que les grands distributeurs sont toujours plus soucieux d’abolir les variations sur le prix, l’invention de Combagroup et ses «salades heureuses et parfaites» tombe à pic. «Le label Swiss made et les avantages de l’aéroponie intéressent beaucoup les investisseurs. On produit en toutes saisons des salades écologiques, sur moins d’espace, en utilisant 30 fois moins d’eau, et en mécanisant la récolte.»
Et demain?
«On va construire ici, avec un producteur, une serre commerciale et continuer à exporter la technologie.» L’Australie, Hongkong, la France et l’Angleterre s’intéressent aux salades de Molondin. Qui coûtent quand même 5 millions par hectare, où poussent près de 3,5 millions de têtes de laitue par an.


file721pw3o1mh410inhbdok
Dans les locaux de «coworking» Gotham, à Lausanne, Laurent (à g.) et les frères François et Pascal (à dr.) posent avec des devises: symbole de l’argent qu’ils espèrent faire économiser aux utilisateurs de services de transfert d’argent international. L'Illustré / Blaise Kormann

«On veut rendre le monde plus transparent»

Laurent Oberholzer, 27 ans, Pascal et François Briod, 27 et 29 ans
Laurent et François se sont connus en HEC à Lausanne. Avec Pascal, le frère de François, ils ont créé un site, Monito, qui compare les prestations des entreprises de transfert d’argent.
Enfants, Pascal et François envoyaient une partie de leur argent de poche via Western Union à une association au Cameroun. Laurent, lui, recevait le montant de sa bourse d’étudiant en francs suisses sur un compte dans une banque de Hongkong, lors d’une année d’échange là-bas. La bonne idée de cette équipe soudée est née d’une frustration et d’un solide sens de la solidarité.
La bonne idée?
En réfléchissant à un projet de start-up à présenter à des investisseurs lors d’un workshop à l’EPFL en 2013, Pascal et François, devenus camarades d’études en HEC, se rappellent l’argent perdu, gaspillé en taux de change et frais obscurs. Ils se rendent compte que des millions de migrants à travers le monde y laissent eux aussi des sommes colossales. Ainsi naît leur idée de start-up: un système simple et clair qui référence et compare les options de transfert d’argent. «On applique un modèle d’affaires à une nouvelle industrie et on rend plus transparent un monde jusque-là opaque.»
Le défi?
Le duo devient vite un trio. «Notre force, c’est notre cohésion. L’équipe fait beaucoup. Il a fallu tout créer, à partir de rien, petit à petit, à raison d’un travail colossal.» N’empêche: le premier investissement de la start-up est un babyfoot. Au début, le trio travaille depuis un hangar, avec des rats pour compagnons. «On s’est lancés, à plein temps, en 2015. Les utilisateurs nous disaient: «Qu’est-ce qui existe pour ce pays?» «Ensuite, raconte Pascal, il a fallu convaincre des opérateurs de transfert et des prestataires de services de nous faire confiance. Il ne faut pas laisser la peur nous diriger. La frontière entre le bluff et l’audace est parfois ténue», concèdent-ils en un sourire.
Le coup de pouce?
En novembre 2017, le magazine Forbes classe Monito parmi les dix start-up les plus prometteuses du secteur technologique. Le nombre de migrants qui envoient de l’argent au pays ne cesse de croître. «Aujourd’hui, nous listons plus de 450 opérateurs de transfert et banques entre 168 pays, explique Laurent. La richesse n’est pas un but en soi, mais avoir un impact mondial, social et économique aurait aussi forcément pour corollaire un succès privé.»
Et demain?
«On aspire à devenir le Booking.com du transfert d’argent, assène l’équipe. Nous pouvons compter sur trois employés. Nous projetons d’avoir doublé notre effectif dans les douze prochains mois.» Economie espérée: 28 milliards de frais de transfert en moins pour les migrants.


file721pw371yahh9trvmua
Wendy Lee Queen et Daniel T. Sun dans leur laboratoire de l’EPFL Valais, à Sion, avec leur poudre qui fait office de filtre. La surface absorbante de ses grains est telle qu’un «trou» de cette «éponge» est 50 000 fois plus petit qu’un cheveu humain. L'Illustré / Blaise Kormann

«Notre but? Que chacun ait droit à une eau pure»

