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Joanna Ryter, la femme de fer

Championne du monde d’Ironman dans sa catégorie à Hawaï, Joanna Ryter, 25 ans, est l’espoir suisse du triathlon longue distance. Rencontre entre Crans Montana, Colombier et Sion où la jeune sportive vit, a grandi et s’entraîne.

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Sedrik Nemeth

«Hawaï, je m’en souviens comme si c’était hier.» Le 18 octobre 2018, Joanna Ryter, 25 ans, gagne le plus grand Ironman du monde. Ironman, vous avez dit? Oui, 3,8 kilomètres de nage en eau libre, 180 kilomètres de vélo (la distance moyenne d’une étape du Tour de France) et un marathon (42 kilomètres). Rien que ça. Joanna Ryter est ce qu’on appelle une championne, et pas de n’importe quoi. Cette médaille d’or à Hawaï, elle est allée la chercher au bout du bout. Vingt-cinquième en sortant de l’océan, puis sixième en posant son vélo, elle rattrape la première à 7 kilomètres de la fin du marathon. «A 12 kilomètres de la ligne d’arrivée, j’ai appris que j’étais deuxième, que la première avait 2 minutes 30 d’avance. Et je me suis dit «deuxième, c’est vraiment pas mal», avant de me mettre un coup de fouet. Cette victoire, je la voulais.»

Joanna joue le bluff et dépasse sa concurrente. «Et là, il restait les 7 kilomètres les plus longs de ma vie. Tout s’est joué sur le mental, je me répétais sans cesse: «Joanna, dans 7 kilomètres, tu seras championne du monde.»

>> Voir le portrait de Joanna Ryter en vidéo:

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Joanna Ryter, l'étoile montante du triathlon

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Elle enchaîne 4,8 kilomètres de nage, 180 kilomètres de vélo et un marathon. Le 18 octobre 2018, à Hawaii, Joanna Ryter, 25 ans, est devenue championne du monde d’Ironman dans sa catégorie. Rencontre avec l’espoir suisse du triathlon longue distance entre Crans-Montana, Colombier et Sion où la jeune sportive vit, a grandi et s’entraîne  

Pas gagné d'avance

Pourtant, le triathlon, ce n’était pas gagné d’avance, elle qui n’aime pas l’eau et sait à peine nager lorsqu’elle débute. Mais la native de La Chaux-de-Fonds est une enfant née sous le signe du sport. Elle commence le tennis alors qu’elle n’a que 4 ans, avant ses premières compétitions de VTT à 12 ans. Joanna veut suivre les pas de son père qui participe à la Raffeisen Trans, une compétition de VTT dans le canton de Neuchâtel. Elle aurait pu s’arrêter là. Mais non: «Ensuite, j’ai commencé la course à pied pour accompagner ma mère qui courait le BCN Tour». Puis elle découvre le championnat jurassien de triathlon, où il n’y a que quelques mètres à faire en piscine. «L’ambiance était extraordinaire! Et là, je n’ai plus eu le choix, j’ai appris à nager!»

Joanna Ryter est aussi une élève studieuse. Après un bachelor en tourisme à Sierre, elle part sept mois en Chine et en Mongolie dans le cadre d’un stage. Là-bas, elle organise un trail le long de la frontière russe, mais surtout, «j’y ai appris à me démerder toute seule». S’ensuivra un master en gestion du sport à Lausanne et, en 2016, son premier Ironman (un semi), à Vichy, en France. «C’était le déclic, ça m’a vraiment énormément plu!»

«J’aime cette compétition avec moi-même»

Ce qu’elle préfère, c’est l’enchaînement des trois sports et la gestion de sa course. «Aller chercher au-delà de ce qu’on pense avoir; on a tous cette force intérieure et j’aime cette compétition avec moi-même, repousser sans cesse mes limites. Je comprends que d’être couché à la nage, puis assis sur son vélo et enfin debout pour la course puisse faire peur, mais si on démarre gentiment, le triathlon est vraiment accessible à tous», sourit Joanna, ambassadrice volontaire d’un sport qu’elle trouve encore trop peu médiatisé. «Et puis il faut aussi aimer se parler à soi-même! Un Ironman, c’est une très longue journée tout seul!»

Aujourd’hui installée en Valais, entre Sion – où elle s’entraîne – et Crans-Montana – où elle travaille et a loué un petit appartement avec son compagnon –, la jeune femme ne passe pas un jour sans faire du sport. Nous la rejoignons chez elle, à l’entrée de la station de ski. Accrochées à une poutre du toit, des dizaines de médailles se balancent, emportées par la faible brise d’un après-midi de fin d’été.

Aucun jour de repos, vraiment? «Je fais du sport tous les jours, que ce soit un, deux ou trois sports», sourit la jeune femme devant notre air impressionné. Des journées bien remplies donc, car la triathlète travaille aussi à 50% pour l’office du tourisme de Crans-Montana. Et les vacances? «Pour aller faire des courses ou des camps d’entraînement! Je veux mettre toutes les chances de mon côté pour réaliser mon rêve et être l’une des meilleures triathlètes mondiales sur longue distance, souffle Joanna Ryter. C’est une période de ma vie qui est comme ça et cela changera avec ma retraite sportive.»

Aujourd’hui, c’est aussi le jour des adieux avec son frère, Michael, qui, après des vacances en Valais, rejoint Bruxelles où il étudie, à moto. Joanna s’inquiète un peu de la route qui l’attend. «Mais il fait une pause pour la nuit à Bâle, chez des amis, ça me rassure.» Michael Ryter, 26 ans, est aussi un sportif. «Mais aujourd’hui, pour une question de fierté, j’évite de faire du sport avec Joanna», plaisante-t-il.

Une abnégation sans faille

Sa famille et ses amis, pour la plupart restés à Colombier, sont peut-être ce qui manque le plus à Joanna. Cette abnégation qui la caractérise l’empêche de les voir autant qu’elle le souhaiterait. «Les week-ends entre copines sont devenus quasi impossibles. Pour être au plus haut niveau, il faut faire des sacrifices; et puis je dois aussi faire attention à ce que je mange, à combien d’heures je dors, etc. Ce n’est pas facile tous les jours», confie-t-elle.

Joanna est de nature impatiente, et elle le sait. «C’est peut-être mon principal défaut.» Passée pro il y a quelques mois, la jeune sportive se désole de n’avoir pas encore fait de podium. «Mentalement, c’était difficile à accepter au début; mais bon, je ne peux que faire mieux, alors je prends chaque course comme une expérience et j’y vais pas à pas.»

Son rêve? Retourner à Hawaï, en catégorie professionnelle cette fois-ci. «Et puis attendre que Daniela Ryf (triathlète suisse et multiple championne du monde d’Ironman, ndlr) prenne sa retraite, plaisante-t-elle. Alors j’aurai sûrement une chance!»


 

Par Camille Pagella publié le 13 septembre 2019 - 10:51, modifié 18 janvier 2021 - 21:15