Wendy L. Queen et Daniel T. Sun, 37 et 27 ans
Cette professeure de chimie à l’EPFL et son doctorant, tous deux Américains, ont inventé en Suisse une poudre qui filtre les métaux lourds dans l’eau.
Daniel Sun a rejoint son professeur, Wendy Queen, au pied des Alpes, «parce que, ici, c’est le top du top mondial en matière de laboratoire de recherches.» Leur truc? «Inventer de nouveaux matériaux!» jubile Daniel.
La bonne idée?
Un jour de printemps 2016, en essayant d’assembler deux blocs de structure moléculaire, Daniel a conçu «presque par hasard» un composite MOF/polymère stable dans l’eau. Il montre la réaction qu’il venait d’observer à Wendy. «J’ai dit: «Gosh! Il se polymérise! Imagine le potentiel!» se souvient l’Américaine. Répondant au petit nom charmant de Fe-BTC/PDA, ce composite final est une poudre qui ressemble à du sable et fonctionne comme une éponge. Il absorbe et élimine les métaux lourds qui peuvent se présenter dans l’eau. En quelques secondes, il débarrasse plus de 1,6 fois son propre poids de mercure et 0,4 fois son poids de plomb. Un gramme de cette poudre peut absorber un terrain de football!
Le défi?
La découverte est spectaculaire. L’EPFL s’empresse de breveter l’invention du duo, sous le nom du labo, celui de l’université et des inventeurs. «Le défi est maintenant de tester cela sur des eaux usées de centrales d’épuration et des échantillons d’eau contaminée, envoyés par des ONG du monde entier», explique Daniel.
Le coup de pouce?
Les médias et la communauté scientifiques s’emballent: l’article, écrit par Daniel et Wendy, a été téléchargé plus de 85 000 fois. Le potentiel de la découverte est immense, car le procédé peut être adapté à différents types de substances que l’on trouverait dans l’eau, hormones et bactéries comprises. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Avec le changement climatique, la thématique est plus que jamais d’actualité.
Et demain?
«Dans deux ans, nous devrions avoir testé et produit le matériel à large échelle, dit Wendy. Il faut aussi fabriquer un contenant qui servira de filtre, afin de récupérer les substances absorbées – fer, plomb ou mercure – qui peuvent être recyclées. On ne sait pas encore si nous allons créer une start-up ou vendre l’invention à d’autres. Mais nous aimerions que notre découverte puisse servir des buts humanitaires. Le droit à une eau pure et non contaminée devrait exister pour chacun. Il y a d’énormes enjeux politiques et économiques autour d’une invention de ce type.»


file721pw2ua31c13ni3xk0k
Mélanie Mojon, 28 ans, CEO de Kokym, dans sa boutique de Morges, avec quelques-uns de ses produits cosmétiques, dont les fameuses fragrances qui servent à remplir les bouteilles de parfum rechargeables. L'Illustré / Blaise Kormann

«Il faut être un peu fou pour se lancer à 23 ans»

Mélanie Mojon
Enfant de Bière, la responsable en communication a tout plaqué il y a cinq ans pour créer Kokym, première marque de parfumerie en vrac du pays.
Mélanie a toujours été accro aux parfums. «A 20 ans, ma salle de bains était remplie de bouteilles à moitié entamées qui prenaient la poussière. Je me ruinais pour des senteurs à la mode, avant de les jeter. Je me suis dit: «Il doit y avoir une alternative.»
La bonne idée?
La responsable en communication étudie donc le sujet sur internet. «J’ai découvert plein de choses sur les matières premières et je me suis aperçue que dans un parfum, ce qui coûte le plus cher, c’est le packaging, les égéries, le marketing. Aidée de mon père, j’ai imaginé un business plan pour vendre du parfum en vrac, dans des bouteilles rechargeables, et attirer les clients avec une gamme de produits de cosmétique.» Tout est certifié sans paraben, non testé sur les animaux, avec des matières premières naturelles et provient d’artisans en Suisse et en Espagne. «Dans ce domaine, nous étions et sommes encore les seuls en Suisse.»
Le défi?
Entre l’idée, en 2010, et l’ouverture de la première boutique, à Morges, il s’est écoulé trois ans. «Il faut être un peu fou pour se lancer, mais le sourire des clients, ça vaut de l’or. Je me suis lancée à 23 ans. J’ai quitté un bon poste, misé toutes mes économies, environ 25 000 francs, et démarché des revendeurs. Le monde de l’entrepreneuriat est assez masculin. Il a fallu s’imposer. Pour le bail, j’ai dû me faire accompagner de mon père, pour ne pas que mon âge soit un obstacle. Mais je voulais avoir mon entreprise. C’est comme un bébé: on en prend soin, on l’aime, on la fait grandir. J’y pense à chaque minute de ma journée. Le gros challenge a été de se faire connaître. Bizarrement, au début, l’un des obstacles a été le prix bon marché de nos parfums: 50 ml à 21 fr. 90, c’était presque trop accessible.»
Le coup de pouce?
En 2015, Mélanie reçoit un prix de Genilem, association à but non lucratif qui soutient les jeunes entrepreneurs. Elle bénéficie d’un coaching sur trois ans d’une valeur de 85 000 fr. «Cela m’a donné des pistes, un regard extérieur et une crédibilité.»
Et demain?
«Il faut toujours croire en son produit. On vend 100 fragrances, pour tous les âges et tous les goûts. Aujourd’hui, quatre personnes vivent de cette entreprise. On a 35 revendeurs en Suisse romande et on se lance sur le marché alémanique avec une boutique en ligne pour commencer. On rêve d’organiser des ateliers.»


file721pw2jfuxfpp7helud
Au-dessus de Morges, Elise (à g.) et Paloma présentent leur assortiment. Tout est bio, durable, lavable et recyclable. Sauf peut-être ces toilettes posées là pour symboliser ce sujet qui concerne la moitié des humains. L'Illustré / Blaise Kormann

«Il a fallu oser prendre des risques!»

Elise Langone et Paloma A. Sanchez, 25 et 28 ans
La première vient de Morges, la seconde de Madrid. Ensemble, elles ont créé Cyclo, start-up qui promeut des menstruations positives.
C’est le sujet tendance de ces dernières années: les règles. Le magazine Forbes a déclaré 2016 année des start-up féminines qui s’emparent de la thématique des menstruations. Pile à point pour Paloma.
La bonne idée?
En Australie, après d’innombrables problèmes gynécologiques, la jeune Espagnole découvre qu’il est possible de démystifier le tabou du cycle féminin. De retour en Espagne, elle crée un business plan pour proposer des alternatives aux tampons et serviettes hygiéniques et participe à un concours dans un magazine qui encourage les jeunes entreprises. Elise, fille de Morges, étudiait le commerce international au Danemark. Au détour d’un Erasmus à Madrid, elle s’associe à Paloma et ainsi naît Cyclo. La start-up achète des tissus bios en Europe et fait fabriquer par des artisanes du nord de l’Espagne des protège-slips lavables. Tous les produits des ventes de cups menstruelles et des autres accessoires financent des cours d’éducation et de promotion des menstruations positives dans des écoles et des entreprises.
Le défi?
«Le principal défi quand on se lance, c’est de gérer ses finances, concède Elise. On ne voulait pas être riches, mais indépendantes. Foncer pour un projet auquel on croit. On est jeunes, on n’a pas besoin de grand-chose. J’avais quand même un coussin de sécurité, des économies, un deuxième job et le soutien de mes parents. Deux mois après le lancement de Cyclo, nous touchions notre premier petit salaire. Pour qu’une start-up fonctionne, il faut oser prendre des risques à un certain moment.» Elise s’occupe des cordons de la bourse, de la logistique et du business plan. Paloma, spécialiste en marketing, gère le réseau et l’image de l’entreprise.
Le coup de pouce?
L’entreprise de Paloma et Elise est arrivée en finale du prix international Woman Entrepreneur of the Year, décerné par INCO, catalyseur de start-up écologiques et socio-responsables. Les deux CEO n’ont pas gagné, mais l’écho de leur succès a assis la respectabilité de leur entreprise. «Notre plus grande satisfaction, c’est que notre travail et notre investissement ont permis à la start-up de croître de plus de 1000% en un an. Et la reconnaissance des clientes est inestimable!»
Et demain?
«Le marché se développe de l’Espagne vers l’Amérique latine, la Suisse, la France et le Canada. On se fixe des objectifs à court, moyen et long terme pour dépasser nos limites», explique Elise.

Par Mathyer Marie publié le 28 septembre 2018 - 08:46, modifié 18 janvier 2021 - 21:00